Notices biographiques

Pierre Rangheard

Né le 20 novembre 1910 à Maizières-lès-Brienne et mort le 27 novembre 1995 à Lyon, Pierre Rangheard est un officier français de l’armée de terre, résistant, s’étant illustré à Lyon dans le réseau CDM (Camouflage du matériel) dès après l’établissement de l’Armée d’armistice, ainsi que dans le Maquis du Vercors qu’il a rejoint le 6 juin 1944. Il y commande la compagnie responsable de l’équipement et des munitions et organise les dépôts de munitions. Il participe activement au combat contre les troupes allemandes.

Capitaine FFI, Il a notamment participé à l’enlèvement de 53 Tirailleurs sénégalais emprisonnés dans la caserne de La Doua à Villeurbanne, ainsi qu’à la Libération de Lyon.

On trouvera ici une biographie de Pierre Rangheard établie par Philippe Rangheard.

Claude Falck

Claude Falck est né le 16 janvier 1918 au Brésil de parents français. Après avoir quitté son mari qui la maltraitait, la mère de Claude Falck revient en France avec son fils en 1920 et se remarie. Dans le cadre heureux de cette famille renouvelée, Claude Falck fait de brillantes études au lycée Janson de Sailly à Paris et est admis à l’Ecole polytechnique en 1938.

Il y vit une première année lourde de menaces pendant laquelle la défense passive s’ajoute aux études. Après l’invasion de la Pologne, ses camarades et lui sont rappelés de vacances le 1er septembre 1939 et envoyés en formation militaire.

Claude Falck choisit l’Ecole du génie et, devenu sous-lieutenant, est affecté au printemps de 1940 au Groupement de la Charente. Il s’y trouve bientôt confronté à la déroute de nos armées plus qu’aux Allemands eux-mêmes et reçoit une citation au niveau de la Brigade avec Croix de guerre : « Officier courageux, a réalisé avec calme et sang-froid la destruction du pont de Gennes le 19 juin 1940 malgré la fusillade de l’ennemi ».

Pendant l’été, l’Ecole polytechnique survit à l’armistice mais se replie à Lyon et devient « civile ». Claude Falck et ceux de ses camarades qui ne sont pas morts ou prisonniers démissionnent donc de l’armée et effectuent près de Lyon une deuxième année d’études morose et difficile. En juillet 1941, il devient ingénieur-élève des Postes mais il démissionne rapidement car l’ambiance y est lourde.

En décembre 1941, il trouve un emploi d’ingénieur près de Toulon et commence à s’intéresser à la Résistance. Après l’occupation de la zone « libre » en novembre 1942, Claude Falck quitte Toulon et choisit de s’installer à Grenoble où l’activité résistante est très importante. Il trouve un travail à « L’Electro-Technique » et peut habiter chez un de ses oncles qui bientôt découvre et approuve ses relations avec les « patriotes ».

Yves Farge et Alain Le Ray, font en effet appel à lui dès le printemps de 1943 pour renforcer l’organisation militaire du Vercors en formant les jeunes maquisards et en procurant du matériel et des explosifs.

Cette activité clandestine le rapproche de M. Laronde, résistant et directeur des « Forces motrices Bonne et Drac ». A sa demande, Claude Falck quitte Grenoble en avril 1944 pour travailler officiellement au Sautet et pratiquement dans les maquis de Corps et du Vercors sous le pseudonyme de Blanchard.

Dans l’effervescence qui suit le débarquement allié, Claude Falck concentre ses missions au profit du Vercors puis s’installe fin juin sur le plateau. Il y prend le commandement de la section du génie et de celle du sergent-chef Decarnin qui s’occupe principalement de l’instruction des jeunes. Il participe aux brillamment engagements de la fin juin et est intégré officiellement dans les FFI le 13 juillet 1944 comme lieutenant.

Même si le terrain d’atterrissage que son unité avait reçu mission de préparer à Vassieux n’était pas fini, le fait que les Allemands déposèrent leurs troupes d’assaut dans son voisinage à partir du 21 juillet marqua d’autant plus Claude Falck que ceux-ci, non contents de combattre sans faire de quartier, se livrèrent aux pires atrocités. Après deux jours d’une bataille à laquelle Claude Falck participa activement, il apparut que le massif était encerclé et que la seule issue de survie était un repli par petits groupes.

L’ordre lui fut donné par le capitaine Roos le 23 juillet et le repli s’accompagna de vifs combats dans lesquels la section du sergent-chef Decarnin réussit à se dégager. Bons alpinistes eux aussi, les membres du groupe de Claude Falck eurent moins de chance car, après avoir franchi les falaises qui bordent le massif, ils furent capturés en tentant de passer des barrages allemands. Tous furent tués le 24 juillet 1944 à Miribel-Lanchâtre et leurs corps furent jetés dans un ravin.

Comme Claude Falck n’était pas de la région, sa dépouille ne put pas être identifiée sur-le-champ et sa disparition fut ressentie d’autant plus vivement par sa famille que celle-ci resta longtemps sans nouvelles.

Le lieutenant Falck a été déclaré « Mort pour la France » et repose auprès de ses camarades au cimetière national de Saint-Nizier-du-Moucherotte. Son dévouement à la cause de la résistance et aux maquis, ainsi que sa détermination pendant les combats, lui ont valu une citation au niveau du Corps d’Armée et la Croix de guerre.

Grâce aux démarches effectuées par les Pionniers du Vercors et l’association X-Résistance, le lieutenant Claude Falck a reçu la croix de Combattant Volontaire de la Résistance à titre posthume en mars 2020.

Vianney Bollier

Achille Desmaret

Achille Desmaret (Potin) est né à Montigny-en-Gohelle (Pas-de-Calais) le 9 août 1913.

Incorporé au 15/9 de Briançon en août 1932 par devancement d’appel, il décide d’y faire carrière comme sous-officier. Il fait une belle campagne de France sur l’Ourcq en juin 1940, qui lui vaut une citation à l’ordre de l’armée. Il est adjudant au 15/9, en novembre 1942, au moment de la dissolution.

Il rejoint le Vercors le 12 janvier 1943, pour y diriger un camp, sous les ordres de Narcisse Geyer, Thivollet. À la fin de l’année, il est désigné adjoint du lieutenant Henry, chargé de l’administration et du ravitaillement.
À la demande du commandant Le Ray, il est affecté au secteur IV (Trièves, Diois, Isère-sud) en juin 1944, comme sous-lieutenant, adjoint du lieutenant Champon. Les 1er et 2 juillet, il tente de résister aux Allemands à Gresse-en-Vercors, puis doit se replier vers le plateau.
Chargé de défendre les pas de la Selle et des Chattons avec sa section, il est submergé par les Gebirgsjäger, le 21 juillet 1944, et doit se cacher dans la forêt de Lente.

Le 22 août 1944, il est le premier à pénétrer dans le château de Vizille, où il fait prisonniers les trente-huit Allemands qui s’y étaient retranchés. Il est affecté comme lieutenant au 15e BCA, au sein duquel il fait la campagne de Haute-Maurienne. Sa section sera la première à basculer en Italie par le col d’Arnèse, fin avril 1945.

Après un stage à l’École militaire à Paris, il rejoint le 11e BCA de Barcelonnette en 1947. Volontaire pour servir en Indochine, il fait quatre années de campagne, de 1950 à 1954, au sein de la Légion étrangère. Affecté à la 5e demi-brigade de la 27e DIA en Algérie, il est chef du 3e bureau en Kabylie. Il quitte l’armée en 1960 avec le grade de chef de bataillon.

Il décède le 18 août 2003 à Vinay (Isère).

Distinctions : Officier de la Légion d’honneur ; Médaille militaire ; Croix de guerre 1939-1945 et des TOE (huit citations) ; Croix de la valeur militaire ; Médaille de la Résistance.

Auteur : Jean-Pierre Martin
 in Actes du colloque Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Avon-les-Roches, éd. Anovi, 2010.
Sources :
Yvette Vallier, Carnet de route de la section Potin,
Grenoble, Editions de Belledonne, novembre 2008.
Dossier individuel du Service Historique de la Défense
(SHD – site de Vincennes) – GR 16 P 179681.
Sur la section Potin, voir également
le Pionnier du Vercors n°49, janvier 1985, pp. 32-35.

Jean Veyrat

Né le 14 janvier 1913 dans le 6e arrondissement de Lyon, Jean Veyrat était après 1940 cheminot à Grenoble, où il était employé de bureau comptable. Avec sa femme Henriette, il avaient deux enfants âgés de 3 et 7 ans en 1940. La famille était domiciliée rue de Strasbourg à Grenoble.

Il entre rapidement dans la Résistance sous le pseudonyme de Raymond. Avec Léon Martin et Eugène Chavant, il fait partie du premier noyau créé au café de la Rotonde, à proximité immédiate de la gare de Grenoble. Membre de Franc-Tireurs, il devient un des organisateurs des maquis de l’Isère pour procurer un abri aux jeunes menacés par le Service du travail obligatoire (STO). Le 6 janvier 1943, il guide les six premiers réfractaires de Grenoble au camp d’Ambel, le C1.

Jean Veyrat est arrêté en février 1943 par la police d’occupation italienne suite à une dénonciation pour «  avoir aidé des travailleurs français devant se rendre en Allemagne à se soustraire à leurs obligations ». Il est incarcéré et emprisonné en Italie jusqu’à l’armistice signé par les Alliés et l’Italie le 3 septembre 43.

Jean Veyrat rejoint alors le Vercors. Avec Louis Bouchier, il crée à Romans un groupe franc, nommé Groupe franc Vercors. Ils se réunissent au café de l’Océan. Sa mission est de procurer aux maquis du Vercors l’habillement, l’équipement, le matériel, les moyens de transport, les cartes de ravitaillement, et le tabac dont ils ont besoin. C’est lui qui aurait établi la première liaison entre la ville de Grenoble et la montagne. Blessé à Roanne lors de sa deuxième arrestation par la milice, il parvient de nouveau à s’échapper.

Jean Veyrat participe à la tentative de récupérer une partie des V1 à Portes-lès-Valence le 9 mai 1944. Après un premier essai avorté, il est avec Eugène Chavant (Clément) transporté à Alger par sous-marin dans la nuit du 21 au 22 mai 1944, en emportant un document capital : le plan, dérobé à l’organisation Todt, des défenses côtières allemandes sur la partie de la côte méditerranéenne qui intéresse le plus les Alliés. Jean Veyrat remet les plans à un officier américain, André Pecquet (Paray).

Du 13 au 15 juin, il combat à Saint-Nizier dans les rangs du 6e bataillon de chasseurs alpins au sein de la compagnie de Jean Prévost (Goderville) avec le grade de lieutenant. Le 16 juin 1944 , il est envoyé dans la Drôme et où il rejoint Gaston Vincent (commandant Azur). Après l’ordre de dispersion du 23 juillet, avec notamment Rémi Lifschitz, Simon Nora, Léa Blain et Jean Prévost, ils sont huit, sans ressources et à bout de forces, à se replier dans la grotte des Fées, dans la forêt de Saint-Agnan-en-Vercors, entre Saint-Agnan et Saint-Martin-en-Vercors.

Le 31 juillet, ils quittent la grotte. Tandis que Rémi Lifschitz reste en arrière avec Léa Blain qui ne peut marcher (ils seront tués peu après au lieu-dit la Croix des Glovettes à Villard-de-Lans) et que Simon Nora part retrouver ses parents cachés à Méaudre, les cinq autres tentent de descendre à Villard-de-Lans puis de rejoindre Sassenage par les gorges d’Engins. Les cinq hommes sortent du défilé le 1er août et atteignent le pont Charvet où ils sont surpris par une patrouille allemande et abattus sur place, à quelques centaines de mètres de la maison de Pierre Dalloz.

Jean Veyrat fut d’abord inhumé à Grenoble le 31 octobre 1944, puis exhumé le 19 juillet 1950 : son corps repose à la nécropole nationale de Saint-Nizier-du-Moucherotte, inaugurée en 1947.

Une rue Jean Veyrat honore sa mémoire à Grenoble.

Geneviève Gayet

Geneviève Gayet, Germaine, est née le 16 octobre 1922 à la Tronche (Isère) et décédée le 25 juin 2011 à Corenc (Isère). Secrétaire dans une coopérative ouvrière du bâtiment, elle participe à un rassemblement de protestation organisé le 14 juillet 1942, place Grenette à Grenoble. Elle s’y rend vêtue d’une jupe bleue, d’un corsage blanc avec un foulard rouge noué sur la tête. Elle est contactée par des organisations de Résistants et assure des transports de documents. Arrêtée, elle s’évade du commissariat de Grenoble puis monte sur le plateau du Vercors où elle change d’apparence, sur une suggestion d’Aimé Pupin et Paul Huillier, avec le concours de la coiffeuse d’Autrans. Elle est hébergée dans la cabane forestière du C3 ou du C5. Elle poursuit ses activités d’agent de liaison entre le Vercors et les villes de la région.
Chevalier de la Légion d’honneur, Croix de guerre avec palme, Croix du combattant volontaire de la résistance, Médaille de la résistance française.

Voir le Pionnier du Vercors n°124, novembre 2011, p.23.

Henri Grouès, l’abbé Pierre

Henri Pierre Grouès est né le 5 août 1912 à Lyon. Il est décédé le 22 janvier 2007 à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris. La famille d’Henri Grouès est originaire du hameau de Fouillouse, commune de Saint-Paul-sur-Ubaye, dans les Alpes-de-Haute-Provence (Basses-Alpes à l’époque).

Il fut d’abord prêtre catholique de l’Ordre des frères mineurs capucins sous le pseudonyme de Frère Philippe. Son ordination sacerdotale eut lieu le 14 août 1938. En 1942, l’abbé Grouès est vicaire à la cathédrale Notre-Dame de Grenoble. Ayant entamé une vie monacale, les règles lui paraissent trop strictes et il demande à ses supérieurs de pouvoir quitter l’ordre, préférant se mettre au service d’une population en souffrance.

Très rapidement il recueille des enfants juifs dont les familles ont été arrêtées lors des rafles des Juifs étrangers de la zone Sud. Avec l’aide d’une sœur de Notre-Dame-de-Sion, il leur fait établir des faux papiers. Grâce à ces documents, l’abbé Grouès met en place des filières d’évasion par la Suisse. Il participa ainsi à l’évacuation de Jacques de Gaulle vers la Suisse. Le frère du général de Gaulle résidait à Grenoble, il était paralysé à la suite d’une maladie. Menacé d’arrestation en 1942, il fut transféré en Suisse grâce à la complicité de douaniers français et du curé de Collonges-sous-Salève. L’abbé Grouès lui fit franchir la frontière en le portant sur son dos.

Lors de l’instauration du S.T.O. en février 43, il vient en aide aux réfractaires. Avec André Demirleau, charpentier à Voreppe, il participe en mars 43 à la mise en place du « maquis Palace » – par contraste avec la vétusté des lieux -, en Chartreuse. Soucieux d’informer et d’encadrer les jeunes, il édite, en avril 1943, un bulletin de liaison à leur intention, pour lequel il a besoin d’une secrétaire. La publication clandestine, imprimée place Grenette à Grenoble – là même où sont élaborés les faux papiers -, s’appelle L’Union patriotique indépendante (UPI) et est destinée aux cadres du maquis. C’est à cette occasion qu’il rencontra Lucie Coutaz, qui devient sa principale collaboratrice durant 39 ans et sera la co-fondatrice d’Emmaüs. Il prend plusieurs identités clandestines, dont celle d’abbé Pierre, afin de ne pas être repéré par la Gestapo et la police du régime de Vichy.

Après plusieurs attaques italiennes, la Chartreuse devenant trop exposée, l’abbé Pierre fait transférer à l’été 43 le « maquis Palace » dans le Vercors, à Sornin, au-dessus des gorges d’Engins. Les camps de Sornin émigrent fin 43 à Malleval, cuvette estimée plus sécurisante. De novembre 1943 à février 1944, l’abbé Pierre a également organisé, avec Mademoiselle de Sainte-Marie, le ravitaillement des détenus de la prison de Montluc (Lyon).
Aidé de l’ingénieur Zunio Waysman (Gilbert), il accueille les réfractaires au STO à Sornin puis Malleval. Le groupe s’étoffant, l’abbé Pierre recrute, pour les encadrer, un officier de réserve, ancien chef démissionnaire de chantier de jeunesse et ancien scout routier, Pierre Godart (Raoul). Jusqu’en janvier 1944, Henri Grouès, aidé de Mademoiselle Louise (Lucie Coutaz) et de Madame Marie (Jévodan), assure le ravitaillement et l’entraînement, par divers officiers, des maquis de Sornin puis de Malleval (environ 80 hommes) en Vercors.
L’abbé Pierre quitte Malleval avant l’attaque allemande du 29 janvier 1944. En février 1944, recherché par la Gestapo de Lyon, et tandis qu’il est en convalescence, ses chefs lui ordonnent de franchir les Pyrénées pour rejoindre de Gaulle à Alger. Entre février et mai 1944, il fut rédacteur à l’AID (Agence d’information et de documentation), créée par le CNR. Il prendra successivement les pseudonymes d’abbé Houdin à Paris, puis celui de Sir Harry Barlow, dans le cadre de sa mission à Gibraltar pour le BCRA, le 14 juin. 
Traqué par la Gestapo, il est arrêté le 19 mai 1944 au retour d’un voyage en Espagne. Il parvient à s’évader dans la nuit du 19 au 20 mai. Le 26 mai, il reprend la route de l’Espagne et relie, en 20 jours, Paris et Alger.

À partir d’août 1944, il devient aumônier de la Marine, au Maroc.

En octobre 1946, il fut élu député de Meurthe-et-Moselle et devint président du Comité exécutif du Mouvement universel pour une confédération mondiale, durant quatre ans. Il démissionna de la fonction de député en 1951.

Plus tard, il créa le mouvement Emmaüs, organisation laïque de lutte contre l’exclusion. Après l’hiver 1954, Emmaüs devient connu des Français, et reçut un nombre important de dons. De là est née la première tentative de structuration du mouvement, avec la création de l’Association Emmaüs. Cependant, celle-ci se détachera vite de ce rôle initial pour se concentrer sur la gestion des centres d’accueil et d’hébergement de Paris et de sa région. À la fin des années 1950, l’abbé Pierre, après une période de maladie, entama une série de voyages à travers le monde, et notamment en Amérique Latine. L’association devint alors Emmaüs international en 1971.

Sources :
Dossier individuel du Service historique de la Défense (SHD) – 16P 272433.
Site Internet Emmaüs international – L’engagement politique de l’Abbé Pierre, consulté le 26 septembre 2016.
Centre abbé Pierre Emmaüs – Esteville. Biographie de l’abbé Pierre.

Jacques Carminati

Le parcours d’une famille d’origine italienne, celle de Jacques Paul Carminati, fusillé le 5 août 1944. Par Alain Carminati, son fils.

« Mon grand-père maternel, Gio-Battista Offreddi est né à Taleggio – province de Bergame, Italie – en 1877. Il était brocanteur à Saint-Ouen, dans la banlieue parisienne. Son épouse, Maria-Giacoma Gervasoni, est née à Brembilla – province de Bergame, Italie – le 4 janvier. Ils eurent six enfants, tous nés en Italie, dont ma mère, Irma Claire née le 18 août 1920.

La famille a émigré dans l’Est de la France, dans les années 30, lorsque la France avait besoin de bucherons. Ils ont ensuite habité Paris où mon grand-père récupérait les bouteilles en verre consignées et ma grand-mère était femme de ménage. Le couple s’est séparé et ma grand-mère est venue s’installer à Autrans avec ses six enfants en raison de la santé fragile de son fils Sébastien.

Les enfants ont grandi au lieu-dit Ebertière, dans ce qui était à l’origine une ferme que ma grand-mère n’a pas exploitée. Au début, sans électricité, nous nous éclairions avec des bougies. Bien plus tard, j’y suis allé souvent en vacances, avec mon frère Gérard. Ma grand-mère était une « sainte » tant elle aimait et était aimée des ses enfants et petits-enfants.

Mon grand-père paternel, Barthélémy Carminati (surnommé « le Barthélemy »), a émigré de Bergame en Italie, comme bûcheron dans le Jura, à Mouchard. Il y a rencontré ma grand-mère, Jeanne Lievaud, française, avec laquelle il s’est marié. Ils eurent six enfants, dont mon père Jacques Paul Carminati. La famille est venue s’installer à Villard-de-Lans, je ne sais pas en quelle année.

Mon grand-père, « le Barthélémy », a travaillé comme bûcheron, puis dans la livraison de charbon à Villard-de Lans, chez Glaudas. Ma grand-mère Jeanne lavait et repassait du linge pour des particuliers et des hôtels de Villard-de-Lans. Leurs filles – Corine, Mathilde, Emilienne et Anne-Marie – ont toutes travaillé dans la restauration ; mon oncle, Michel, comme peintre en bâtiment, et mon père, Jacques Paul, comme bûcheron. Puis la guerre est arrivée.

Mon père, né le 16 janvier 1918 à Arc-et-Senans (Doubs), a rencontré ma mère dans le Vercors, Irma Claire, italienne, pas encore naturalisée. Ils se sont mariés le 25 juin 1943 à Villard-de-Lans. J’avais six ans et mon frère quatre. Mon père travaillait alors comme négociant en charbon chez Glaudas. Il avait fait son service militaire dans les chasseurs alpins.

Mon père, malgré les craintes vivement exprimées par sa famille, a rejoint la compagnie Goderville. Ce devait être en 1943. C’est lors d’une visite qu’il se préparait à faire à son épouse et à ses deux enfants, qu’il a été pris par les Allemands. Il a été torturé et fusillé au lieu-dit Fenat, à Villard-de-Lans, après avoir creusé son propre trou, le 5 août 1944.

J’ai le souvenir de ma mère (j’avais alors sept ans) très inquiète, ne voyant pas arriver son mari. Elle avait appris que les Allemands tuaient des maquisards. La rumeur lui disait : « ton mari doit être à Grenoble ». Elle est partie à pied, du lieu-dit les Gauchets où nous habitions à Villard-de-Lans, jusqu’à Saint-Nizier pour prendre le tram en direction de Grenoble. Elle tenait par la main ses deux jeunes enfants, mon frère Gérard et moi. J’ai le souvenir encore précis de moments de ce voyage à pied. A Grenoble, aucune piste, nous sommes remontés sur le plateau.

C’est là, au retour, que nous avons appris que mon père avait été retrouvé mort, fusillé à cinq ou six kilomètres de la maison. Ma grande tante, sœur de ma grand-mère que nous appelions avec affection « Nanane », avait découvert l’emplacement où était mon père, guidée par une jambe qui sortait du trou recouvert de terre dans lequel il avait été jeté.

En direction des gorges de la Bourne, au lieu-dit Fenat, se trouve la stèle rappelant que mon père a été fusillé. Ce monument porte également les noms de quatre maquisards tués: Léon Gauthier, Pascal Louis Ronza, Henri Magnat, et Marcel Bathelot. Tous ces jeunes, comme mon père, étaient habitants du lieu-dit « Les Gauchets » à Villard-de-Lans. Pascal Louis Ronza, a été fusillé à Grenoble, cours Berriat, le 14 août 1944.

Mon père Jacques Paul Carminati repose au cimetière de Villard-de-Lans.

Toute la famille a été ébranlée par cette mort et ma mère en a porté les cicatrices toute sa vie. Elle s’est battue pour se reconstruire.

En tant que Pupille de la Nation, mon frère et moi avons pu être placés à l’Orphelinat départemental de la Côte-Saint-André dans l ‘Isère, où nous avons suivi une éducation rigoureuse. C’est là que j’ai vécu avant de quitter les lieux en 1955 et de m’engager dans l’Armée de l’Air (une passion pour les avions depuis tout jeune…), puis en tant que parachutiste dans les commandos de l’air où j’ai servi en Algérie. Je suis rentré en métropole en janvier 1959. »

Auteur : Alain Carminati
Novembre 2020

Narcisse Geyer

Narcisse Geyer est né le 26 mars 1912 à Réchesy (Territoire de Belfort), d’un père officier tué en 1918.

Carrière militaire :
Engagé volontaire en 1930 au 1er régiment de chasseurs, il devient élève-officier d’active. Il est sous-lieutenant en 1939 et fait la campagne de France dans la 4e DCR du colonel de Gaulle, au 7e régiment de dragons portés.

À l’entrée des troupes allemandes à Lyon le 11 novembre 1942, le lieutenant Geyer s’échappe à cheval de la caserne du 11e cuirassiers à La Part-Dieu, avec une cinquantaine d’hommes, l’étendard du régiment enroulé autour de son corps, et rejoint la forêt du Grand-Serre dans la Drôme. Il y fonde avec le brigadier Charles Lahmery (Bozambo) l’un des tout premiers maquis des Alpes. Il prend le pseudo de Thivollet, du nom de la forêt où il a installé son PC. Pour montrer le sous-équipement des maquis, il fait tourner un film qu’il adresse aux Britanniques. Il passe ensuite au bois de Chambaran où il reçoit des armes ; il rejoint ensuite à la fin 1943 le Vercors, à la demande du commandant Descour, pour prendre la succession d’Alain Le Ray, qui venait de démissionner.
Nommé chef d’escadrons FFI par Descour, il prend, en juillet 1944, le commandement du 11e cuirassiers reconstitué, qui affronte à Vassieux l’assaut des planeurs allemands. Le 17 août, il gagne La Baume-d’Hostun et participe à la libération de Romans, puis de Lyon.
À la tête du 11e cuir., il continue la guerre avec la 1re Division Française Libre (DFL) du général Brosset, dans les Vosges, en Alsace, puis en Allemagne.

Carrière après-guerre :
En 1946, il est affecté à l’école militaire d’équitation de Fontainebleau, comme capitaine. Il effectue deux séjours en Algérie, de 1957 à 1959 au 9e RCA puis au 6e cuirassiers, de 1961 à 1962 au 6e hussards et au 4e chasseurs. Il est nommé chef d’escadrons en 1952 et prend sa retraite en 1963 comme lieutenant-colonel honoraire, « grade détenu au titre des FFI ».

Distinctions :
Commandeur de la Légion d’honneur ; Rosette de la Résistance ; Croix de guerre 1939-1945 (six citations, dont quatre à l’ordre de l’armée) et des TOE.

Auteur : Jean-Pierre Martin
in Actes du colloque Les militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Grenoble, Anovi, 2010.
Sources :
Service Historique de la Défense – Dossier individuel GR 16 P 253581.
Témoignage de Michel Debeauvais,
ancien du maquis du Grand-Serre et de Chambaran, recueilli par l’ANPCVV.
Archives de l’ANPCVV – Grenoble.

Georges Fereyre

Georges Fereyre est né le 11 juin 1923 à Valence. Il rejoint la Résistance en 1943, dans le secteur VIII de l’Armée secrète. Il prend le pseudonyme de La Peau de mouton.

Dans un premier temps agent de liaison et de renseignement, il participe à plusieurs coups de main en liaison avec le groupe franc de Romans, dont ceux visant les magasins d’habillement des Chantiers de la jeunesse de Romans, Bourg-de-Péage et Valence. Après le verrouillage du massif, il intègre la compagnie Philippe en juin 1944. Chargé du barrage établi à la Balme de Rencurel, il participe aux combats à l’issue desquels la progression de la milice est stoppée. Georges Fereyre est également là pour récupérer des parachutages à Vassieux. Il quitte le Vercors le 16 août 1944 et participe à la libération de Romans et de Lyon.

Georges Fereyre poursuit la guerre au sein du 11e Cuir et de la 1re DFL dans les Vosges, l’Alsace puis l’Allemagne.

Il prend la présidence de l’Association nationale des pionniers et combattants volontaires du maquis du Vercors en 1990. A ce titre, il organise les cérémonies du 50e anniversaire tenues en présence d’Édouard Balladur, le 21 juillet 1994, au cours duquel le Premier ministre, accompagné de plusieurs ministres et de nombreux élus de la Drôme et de l’Isère, inaugura le Mémorial national de la Résistance du Vercors, projet que Georges Fereyre avait activement contribué à faire aboutir.

Georges Fereyre est décédé le 7 novembre 2002 à 79 ans.

Benjamin Malossane

Benjamin Malossane (1886-1970), directeur de l’école de garçons depuis 1929 – les enfants le surnommaient « Père Malo » -, est très actif dans les activités péri-scolaires, et par suite très impliqué dans la vie locale de Saint-Jean-en-Royans. Socialiste depuis 1907, franc-maçon, il se prononce contre la non intervention en Espagne et dénonce les accords de Münich.

A la rentrée scolaire de septembre 1940, d’emblée hostile, il écrit sur le tableau noir : « Vive l’Angleterre qui continue la lutte ». Vichy le met à la retraite d’office le lendemain de Noël 1941. Son activité se reporte alors vers l’organisation de la Résistance.

Il adhère au mouvement Libération, puis, un noyau de Combat ayant été créé à Saint-Jean par Constant Berthet – chirurgien-dentiste, Molaire, tombé au combat à la libération de Romans le 27 août 1944 à La Maladière à Bourg-de-Péage -, il passe à Combat, avant de se rallier à Franc-Tireur en janvier 1943. On peut y voir un lien avec le travail d’Aimé Pupin pour fédérer des groupes autour de Franc-tireur, action conduite notamment dans le Royans où ce dernier avait des attaches anciennes et amicales.

Benjamin Malossane participe, fin 1942, à la création du camp pour réfractaires à la ferme d’Ambel. Responsable de la logistique et d’une filière de faux papiers, il est le principal organisateur d’un nouveau camp (le C 6) au col de La Chau, au-dessus de Vassieux-en-Vercors, au printemps 1943.

Les recherches de la Gestapo s’activent pour arrêter Malossane. Afin d’échapper aux recherches à partir de l’automne 1943, il dut errer d’une maison amie à une autre, dans la campagne de Saint- Jean, à La Motte, Oriol, puis dans celle de Romans, à Valence et ses environs, sans perdre de vue les activités de responsable au sein des mouvements de la Résistance à l’échelon départemental.

Parce que contraint à trop de déplacements dans cette perpétuelle chasse à l’homme, la Gestapo le suivant à la trace, il ne put rejoindre l’avion venu d’Alger où il devait siéger à l’Assemblée consultative mise en place par le général de Gaulle.

Il rejoint le Vercors le 9 juin 1944, où il occupe, sous l’autorité d’Eugène Chavant, responsable civil de la République du Vercors, les fonctions de responsable de la zone Sud, véritable sous-préfet, en charge du ravitaillement et de l’administration.

Il sera membre du CDL (Comité départemental de libération) de la Drôme à la Libération, maire de Saint-Jean de 1945 à 1965 et conseiller général de 1945 à 1955. Benjamin Malossane est l’auteur, avec Gaby Monnet, du Chant des Pionniers du Vercors. Benjamin Malossane s’est également beaucoup investi aux côtés d’Eugène Chavant au sein de l’association des Pionniers dont il a été le vice-président jusqu’à la fin de sa vie.

Le collège de Saint-Jean-Royans, situé avenue Benjamin Malossane, porte le nom de Benjamin Malossane.

Voir Le Pionnier du Vercors n°45, janvier 1984

Gaston Cathala

Gaston Cathala est né le 17 décembre 1918 à Noidans-lès-Vesoul (Haute-Saône).

La famille Cathala, originaire de Haute-Saône, s’installe à Domène (Isère). Les parents sont concierges de l’usine du Moutiers des Papeteries du Domeynon. Gaston Cathala passe son enfance à Domène.

Appelé avec la classe 1938, il s’engage pour quatre ans au 6e BCA, il est nommé caporal le 1er mai 1939. Le 14 janvier 1940, il est affecté au 24e BILA (Bataillon d’Infanterie Légère) dans le secteur fortifié du Dauphiné, à la Section Eclaireurs-Skieurs (SES). Nommé le 1er mars 1940 caporal-chef, puis sergent le 10 mai 1940, il est mobilisé sur le front des Alpes et rejoint le sous-groupement à la Beaume, en Isère, le 29 août 1940. Le 28 septembre 1940, il rejoint l’unité d’Infanterie de Gardiennage à Briançon. Le 28 juin 1941, il est dirigé sur le 159e RIA à Grenoble.

Il se porte volontaire pour la Syrie le 16 juillet 1941, est affecté au 33e Bataillon de Marche Colonial (BMC), mais la dissolution du 33e BMC intervient le 20 juillet 1941 ; il est alors affecté au détachement du 159e RIA de Briançon.

Il signe un nouvel engagement de deux ans, le 14 septembre 1942, au titre du 159e RIA. Le 28 novembre 1942, à la dissolution de l’Armée d’Armistice, il se retire à Embrun. Le 17 juillet 1943, il épouse Micheline Pichon, originaire de Briançon, qui lui donnera trois enfants.

Il est rapidement contacté par le lieutenant Alain Le Ray, tout comme lui ancien du 159e RIA, à la recherche de sous-officiers pour encadrer les premiers camps du Vercors. Il prend alors pour pseudonyme Grange.

Le 5 mars 1943, il rejoint le Vercors, sous les ordres du lieutenant Le Ray (Rouvier), chef militaire du Vercors, qui le place à la tête du Camp 4 à La Cornouze. Sa jeune épouse le suit et s’installe à Saint-Agnan, lieu-dit « Les Bérards-en-Vercors ». Le 10 septembre 1943, il commande le C6 fondé par Benjamin Malossane, qui vient d’absorber le C4 à la cabane de la Chau. En octobre 1943, après l’affaire désastreuse avec des soldats italiens, le C6 se replie au monastère de l’Esparron et fusionne avec le C8 pour devenir le C11. Le 3 février 1944, les troupes allemandes attaquent le monastère, Grange réussi à exfiltrer ses hommes avec un minimum de pertes.

Le C11 rejoint alors l’escadron Hardy du 11e Cuir, jusqu’à fin juin 1944, lorsque le C11 s’installe au col de Rousset, toujours sous les ordres de Cathala, promu lieutenant. Venu en renfort les 14 et 15 juin 1944, il participe activement avec ses hommes du C11 au combat de Saint-Nizier-du-Moucherotte, où Grange est cité à l’ordre du Régiment : « A tenu à Saint-Nizier le 15 juin 1944 pendant plusieurs heures une position très exposée, attaquée par un ennemi très supérieur en nombre et plein de mordant. »

Le 1er juillet 1944, le C11 est incorporé au 3e escadron du 11e Cuir. ; Grange est nommé capitaine FFI le 1er juillet 1944, il prend le commandement du secteur du col de Rousset.

Le 21 juillet, dans la cuvette de Vassieux, l’attaque des troupes allemandes aéroportées se porte au niveau du terrain Taille Crayon. Le 11e Cuir est appelé en renfort. Grange avec son escadron est rapidement au contact avec un ennemi fortement armé et aguerri. La contre-attaque échoue, faute d’armes lourdes et de moyens radio, et l’ordre de repli donné. Face au déferlement des troupes allemandes sur le Vercors, après avoir participé au combat du 23 juillet au col de Rousset, Grange fait obstruer à la dynamite les entrées du tunnel où sont entreposés armement et munitions. Le Vercors est investi par les troupes allemandes. Prévenu de l’ordre de dispersion, Grange se replie avec ses hommes dans la forêt de Lente. À la suite du débarquement allié en Provence, les Allemands évacuent le Vercors à partir du 20 août. Du 23 au 29 août 1944, le 3e escadron du 11e Cuir. participe à la libération de Romans, puis à celle de Lyon le 3 septembre.

Le 6 novembre 1944, son escadron est incorporé au 24e bataillon de marche de la 1re Division Française Libre (DFL), dans le cadre de l’amalgame. Cathala est blessé le 23 novembre 1944 par éclats d’obus à la cuisse droite à Giromagny (Territoire de Belfort).

Le 6 janvier 1945, il part en stage au CIROFFI (Centre Inter-Régional d’Instruction des Officiers FFI). Il est nommé sous-lieutenant à titre temporaire. À la fin du stage, il rejoint en juillet 1945 le 6e RTM. Après plusieurs mois d’occupation en Allemagne, son régiment rentre au Maroc en avril 1946. Promu chevalier de la Légion d’Honneur le 20 mai 1947, promu lieutenant d’active à titre définitif le 1er juin 1947. Le 6e RTM est incorporé dans les rangs du 1er Bataillon de Marche du 2e RTM par décision prise à Marrakech, le 23 juillet 1947. Le 2e RTM rejoint Madagascar où il arrive sur le théâtre des opérations le 25 août 1947. Le 1er octobre 1947, le 1er bataillon de marche devient le 2e bataillon de marche du 2e RTM. Le lieutenant Cathala est responsable de la zone Fetraomby dans la région de Tamatave, où son action pour le maintien de l’ordre est saluée par ses supérieurs. Cité en termes élogieux : « S’est attaché avec succès à la reprise économique de la région, révélant des qualités solides d’organisateur et de psychologue. Patient et intelligent, méthodique profondément humain, a conquis les populations ralliées par sa droiture, son sens de la justice et son prestige personnel. »

À la fin des opérations à Madagascar, le 1er mai 1949, le régiment rejoint Marrakech où il arrive le 6 juin 1949. Le 1er mai 1950, il est nommé lieutenant à titre définitif. Le 30 octobre 1950, il est muté à l’encadrement des renforts de la Légion étrangère destinée à l’Extrême-Orient.

C’est à bord du Jamaïque qu’il débarque le 22 décembre 1950 à Saigon, affecté au 2e Régiment étranger d’Infanterie -1re compagnie. Au combat de Thanh-Huong, au centre du Vietnam, il est blessé par balles et éclats de grenades à l’avant-bras droit et, le 12 mars 1951, est cité une nouvelle fois pour son courage et ses qualités de chef de section. Le 29 janvier 1952, sur la route coloniale numéro 6 dans la région Dong Ben (Tonkin), il est de nouveau cité pour ses qualités de courage et d’entraîneur d’hommes.

Le 27 août 1952, par une habile manœuvre de flanc, il prend avec sa compagnie le village fortifié d’O-Me (Nord-Vietnam). Il confirme ses qualités manœuvrières le 4 octobre 1952 à Xuan- Nguyen (Nord-Vietnam), où il inflige d’importantes pertes en hommes et matériel aux forces ennemies (112 tués, 13 prisonniers et un important armement). Le 2 décembre 1952, il est chargé d’établir une tête de pont sur le Fleuve Rouge, dans la région de Phu-To (Nord-Vietnam). Sa compagnie parvient à prendre pied sur l’autre rive du fleuve et à s’y maintenir, repoussant les attaques rebelles, permettant le débarquement sans dommages des autres unités du bataillon et la réussite de l’opération.

À la fin de son séjour en Indochine, le 26 janvier 1953, il embarque sur Le Pasteur et débarque à Oran le 10 février 1953. Affecté à Meknès au 4e Régiment d’Infanterie étranger, il rejoint son corps le 20 mai 1953, après avoir bénéficié d’un congé de fin de séjour. Il est promu capitaine le 2 avril 1954 et prend le commandement de la 2e compagnie du 4e REI.

Le 24 août 1954, il est élevé au grade d’officier dans l’ordre de la Légion d’Honneur pour services exceptionnels de guerre en Extrême-Orient.

Le 1er novembre 1956, Cathala est muté au 3e Régiment de Tirailleurs Algériens et s’embarque sur le Ville de Tunis pour Philippeville. Affecté au 11e bataillon du 7e régiment de Tirailleurs Algériens, qui devient, à la suite d’une directive ministérielle, le XIe bataillon de Tirailleurs le 20 novembre 1957.

En Algérie, alors qu’il est major du Bataillon et handicapé par ses blessures de guerre, il se distingue par son courage et ses capacités de meneur d’hommes :

– « Le 11 mars 1958, le capitaine Cathala s’est de nouveau distingué à Ouled-Rezzoug, quartier de Tocqueville, il entraîna les éléments du PC à l’assaut des positions rebelles, culbutant celles-ci et récupérant un important armement.

– Le 19 mars 1959, aux Ouled Brahan, quartier de Tocqueville où, à la tête de ses employés de bureau, il se portait au secours d’une unité amie durement accrochée, récupérait trois armes.

– De nouveau, le 10 août 1959, dans la région de Chevreuil, secteur de Kerrata, où les rebelles subirent de lourdes pertes, onze tués et plusieurs armes dont un mortier. »

Le 1e septembre 1959, il est affecté au 13e régiment de Tirailleurs et passe la frontière allemande au titre des Forces Françaises en Allemagne (FFA) et prend ses fonctions d’adjoint au commandant EMT (Etat-Major Tactique).

Muté le 28 août 1961 au 23e Régiment d’infanterie en Algérie, il prend le commandement du sous-quartier de Catinat le 31 décembre 1961. Il rejoint le 25e bataillon de Chasseurs Alpins le 30 octobre 1962, comme directeur du Bureau d’Instruction du 25e BCA.

À son retour en métropole, le 1er mai 1963, il rejoint l’état-major de la subdivision de l’Ardèche.

À sa demande, il est rayé des cadres et des contrôles de l’Armée d’active le 15 mai 1964 et se retire à La Turbie (Alpes-Maritimes), où il décède le 31 octobre 1994. Ses cendres ont été dispersées par sa famille et des anciens du Vercors près du tunnel de Rousset (Vercors drômois).

Auteur : Alain Raffin
Sources :
Dossier individuel Cathala, état des services, archives ANPCVV.
Biographie publiée par l’UMAC (Union des mutilés et des anciens combattants) du canton de Domène, décembre 1999.

Jean Prévost

Né le 13 juin 1901 à Saint-Pierre-lès-Nemours dans une famille d’enseignants, Jean Prévost passe son enfance à Goderville (Seine-Maritime).
Après un parcours scolaire sans faute (khâgne au lycée Henri-IV, où il est l’élève du philosophe Alain, école normale supérieure en 1919), il préfère cependant le journalisme et l’écriture à l’enseignement. En 1939, il est déjà l’auteur reconnu d’une trentaine de titres comprenant essais, romans et centaines d’articles sur les sujets les plus divers (sport, cinéma, sciences, critique littéraire). Dans ces articles, Jean Prévost démontre l’étendue de son esprit encyclopédique dans des domaines aussi divers que la littérature, le cinéma, la philosophie, la critique d’art et l’architecture, notamment.

En politique, il occupe une place originale : antifasciste mais pas antiallemand, pacifiste mais antimunichois, toujours républicain, il entend, à contre-tendance des engagements du moment, « se battre violemment pour des idées modérées« . Il épouse le 28 avril 1926 la femme de Lettres Marcelle Auclair, dont il aura trois enfants (Michel, l’actrice Françoise Prévost et Alain).

En 1939, il est mobilisé au service du contrôle téléphonique du Havre. En juin 1940, il est évacué par mer à Casablanca et regagne la France au mois d’août. Après sa démobilisation, il s’installe en septembre 1940 à Lyon avec le médecin Claude van Biéma, sa seconde femme, qu’il a épousée le 20 avril. Écrivant dans Paris-Soir, il prend part à la création du journal clandestin Les étoiles, fin 1942 et achève une thèse sur « la création chez Stendhal, essai sur le métier d’écrire et la psychologie de l’écrivain« , soutenue le 9 novembre 1942 à Lyon. Travaillant à la bibliothèque de Grenoble sur les manuscrits de Stendhal, il visite régulièrement Pierre Dalloz, qu’il connaît depuis l’avant-guerre. Celui-ci l’informe, un jour de 1941, de son projet d’utilisation militaire du Vercors. S’il rejoint le Comité national des écrivains à l’automne 1943, l’entrée effective de Jean Prévost dans l’action résistante passe par son engagement actif dans le second « comité de combat » du Vercors. Installé en juin 1943 avec ses deux fils, Alain et Michel, à Coublevie, près de Voiron (Isère) au pied du massif, il y monte chaque semaine à bicyclette, amenant tracts et journaux, parcourant les camps de réfractaires. Son entregent et son rayonnement personnel aident à renforcer la cohésion entre militaires de carrière et civils socialisants du mouvement Franc-Tireur. 

Installé avec sa famille en avril 1944 dans une grande maison aux Valets, près de Saint-Agnan-en-Vercors, il commande à partir de juin, sous le nom de Goderville, le nom de son village d’enfance, une compagnie d’une centaine d’hommes formée à partir de groupes francs locaux. Engagés le 13 juin devant Saint-Nizier, ses hommes contribuent, avec les chasseurs alpins de Chabal, à repousser la première attaque allemande. A Saint-Nizier il commande le groupement formé par sa compagnie et celle de Brisac. Les hommes engagés dans cet ensemble proviennent principalement de la section Chabal et d’un groupe issu des camps de Thivollet. Le groupe franc Vallier également, mais seulement le 15 juin.

En juillet, à la veille de l’offensive générale, sa compagnie tient la ligne de crête qui domine le val de Corrençon, de Bois Barbu au pas de la Sambue, un secteur particulièrement vulnérable de la ligne de défense, qu’il dirige de son PC installé dans la plaine d’Herbouilly, dans une ferme aujourd’hui en ruines. 

Après la dislocation du maquis, Jean Prévost trouve refuge avec un petit groupe à la Grotte des Fées, au-dessus du hameau des Valets. Le 1er août 1944, alors qu’il tentait de sortir du Vercors encerclé, il tombe sous les balles de tireurs allemands postés au Pont-Charvet, près de Sassenage, avec quatre de ses camarades (André Jullien du Breuil, Afred Leizer, Charles Loysel et Jean Veyrat). Mort à 43 ans avec une œuvre inachevée, Jean Prévost incarne l’écrivain-résistant tué au feu, comme Péguy, qu’il admirait et auquel on le compare à la Libération. Cette renommée a longtemps masqué une œuvre en voie d’être redécouverte.

Le lycée de Villard-de-Lans porte son nom depuis 1964 et, le 23 juillet 2004, l’Association Jean-Prévost a fait apposer une plaque commémorative sur la maison des Valets. Son nom a également été donné à un lycée de Montivilliers (Seine-Maritime), à une rue de Grenoble, à la médiathèque de Bron (Rhône), ainsi qu’au centre de recherches en Littérature de l’Université Jean-Moulin-Lyon-III.

Principales œuvres disponibles : La création chez Stendhal, Gallimard, Folio, 1996 ; Dix-huitième année, Paris, Gallimard, 1994 ; Les frères Bouquinquant, Gallimard, L’imaginaire, 1999 ; Le Sel sur la plaie, Paris, Zulma, 1993 ; La chasse du matin, Paris, Zulma, 1994 ; Du côté de Goderville, Fécamp, Les Falaises, 2002 ; Plaisirs des sports, Paris, La Table ronde, 2003.

Auteur : Guy Giraud
Sources :
D’après Aline Queant, Antoine Prévost, Simon Nora /Collectif, Hommage à Jean Prévost : vie et mort de Jean Prévost, 1901 – 1944, Montvilliers hier, aujourd’hui, demain, 2007.
D’après la biographie de Jean Prévost sur le site Wikipedia, consultée en novembre 2015.

Albert Féret

Le docteur Albert Féret, éminent pneumologue, prend la direction en 1942 du préventorium d’Autrans dont il assure l’ouverture.

Déjà engagé dans la Résistance locale avec son épouse Georgette, née Atlan, le couple aide une famille juive dont il cache le plus jeune des enfants. Leurs quatre fils, Max, Claude, Jacques et André, serviront, avant de les rejoindre, le C3 et le C5 dès 1943.

Conjointement avec le docteur Chauve, médecin du village d’Autrans, Albert et Georgette Féret assurent les soins aux maquisards des camps du Vercors, au cours de l’année 1943 et jusqu’à l’ouverture de l’hôpital du maquis de Saint-Martin-en-Vercors, début juin 1944.

Certains de ces maquisards séjournent dans ce maquis depuis janvier 1943. Ces longs séjours conduisent nécessairement à de « petits bobos » dont le traitement est assuré dans les camps grâce à leur pharmacie de premiers soins. Les deux médecins assurent le renouvellement en médicaments. Le docteur Albert Féret mettra à la disposition de l’hôpital de Saint-Martin-en-Vercors plusieurs de ses infirmières.

Alain Le Ray

Alain Le Ray (3 octobre 1910, Paris – 4 juin 2007, Paris)

Il suit des études supérieures, en sciences politiques, et obtient une licence ès Lettres. Sa bonne pratique de l’allemand le conduit à séjourner outre-Rhin, où il peut observer l’ascension du nazisme.

En 1930, il intègre le Groupe de Bleau, qui rassemble les alpinistes parisiens à Fontainebleau pour s’entraîner à la varappe sur les rochers, et qui réalise de nombreuses premières, notamment en Oisans.

Il épouse le 4 mai 1940 Luce Mauriac, fille de l’écrivain François Mauriac, dont il aura cinq enfants.

Carrière militaire :

Il est incorporé en 1933 au 6e Bataillon de Chasseurs Alpins (BCA) et admis au peloton des EOR. Officier de réserve au 11e BCA, il s’engage et devient officier d’active par l’école d’infanterie et des chars de combat de Saint-Maixent (1935-1936). En 1937, il prend le commandement d’une section d’éclaireurs-skieurs du 159e régiment d’infanterie alpine (159e RIA) à Briançon.

À la mobilisation de 1939, il prend la tête de la 7e compagnie du 159e RIA.

Le 9 juin 1940, à Breny-sur-Ourq, il tient tête à deux bataillons allemands une journée durant. Blessé et fait prisonnier, il s’évade une première fois d’un Oflag. Repris, il est alors enfermé dans la forteresse de Colditz, en Saxe, dont il est le premier officier évadé, le 11 avril 1941.

Il retourne à Grenoble et rejoint le 159e RIA, où il sert jusqu’à la fin de l’armée d’armistice. Il est promu capitaine le 25 mars 1943.

Résistance – Libération :

En 1943, il entre en Résistance sous les pseudonymes de Rouvier et Bastide. Il est le fondateur avec Pierre Dalloz et Yves Farge du premier comité de combat du Vercors, dont il établit les plans d’opérations.

« Il a créé le comité clandestin de combat du Vercors et a été le premier chef militaire du massif, dont il ne voulait certes pas faire une citadelle mais une plateforme pour des parachutages d’où auraient rayonné des commandos. » (Jean Mabire*).

Chef militaire du Vercors de mai 1943 à janvier 1944, il rejoint ensuite à Paris le capitaine Dunoyer de Segonzac, fondateur de l’Ordre, mouvement clandestin de Résistance.

Le 14 mai 1944, un émissaire du CDLN de l’Isère vient lui apporter la requête des responsables départementaux pour qu’il accepte de prendre la relève du commandant de Reyniès, arrêté par la Gestapo, comme chef départemental des FFI. Il rejoint aussitôt le département, où il organise et dirige les combats de la Libération.

Le 22 août 1944, il entre dans Grenoble avec les FFI et les avant-gardes américaines.

Lieutenant-colonel FFI, de novembre 1944 à avril 1945, il commande la 7e demi-brigade de chasseurs alpins, à la tête de laquelle il dirige l’offensive de printemps sur le mont Cenis ; les succès au mont Froid et à la pointe de Bellecombe comptent parmi les plus hauts faits d’armes des troupes alpines.

Carrière après-guerre :

De 1953 à 1954, il sert en Indochine, où, après avoir commandé un secteur au Tonkin, il fait partie de la délégation franco-vietnamienne à la commission centrale mixte militaire, chargée d’appliquer les accords de cessez-le-feu négociés à Genève.

En 1955, il est chef d’état-major de la 25e division parachutiste, à Bayonne.

En 1956, il est commandant de la 2e demi-brigade de chasseurs et des secteurs opérationnels d’El Milia, de Biskra et des Aurès, en Algérie, et promu colonel.

À son retour d’Algérie, il est désigné comme attaché militaire et des forces armées en République fédérale d’Allemagne (RFA) à l’ambassade de France de Bonn.

Promu général en 1961, il prend la tête de la 27e division alpine en Grande Kabylie (1962).

De 1965 à 1967, il commande la 7e division mécanisée, à Mulhouse.

En 1968, promu général de corps d’armée, il est inspecteur général de la défense opérationnelle du territoire.

Alain Le Ray décède à Paris le 4 juin 2007.

Distinctions :

Grand-croix de la Légion d’honneur ; Croix de guerre 1939-45 et des TOE (neuf citations, dont cinq à l’ordre de l’armée) ; Grand-croix de l’ordre national du Mérite ; Rosette de la Résistance ; Médaille des évadés ; Grand-croix du Mérite fédéral allemand.

La promotion de l’EMIA (Ecole militaire interarmes) 2007-2009 a pris le nom de « Général Le Ray ».

Auteurs : Guy Giraud et Jean-Pierre Martin

Pierre Bacus

Pierre Bacus, Boby, (1921-1979). Né à Lunéville en Meurthe-et-Moselle, il est sous-officier au 2e régiment d’artillerie de Grenoble. A la dissolution de l’armée d’Armistice, il rejoint avec Roméo Secchi, chef Robert, un chalet du 6e BCA à Chamrousse sous la couverture de moniteur de ski.

En février 1943, ils sont sollicités pour prendre le commandement du camp 3 en formation dans la région de Méaudre. Après une alerte le camp quitte le Vercors pour la vallée de l’Isère. Au cours d’une inspection d’armes il se blesse à une main. Ayant rejoint son cantonnement, il participe au bouclage du massif. Est engagé à la bataille de Saint-Nizier-du-Moucherotte, au combat de La Croix-Perrin et dans une embuscade contre les troupes allemandes au cours de leurs évacuation du Vercors. Pierre Bacus participe à libération de Lyon et combat à la frontière italienne.

Auteur : Julien Guillon

Henri Zeller

Henri Zeller, alias Ménard, Joseph, Faisceau. Né le 18 mars 1896 – Besançon, Doubs. Décédé le 16 avril 1971 – Paris (Hôpital du Val de Grâce).

Il participe à la première guerre mondiale et poursuit sa carrière militaire. En 1939, il est affecté au grand quartier général. Après la défaite, il entre en résistance et passe dans l’Organisation de résistance de l’armée (ORA). Chef de l’ORA pour la Zone Sud (4 décembre 1942-30 avril 1944), commandant des FFI de la zone alpine Région R1 et R2 (30 avril-30 août 1944). Dans le Vercors au moment de l’attaque, Zeller et son groupe parviennent à traverser les lignes allemandes et atteignent Saint-Nazaire-le-Désert le 22 juillet. Arrivé à Alger le 3 août 1944, il est reçu le même jour par le général de Gaulle auquel il expose son plan d’offensive vers le nord, principalement par la route Napoléon, après le débarquement de Provence. Convaincu, de Gaulle l’envoie à Naples rencontrer (le 6 août) le général Patch, commandant du débarquement pour faire modifier les plans. Validés, Grenoble sera ainsi atteint à J + 7 au lieu de J + 90 comme prévu initialement, ce qui permit la jonction avec les troupes débarquées en Normandie au cœur de la Bourgogne dès le 12 septembre.

Chef d’état-major général délégué militaire pour la zone Sud (21 août – 28 septembre 1944), puis commandant la 16e région militaire à Montpellier (septembre 1944 – fin 1945), il devient chef d’état-major du général de Lattre en 1946, major général de l’armée de terre en 1948 et enfin gouverneur militaire de Paris de 1953 à 1957. Général d’armée (janvier 1956), il décède à Paris le 16 avril 1971. Grand-Croix de la Légion d’honneur (1er février 1958) Croix de guerre 14-18 et 39-45, Rosette de la Résistance.

Méconnu, le rôle du général Henri Zeller a été d’une importance tout à fait considérable dans la libération de la France. Curieusement, Henri Zeller ne fut pas fait Compagnon de la libération.

Marcel Descour

Le colonel Descour enjoignit à François Huet de donner l’ordre de mobilisation pour le Vercors. Lancé le 8 juin 1944 à minuit, exécutoire le 10, il fut appliqué dans l’ensemble du massif du Vercors, qui dépendait d’une hiérarchie bicéphale, à la fois militaire et civile. 

Le Poste de commandement (PC) de Marcel Descour est installé à la maison forestière du Rang-des-Pourrets, dans la commune de Saint-Agnan-en-Vercors (Vercors drômois). Il ne comprend qu’un état-major restreint, un service de liaison interdépartemental, un groupe de liaison et un groupe de protection qui constituera, au moment des combats, un escadron du 11e Cuir.

Le colonel Henri Zeller, Joseph, ainsi que ses agents de liaison vont également transiter par le Rang-des-Pourrets.

Le capitaine Robert Bennes, Bob, et son équipe d’opérateurs radio sont installés à La Britière (Saint-Agnan-en-Vercors).

Le major britannique François Cammaerts, Roger, et son équipe supervisent les différentes missions alliées du Sud-Est de la France et assurent la liaison entre le colonel Henri Zeller et l’état-major allié.

Auteurs : Jean-William Dereymez et Julien Guillon

Contexte historique

Marcel Descour est né le 6 novembre 1899 à Paris. Son fils Jacques sera tué à Vassieux le 21 juillet 1944.

Carrière militaire : 
Entré à Saint-Cyr, promotion « de la Victoire » (1918-1920), il en sort dans la cavalerie. Il est d’abord affecté au 3e régiment de dragons en occupation dans la Sarre, puis en 1927 au 6e régiment de cuirassiers, à Trèves. En 1930, il est à l’état-major de la 2e région à Amiens ; il est nommé capitaine en 1935 et sort breveté de l’école de Guerre en 1937. En 1939, il est à l’état-major du 14e CA. En février 1940, il commande l’escadron à cheval du 56e GRDI qui appartient à la 63e DI. Il se distingue au combat de Baerenkopf. Chef d’escadrons, il est affecté au 11e régiment de cuirassiers à Lyon, puis à l’état-major de la 14e division.

Entré à l’ORA en décembre 1942, il est responsable de Lyon. Avec le commandant Vallette d’Osia, il rencontre en mars 1943 le général Delestraint, chef de l’AS, de retour de Londres. Lors de la réunion du château de Virieu en juillet 1943, il devient responsable ORA de R1. Il réalise en octobre 1943, avec Chambonnet, la fusion ORA-AS, dont il devient le chef d’état-major, avec ses quatre bureaux. Il coordonne les 34 maquis et doit s’entendre avec les MUR.
Au lendemain du débarquement de Normandie, il transfère son PC en Vercors. Le 25 juin 1944, il est nommé lieutenant-colonel et responsable direct de la zone alpine, sous-secteur de R1, tout en restant chef d’état-major. Il prescrit alors aux secteurs alpins de transformer les maquis en bataillons.
Il est en Savoie lors de l’attaque du Vercors, mais parvient à rejoindre François Huet. Il est nommé colonel, grade qu’il ne portera qu’à la Libération. Le 10 août, il prescrit au commandant Bousquet de créer le groupement Chabert avec les bataillons Vercors, Chambaran et Chartreuse.

Après la libération de Grenoble le 22 août, il coordonne les combats vers Lyon et les Alpes. À la libération de Lyon, il est nommé gouverneur de Lyon et commandant de la 14e région. Il a alors sous ses ordres 40 000 hommes armés. Il participe avec le colonel Vallette d’Osia à la création de la DAFFI qui deviendra la 27e DIA. Il envoie à la 1re armée le 11e cuirassiers, les bataillons de Chartreuse de Chambaran, de Cluny, du Charolais.

Carrière après-guerre :
En 1945 il rejoint le ministère, puis devient chef du cabinet militaire du ministre Edmond Michelet. En 1946, il est nommé général de brigade, commandant des troupes d’occupation en Autriche et adjoint du gouverneur, le général Béthouart. Général de division en 1950, il commande la 1re DB à Trèves. En 1952, il est adjoint du commandant en chef des FFA. En 1954, il redevient gouverneur de Lyon et commandant de la 7e RM. En 1956, il est général de corps d’armée, puis en 1959 général d’armée. Il quitte l’uniforme en 1960.

Il décède le 8 avril 1995 à Montbrison-sur-le-Lez (Drôme).

 Distinctions : Grand officier de la Légion d’honneur ; Croix de guerre 1939-45 (quatre citations) ; Rosette de la Résistance.

Pour en savoir plus : Les événements de juin 1944 (G. Giraud), Une mobilisation trop précoce ? (J-W. Dereymez), Types de combattants dans le Vercors (J-W. Dereymez), Le premier jour de la bataille de Saint-Nizier vu par Paul Brisac (Paul Brisac)

Auteur : Jean-William Dereymez
Sources :
Archives du Service historique de la Défense (SHD site de Vincennes) – Dossier individuel GR 16 P 178939.
Paul Brisac, Souvenirs du Vercors, août 1943-septembre 1944, Paris, l’Harmattan, 2015, notamment les notes et le dictionnaire rédigés par J.-W. Dereymez.
Association Nationale des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors (ANPCVV),
Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, Grenoble, ANPCVV, 432 p., témoignages de A. Le Ray et du professeur Etienne Bernard.
Paul Dreyfus,
Vercors, citadelle de la Liberté, Grenoble, Arthaud, 1969, 364 p., dernière éd. : Romagnat, De Borée, 2007, 416 p.
Pierre Tanant,
Vercors, haut lieu de France, Grenoble, Éditions Arthaud, 1948, 238 p. Dernière édition en juin 2014 aux éditions de la Thébaïde.

Lino Refuggi

Lino Refuggi est né le 26 janvier 1922 à Lucerne (Suisse). Né dans une famille italienne installée en Suisse, il arrive très jeune en France avec ses parents. La famille s’installe dans la région de Bourgoin (Isère). Malheureusement, ses parents décèdent prématurément alors qu’il est tout juste âgé de 10 ans. Le curé de Bourgoin le place dans une famille d’accueil de la ville. À la fin de l’école primaire, sans certificat d’études ni formation, il entre dans le monde actif et travaille dans une tannerie du quartier de la Calabre à Bourgoin (Isère).

Début 1943, il est requis par le STO. Il rejoint alors le Vercors, le 12 avril 1943, et est affecté au camp C3, en nord-Vercors. Bien intégré avec ses camarades, il participe activement à la vie du camp.
En mars 1944, lors du repli général du Vercors, il indique à ses chefs de camp un lieu d’accueil sur la commune de La Forteresse, dans la vallée de l’Isère, région qu’il connaît pour y avoir participé à des fenaisons.

On le retrouve aux combats de Beaurepaire, de Saint-Nizier-du-Moucherotte et à la libération de Lyon, début septembre 1944. Lino Refuggi a continué à servir jusqu’au 15 septembre 1944.

La proposition de citation rédigée à son endroit par le colonel Huet, Hervieux, le 11 décembre 1946, indique :  » D’origine italienne, engagé volontaire à la légion étrangère en 1939, a rejoint le Maquis le 15 mars 1943, s’est prodigué sans compter pour assurer le ravitaillement de ses camarades, pendant la période d’occupation du Vercors. S’est particulièrement distingué durant les combats de Beaurepaire comme tireur au fusil mitrailleur en permettant le repli de sa section et n’a évacué la zone de combat qu’après deux appels de son chef de section. « 

Rendu à la vie civile, grâce à la solidarité maquisarde, il entre comme agent technique à la société Merlin-Gerin de Grenoble, où il est rapidement placé à la disposition du comité d’entreprise. L’entreprise l’envoie en formation d’éducateur sportif, il en revient avec le brevet de maître-nageur. Par la suite, il réalise les plans de la piscine, non couverte, du Comité d’entreprise, dont il est le maître-nageur.

Comme beaucoup de jeunes de la génération issue de la guerre, il adhère à la CGT et au Parti communiste. En 1946, il épouse Renée Guilloud, sa marraine de guerre, qui lui donnera deux garçons. Il acquiert, à cette occasion, la nationalité française.

En 1957, il est contacté par la ville de Fontaine, dans la proche banlieue de Grenoble, qui lui propose le poste de maître-nageur de la piscine municipale, nouvellement construite. Dès son arrivée à Fontaine, il crée le Club des nageurs fontainois et se révèle un entraîneur de grand talent, parvenant à conduire son Club sur les plus hautes marches des podiums régionaux.

De 1969 à 1971, le Club des nageurs fontainois détiendra le titre et le record Dauphiné-Savoie du 4 × 200 mètres nage libre.
En 1973, l’absence de piscine couverte met le club en difficulté, il ne peut plus rivaliser avec les autres clubs de la région, c’est alors, non sans amertume, que Lino Refuggi renonce à son rêve de grand club de natation compétitif. Il transmit à ses deux fils le goût de la natation ; le cadet fut membre de l’équipe de France et participa à de nombreuses compétitions internationales.
Devenu responsable des sports de la ville de Fontaine, où il montre toutes ses qualités humaines, il occupera cette fonction jusqu’à sa retraite en 1984.

Lino Refuggi décède le 7 avril 1986 à Fontaine (Isère).

Au cours de sa vie, Lino Refuggi a toujours revendiqué son appartenance à la Nation française, le Vercors et son camp C3 restant pour lui, jeune orphelin, sa vraie famille, comme il le disait parfois. Il avait souhaité qu’après sa mort, ses cendres soient dispersées, par deux de ses anciens camarades, au lieudit « Les Carteaux », site d’été du C3. Son souhait a été respecté.

En hommage à Lino Refuggi, le nouveau centre nautique de la ville de Fontaine porte son nom.

Décorations : Croix de guerre avec étoile d’argent ; croix de combattant volontaire 1939/1945 ; chevalier du mérite sportif ; médaille des collectivités locales.

Auteur : Alain Raffin
Sources :
Dossier individuel de Lino Refuggi au Service historique de la Défense (SHD) – 16P 503153.
Dossier individuel de Lino Refuggi à l’ANPCVV.
Témoignages de la Famille Refuggi – Témoignage de Marc Serratrice, recueillis par Alain Raffin en 2015 et 2016.

Marcel Pourchier

Commandant – Officier d’Active (OA) – Mort pour la France – 1897-1944
André, Marcel Pourchier naît en 1897, dans le petit village perché de Beuil, dans les Alpes-Maritimes, à près de 1 500 mètres d’altitude.

Carrière militaire :
Mobilisé au 4e RIC en 1916, il rejoint Saint-Maixent et se voit affecté comme aspirant dans un régiment de tirailleurs sénégalais. Blessé et gazé à Verdun, il obtient la Croix de guerre avec palme. De 1920 à 1922, il participe à la campagne de Syrie au RICM, participation qui lui vaut la Croix de guerre des TOE (Théâtre des Opérations Extérieures). En 1926, c’est son premier contact avec les Alpins, au sein du 3e RIA d’Antibes, puis jusqu’en 1930 à l’école de ski de la 15e région militaire. Il représente la France aux JO de Saint-Moritz en 1928.
Nommé capitaine en 1931, il est affecté au 27e BCA d’Annecy. L’année suivante, le général Dosse lui confie la création et l’organisation d’une école militaire de ski et de haute montagne à Chamonix. Il s’impose à tous par ses qualités humaines, ses talents de montagnard et son sens pratique. Il a fait beaucoup pour relever le niveau technique des troupes alpines.
À la déclaration de guerre, le capitaine Pourchier est affecté à l’état-major de l’armée, pour faire réaliser les effets nécessaires à l’expédition de Scandinavie. L’équipement des chasseurs de la brigade de haute montagne est sans équivalent.
En 1942, il est chef de bataillon à l’état-major de la 3e DBCA à Chambéry, jusqu’à la dissolution de l’Armée d’armistice.

Résistance – Libération :
Sollicité par Pierre Dalloz pour participer à l’élaboration de la partie logistique du plan « Montagnards », il lui répond : « S’il s’agit de Résistance et si c’est sérieux, vous pouvez compter sur moi ».
Au début 1943, il entreprend de recenser les capacités d’accueil du massif du Vercors, les gîtes, les ressources alimentaires, les points d’eau, les véhicules, les réserves de carburant, les zones favorables aux parachutages. Il parcourt le plateau de long en large – dont il acquiert une fine connaissance – et participe au premier Comité de combat du Vercors. Menacé par l’OVRA (Organisation italienne de vigilance et de répression de l’antifascisme), en mai 1943, il n’a d’autre parti que de se replier vers Nice, où il rejoint le colonel Journois, commandant l’ORA et chef local du réseau Alliance.
Le 4 janvier 1944, il tombe dans un guet-apens tendu par la Gestapo, avec le colonel Journois, le commandant Chaudière, les capitaines Chapeleau et Dupouy.
Le 28 avril, Pourchier est transféré au camp du Struthof. Dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944, sentant les Alliés proches, les nazis massacrent 471 déportés, dont 108 agents d’Alliance. Parmi eux, le lieutenant-colonel Marcel Pourchier.
Il est à noter que les deux cousins de Marcel Pourchier, tous deux officiers, ont également été résistants. L’un d’eux, le capitaine Albert Pourchier, est mort à Neuengamme.

Auteur : Jean-Pierre Martin
in Actes du colloque « Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944 », Avon-les-Roches, éd. Anovi, 2010.
Sources :
Jean-Pierre Martin, « Jusqu’au bout du devoir, le lieutenant-colonel Marcel Pourchier », in Les cahiers des troupes de montagne, n° 17, été 1999, pages 30-38.
Boris de Gueyer, L’ORA dans la région R2, Paris, chez l’auteur, 1994.

Maurice Bourgeois

Maurice Bourgeois est né à Lyon le 15 novembre 1919. Il suit ses études secondaires et sa première année de Sciences politiques à Lyon. Il obtiendra sa capacité en droit à la faculté de Strasbourg, dans les années 1960.
Il effectue d’abord quatre années de préparation militaire (1934-1938) avant de s’engager en 1939. Il fait la campagne de 1940 au sein du 9e régiment de cuirassiers comme maréchal des logis. Il participe au combat de Fleurus. Il est maréchal des logis-chef au 11e régiment de cuirassiers. Il devient l’adjoint du lieutenant Geyer, chef du peloton des élèves gradés. En congé d’armistice en 1943.

Il rallie la résistance le 1er octobre 1943 au sein du réseau Gallia de la France combattante, comme agent P1. Il rejoint le Vercors le 24 janvier 1944 et remplace le lieutenant Roure, tué à l’ennemi deux jours avant. Il commande alors le camp Bourgeois, comme lieutenant, sous les pseudonymes de Jacob, puis Bataille.
Il participe à la tête du 1er escadron du 11e cuirassiers aux combats de Vassieux. Lors de la dispersion, le 23 juillet, lui et ses hommes accompagnent l’état-major du Vercors depuis Les-Baraques jusqu’à la ferme de Revoulat, puis, le 24 juillet, il part pour tenter de rejoindre le PC du capitane Geyer, en forêt de Lente.

Il participe également à la prise de Romans-sur-Isère et à la libération de Valence et de Lyon. Il mène, enfin, les campagnes des Vosges et d’Alsace, et se distingue en particulier devant Huttenheim.

Carrière après-guerre :
Breveté parachutiste en 1947 ; rejoint le 11e parachutiste de choc, en formation. Gravement accidenté lors d’un stage de montagne à Cauterets, il est trépané. Il part en Indochine commander une unité de commandos et s’illustre de novembre 1953 à février 1954 à Kamkent, puis Ban Kang Sang au Laos. Il rejoint en 1955 le 18e régiment d’infanterie parachutistes de choc (RPC) à Alger, puis le 1er régiment des hussards parachutistes (RHP). Nommé chef d’escadrons, il est affecté au 13e régiment des dragons parachutistes (RDP). Délégué militaire départemental de la Saône-et-Loire, il prend sa retraite comme colonel, en juillet 1972.

Plusieurs décennies après la guerre, Maurice Bourgeois a reconstitué avec ses camarades l’ordre de bataille autour de Vassieux. Il décède le 9 avril 2006 à Sainte-Foy-lès-Lyon (Lyon).

Distinctions :
Commandeur de la Légion d’honneur ; Croix de guerre 1939-1945 et des TOE (six citations, dont deux à l’ordre de l’armée) ; Croix de la Valeur militaire ; Croix du combattant volontaire de la Résistance ; Médaille des FFI.

Auteur : Philippe Huet,
in Actes du colloque Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Avon-les-Roches, éd. Anovi, 2010.

Gaston Rossetti

Gaston Rossetti est né le 4 avril 1914 et décédé le 1er août 1998.
Service militaire : 1935-36 à Auxonne (Bourgogne) dans le 1er Régiment d’artillerie divisionnaire automobile (Rada).
Gaston Rossetti est mobilisé le 2 septembre 1939 et affecté à la 2e colonne de ravitaillement du 1er Rada. Il a été démobilisé le 28 juillet 1940 à Trie-sur-Baïse dans les Hautes-Pyrénées.

Il reprend son travail à la régie du gaz et de l’électricité de Grenoble (aujourd’hui connue sous le nom de GEG). Sa prise de contact avec la résistance, son épouse en garde le souvenir de ses angoisses lorsqu’il s’absentait, sans pouvoir dater un engagement dont Gaston Rossetti (Christian dans la résistance) ne parlait pas – il n’en a d’ailleurs pas parlé à ses enfants après la guerre – et qui a dû être progressif. Son épouse, Giselda née Zannier, connaissait les risques de l’action clandestine. Originaire du Frioul (Italie du Nord-Est, au nord de la Vénétie), elle avait rejoint en France – en 1932 à l’âge de 16 ans – son grand-père. Ce dernier avait été contraint à l’exil par le fascisme. Giselda épouse Gaston Rossetti en 1937 et est naturalisée.

En 1944, Gaston Rossetti a 30 ans et il est père de deux filles, Yvette (9 ans) et Christiane (3 ans). Son épouse est enceinte de son fils Henri, né le 30 décembre 1944. Gaston travaille à la régie du gaz et Gisèle tient un café route du Vercors à Sassenage. Cet établissement est un lieu de réunion et de transit des résistants allant ou venant du Vercors. Il a fermé peu de temps après la Libération.

Gaston Rossetti monte au Vercors avec les résistants sassenageois en juin 44, lorsque l’ordre de verrouillage du massif est donné le 9 juin 44. Henri Rossetti témoigne de ce que sa mère lui a raconté : « Ils sont tous montés dans le camion de Regaldo (marchand de vin à Fontaine) et devaient s’arrêter aux Côtes de Sassenage prendre de la dynamite à la carrière. À peine partis, le petit Richard en retard est arrivé en courant, il a pris le chemin des Côtes et les a rejoints à la carrière. Le pauvre a été tué quelques jours plus tard. » Charles Richard, 19 ans, de Sassenage, a été tué au combat le 15 juin 1944 à Saint-Nizier-du-Moucherotte.

Gaston Rossetti est affecté à la compagnie Brisac – qui deviendra la 3e compagnie du 6e bataillon de chasseurs alpins à compter du 13 juillet 1944. Les maquisards étaient répartis entre le tunnel d’Engins, le pont de Charvet, le plateau de Charvet et Saint-Nizier-du-Moucherotte. Gaston Rossetti et son ami Paul-Eugène Arnaud participèrent aux combats des 13 et 15 juin 1944 lorsque les Allemands attaquèrent le secteur. Paul-Eugène Arnaud y fut tué. Gisèle Rossetti en a fait le récit à son fil Henri : « Dans le groupe où il se trouvaient, une personne devaient changer de poste. Ton père s’est porté volontaire, mais Paul lui a dit « c’est trop dangereux,tu as des enfants, j’y vais ». Les Allemands l’ont repéré ; grièvement blessé, il est mort au combat. » Paul Eugène Arnaud, chef de groupe, grièvement blessé dans la matinée du 13 juin, décède sur place.

Gaston Rossetti et son groupe se sont ensuite retirés sur le plateau de Sornin jusqu’à l’arrivée des Allemands qui incendièrent les granges. Ils se replient dans la forêt des Coulmes. En août 44, Gaston Rossetti parvient à rejoindre Sassenage avec trois compagnons en passant par les Ecouges, Montaud et les Côtes de Sassenage.

A la libération de la région grenobloise, il rejoint les FFI et le 6e bataillon de chasseurs alpins et participe à la libération de Lyon.

Soutien de famille, il est retiré du front, muté à Grenoble où il est affecté à la garde des prisonniers allemands blessés à l’hôpital militaire de la Tronche.

Gaston Rossetti était membre de l’association des Pionniers du Vercors et de la section de Fontaine-Sassenage de l’ANACR.

Aimé Pupin

Aimé Pupin est né le 9 février 1905 à Grenoble, dans le département de l’Isère. Il y décède le 26 février 1961.

Avant-guerre, il est animateur de la Fédération sportive et gymnique du Travail (FSGT) et possède derrière la gare de marchandise de Grenoble, un café – jeux de boules, le Café de la Rotonde. C’est là, autour du Docteur Léon Martin ; d’Eugène Chavant, cafetier comme Aimé Pupin ; d’Eugène Ferrafiat, garagiste ; de Paul Deshières, cheminot ; militants socialistes, que se crée l’antenne grenobloise du mouvement Franc-Tireur. Leur première réunion se tient un soir d’août 1941. C’est à cette occasion que Léon Martin lui attribue le pseudonyme de Mathieu.

Outre Dalloz, quatre personnes composent le premier groupe d’étude, souvent appelé « premier groupe de combat » par les auteurs, expression que n’emploie pas Dalloz. Pierre Dalloz associe à sa réflexion Yves Farges, Rémi Bayle de Jessé, Marcel Pourchier et, dans l’hiver 1943, Alain Le Ray. Selon Dalloz (1), Aimé Pupin est mis dans la confidence le 23 mai 1943. Comme il est arrêté le 28 (2), sa participation à ce groupe ne put être conséquente.

L’importance de l’action de Pupin est ailleurs et est bien décrite par Dalloz (3) « …de janvier à la fin mai 1943, il fut l’animateur et l’organisateur. Huit camps d’une cinquantaine de maquisards chacun furent en moins de cinq mois mis en place, encadré, ravitaillés instruits tant bien que mal en vue de leur immédiate sécurité et d’une action militaire ultérieure. Pupin, pour cette tâche, dut tout improviser… ».

Il eut également un rôle considérable dans la mise en réseau des acteurs qui tentaient de se mobiliser « pour faire quelque chose », et qui étaient sans contact entre eux. On pense au Royans où Pupin avaient des attaches anciennes et amicales. Son action pour une fédération de ces groupes autour de Franc-Tireur est fondamentale.

Les arrestations par l’armée et les services de sécurité italiens, (OVRA, S.I.M. sans d’ailleurs que nous puissions évaluer leurs participations faute de sources) vont mettre à mal ces premières équipes en avril et mai 1943.

Aimé Pupin est déporté en Italie et incarcéré à la prison de Fossano dont il s’évadera en septembre 1943, profitant de la désagrégation italienne lié à la signature de l’armistice. Il combattra alors aux côtés des partisans italiens et reviendra à Grenoble à la Libération.

Aimé Pupin était chevalier de la Légion d’Honneur, titulaire de la croix de guerre 1939-1945 avec palme (citation à l’ordre de l’Armée) et médaillé de la Résistance.

Auteur : Didier Croibier Muscat
(1) Pierre Dalloz, Vérités sur le drame du Vercors, 1979, Editions Lanore, pp. 41 et suiv. Réédité en avril 2014 aux éditions la Thébaïde
(2) Gilles Vergnon,
Le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, 2002, Edition de l’Atelier, p. 242
(3) Pierre Dalloz, op. cit.

Émile Bernard

Situation familiale.
Né à Gresse le 14 juin 1909, à l’âge de neuf ans il perd sa mère emportée par la « grippe espagnole ». Il se marie le 13 juin 1934 avec Marie-Louise Rochas (22.06.1908 – 06.09.1983). De cette union naissent quatre enfants : l’aînée, Arlette, décédée dans sa deuxième année, puis trois autres successivement en 1937 (Monique), 1942 (Marie-Thérèse) et en 1943 (Jean).

Situation professionnelle et sociale
Il combine plusieurs activités : exploitant la propriété agricole familiale, il est aussi épicier-cafetier dans un commerce créé par ses beaux-parents au village même.
Son beau-frère Jean Rochas a acheté l’hôtel du Commerce gressois en 1932, conjuguant le métier d’hôtelier et de transporteur sur la ligne de voyageurs, messagerie et poste entre Gresse et Monestier-de-Clermont.
Il se déplace lui-même en camionnette-épicerie pour effectuer les tournées-ventes dans les environs. Des liaisons régulières avec Grenoble lui permettent d’assurer les approvisionnements nécessaires au commerce. Il effectue en outre des achats et ventes de jeunes bovins en réponse aux besoins des éleveurs locaux.
En dehors de son travail à plusieurs facettes, il exerce des responsabilités locales en tant que président du ski-club de Gresse (il participe à des compétitions de ski), et en tant que président de la société de pêche locale. Il est aussi membre de la section des pompiers bénévoles avec le grade de lieutenant.

Débuts de la guerre, 1939-1940
Affecté au 140e R.I.A (11e compagnie?), mobilisé, fait prisonnier (à Dunkerque, dans l’Aisne ?), il s’évade d’un camp en Allemagne (dont la localisation n’est pas connue) avec un camarade, Alexandre Pinet. Ils franchissent la ligne de démarcation le 26 septembre 1940, Émile peut alors réintégrer le foyer familial.

Engagement dans la Résistance
Par le jeu des inter-connaissances, il a été contacté logiquement par Jacques Molé (Emmanuel) qui, à partir de l’automne 1943, a organisé le réseau local de résistance au titre de chef civil de l’AS Secteur IV. Selon les témoignages, celui-ci est venu plusieurs fois à Gresse.
La citation posthume atteste la participation active d’Émile Bernard dès la mise en place de la dissidence.

Juillet 1944 : répression, disparition
Au lendemain de l’attaque d’un convoi allemand par les maquisards locaux au col de l’Allimas, les représailles interviennent le 4 juillet. Émile fait partie de la vingtaine d’hommes arrêtés, interrogés dans le bâtiment de la mairie par des hommes du Sipo-SD secondés par des miliciens. Cinq d’entre eux sont fusillés le jour même à proximité. Émile est relâché passant entre les mailles du filet.
Celui-ci se referme, suite à une dénonciation. Le dimanche 23 juillet il est arrêté à son domicile avec son épouse. Après avoir été interrogés sur place séparément par des militaires allemands, l’épouse est laissée à leurs enfants, lui-même est emmené aussitôt, fait prisonnier pendant une semaine à Grenoble. Le 30 juillet il est mis dans un convoi qui se dirige vers Lyon. L’attaque du convoi par des maquisards au niveau de la commune de Voreppe provoque une répression féroce. À Charnècles, Émile est abattu ainsi que les onze autres otages dans une prairie en bordure de la route.

Sa veuve apprend le 17 septembre 1944 que sa dépouille a été inhumée à Charnècles. Il est transféré quelques jours après au cimetière de Gresse le 21 septembre .

Auteure : Marie-Thérèse Lavault

Octave Taravello

Dès 1942, René Piron et Paul Jansen construisent, à Romans, les bases de la compagnie Daniel dont une grande partie est composée des adhérents de la Maison des jeunes, pourtant à l’origine création maréchaliste. Parallèlement, Piron confie le recrutement de sédentaires à des hommes sûrs dont Octave Taravello, bourrelier, mais aussi Aimé et André Bourguignon, Louis Chartier, Paul Deval, Léon Magnat, Jean Villard. Ces résistants sédentaires, tout en continuant leurs activités professionnelles, participent à des actions ponctuelles et sont volontaires pour se battre quand ils seront mobilisés lors du débarquement allié. Des armes leur sont fournies.

Octave Taravello est né en 1900. Il dirige une petite entreprise de bourrellerie. Octave participe aux manifestations comme celle du 10 mars 1943, à la gare de Romans, contre le départ des jeunes au STO en Allemagne qui a pu être organisée grâce aux renseignements donnés par Jean Chapus, chef de gare résistant.

Octave participe à la réception des parachutages comme celui du 26 avril 1944, à Chanos-Curson. Un groupe important de la compagnie Daniel est partie prenante de cette opération, neuf d’entre eux travaillent dans l’entreprise Taravello : Roger Burais, Jean Bologne, Léon Charlon, Aimé Menu, Jean Laurent, Laurent Godmer, Paul Moreau et bien entendu, Octave et Alphonse Taravello. Deux camions de l’entreprise ont été mobilisés. D’ailleurs, Octave a mis à la disposition de la compagnie toute la logistique de son entreprise. L’entreprise Taravello sert de stockage des armes, cachées dans une trappe dans le sous-sol. C’est aussi le lieu de rendez-vous avant le départ pour une opération. Ses véhicules servent pour le transport des hommes et du matériel. Il fabrique des sacs et des porte-munitions en toile pour la compagnie. Mais l’action d’Octave est bien plus diversifiée. Il accueille dans son entreprise des jeunes qu’il cache dans les chantiers forestiers qu’il exploite à Ansage, un minuscule hameau du Haut-Diois, rattaché à la commune d’Omblèze.

Parmi les effectifs de l’entreprise, on compte deux « malgré nous », ces Alsaciens-Lorrains recrutés de force dans l’armée allemande qui ont réussi à s’évader. Ils ont été accueillis par Octave qui leur a donné un emploi, Pierre Bartelmé, ancien métreur est devenu bourrelier, Pierre Schmuda, ex-mineur dans une mine de sel en Alsace, est devenu bûcheron à Ansage. Il ne faut pas oublier que toute la famille est engagée dans cette aventure, notamment son épouse Jeanne. Leur fils, Alphonse, né en 1925, participe activement aux actions de la compagnie Daniel.

Après le 6 juin, la compagnie Daniel a rejoint le nord du Vercors, autour de la fontaine de Pétouze, dans la forêt des Coulmes, près de Presles. Octave a été désigné comme chef de section. Le 21 juillet 1944, les troupes allemandes investissent le Vercors par tous les côtés. L’ordre de dispersion est donné le 23 juillet. Or Octave est à Romans. Il décide de remonter dans les Coulmes pour rejoindre ses hommes. Il laisse une camionnette à La Sône, sur la rive droite de l’Isère qu’il traverse, le bac à traille n’étant pas occupé par les Allemands. Il continue à pied, une fourche sur l’épaule pour se donner l’apparence d’un cultivateur. Au cours de sa montée, il sauve la vie à Yves Simon, menacé par les Allemands.

Il pense que la position de la compagnie n’est pas sûre, il demande à René Piron l’autorisation de rejoindre Romans avec les 22 hommes de sa section. Non sans difficultés, aidé par un paysan, le groupe arrive à La Sône. Le bac est sur l’autre rive, Yves Simon traverse l’Isère à la nage et le ramène. Toute la section peut passer sur la rive droite. Armes et bagages sont déposés dans la camionnette. Les hommes regagnent tous Romans, à pied, de nuit, par petits groupes. Par chance, le bac de la Sône n’est occupé par les Allemands que quelques heures après leur passage.

On peut comprendre qu’avec cet investissement total dans la Résistance, l’entreprise a eu quelques problèmes financiers à résoudre. Elle s’en est sortie avec la même détermination qu’elle avait mise à s’engager dans la lutte contre l’occupant.

Auteur : Jean Sauvageon

Anthelme Croibier Muscat

Anthelme Croibier Muscat (1922-2001). Entré en Résistance au Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, il est arrêté en février 1941 et emprisonné en des lieux divers jusqu’en février 1943. Anthelme Croibier Muscat entre ensuite au groupe franc Vallier où il sert, notamment dans le Vercors, à partir de mai 1944. Adhérent à l’Amicale puis Association des Pionniers dès novembre 1944, il contribue aux actions de l’association aux côtés d’Eugène Chavant. Il est successivement secrétaire général puis vice-président et enfin président-délégué de l’association jusqu’à son décès. Très attaché à la réconciliation avec l’Allemagne, il tisse de nombreux contacts avec ce pays afin de transmettre la mémoire du Vercors.

Roger Darier

Roger Darier dit François dans la clandestinité (1923-1944).
Né à Mens (Isère), il intègre la compagnie du Trièves et il rejoint le maquis du Vercors en avril 1944 avec le groupe « Raoul » de Mens. Roger Darier est membre du 4e escadron du 11e régiment de Cuirassiers du lieutenant Philippe (Tcherkess). Lors de l’assaut allemand du 21 juillet, il est brûlé vif dans le four où il s’était caché avec d’autres combattants, au hameau de La Mure à Vassieux-en-Vercors. Roger Darier est inhumé dans la nécropole nationale de Vassieux-en-Vercors, tombe n°43.

Auteur : Julien Guillon
Source :
ANPCVMV-FA ; Darier Albert, Tu prendras les armes, Imprimerie Nouvelle, Valence (France), 1983, 484 pages.

Henri Cocat

Henri Cocat, dit Montagne dans la clandestinité, est né le 22 avril 1905 à Vif dans le département de l’Isère. De 1916 à 1921 il est élève à l’école Vaucanson de Grenoble. Contremaître chez Merlin-Gérin, il est membre du parti socialiste. Chargé du recrutement au sein de la future compagnie Brisac, il s’illustre en tant que chef de groupe lors des combats de Saint-Nizier-du-Moucherotte en juin 1944. A la Libération il est adjoint au maire de Grenoble jusqu’en 1953. Il décède en 1992. Il est notamment chevalier de la légion d’honneur (1984) et chevalier du mérite social (1957).

Auteur : Julien Guillon
Source :
Archives familiales/droits réservés avec l’aimable autorisation de France Borot

Léa Blain

Léa Blain est née en 1922 à Tullins dans le département de l’Isère. Lorsqu’elle a trois ans, ses parents s’installent à Chatte (38) ; modestes ouvriers, ils l’élèvent dans le culte du devoir. Elle est particulièrement pieuse et patriote, intrépide, brillante, et courageuse. En 1942, elle s’engage dans la Résistance, faisant des liaisons, transportant des plis et des documents. En 1943, elle apporte son soutien aux réfractaires du STO. Elle devient codeuse-chiffreuse en 1944, au sein de l’équipe des radios commandée par Robert Bennes (Bob) et installée au hameau de La Britière, commune de Saint-Agnan-en-Vercors (26). En application de l’ordre de dispersion des unités combattantes du Vercors, elle rejoint Jean Prévost (Goderville) à la grotte des Fées, située dans la forêt de Saint-Agnan-en-Vercors. Le lundi 31 juillet, elle quitte la grotte avec son groupe et s’éloigne en direction de Villard-de-Lans. Au lever du jour, Léa et son compagnon d’infortune, le sous-lieutenant Rémi Lifschitz, sont au hameau des Pouteils, où un fermier leur offre un bol de lait et leur conseille la prudence. Le matin du 1er août, ils sont surpris par des soldats allemands au lieu-dit « La Croix des Glovettes » (Villard-de-Lans) et sont exécutés.

Léa Blain repose au cimetière de Chatte. Un cénotaphe de la nécropole de Saint-Nizier-du-Moucherotte rappelle son souvenir. À Chatte et à Lans-en-Vercors, les écoles du village portent le nom de Léa Blain. Une plaque commémorative est apposée sur sa maison natale, au n° 21 de la grande rue, et sur un rocher au lieu-dit « La Croix des Glovettes ». Rémi Lifschitz est inhumé à Villard-de-Lans.

Micheline Croibier Muscat

Micheline Croibier Muscat, née Blanc, est née à Paris le 18 janvier 1925. En avril 1944, alors âgée de 19 ans, elle arrive de région parisienne et s’installe dans la région grenobloise. Elle s’engage alors au groupe-franc de Combat, dit « Groupe Vallier », à Grenoble, où elle commence par assurer des liaisons entre le « Groupe Vallier » et des agents du NAP (GF, Police, Poste). Fin avril 1944, grâce aux filatures qu’elle a personnellement effectuées, Micheline permet l’identification du milicien grenoblois Oddos, dénonciateur et tortionnaire notoire de résistants. Elle participe, aux côtés de Marcel Dorier, dit Bayard, et de Thomas Robert, dit César, à différents coups de main, notamment à la société Air Liquide à Fontaine, en mai 1944, pour approvisionner l’hôpital de Saint-Martin-en-Vercors en bouteilles d’oxygène. Elle prend part à l’enlèvement d’armes au commissariat de police de Grenoble et à une tentative d’exécution du collaborationniste Guy Eclache, tueur tortionnaire au service de la Gestapo, qui sera d’ailleurs condamné à mort et exécuté après la libération.

Fin mai 1944, Le Ray, dit Rouvier, chef militaire de l’Isère, donne l’ordre au Groupe de rejoindre le Vercors (Autrans, La-Chapelle-en-Vercors) et de se placer à la disposition de l’état-major. Cantonné d’abord à Autrans par le Docteur Chauve, puis à La-Chapelle-en-Vercors, à la villa Donnadieu, elle effectue des missions de liaison, souvent à pied entre le plateau du Vercors et Grenoble, et jusqu’à Crest, dans la Drôme, pour recueillir ou apporter des renseignements. Le 13 juin 1944, elle rapporte au commandant Huet des renseignements sur les effectifs allemands se dirigeant sur le Vercors, transmis par Louis Richerot, dit Tencin, responsable des MUR, président du Comité de Libération de l’Isère à la Libération. D’autres missions et opérations dans le Vercors incluent la récupération de conteneurs lors du parachutage de Méaudre, le 13 juin 1944 ; le ravitaillement en matériel, carburant et nourriture, destinés aux combattants du Vercors, et plus précisément, lors des combats de Saint-Nizier, le 15 juin 1944 : la récupération d’un poste émetteur pour l’état-major à Beaurepaire ; la récupération de véhicules, hors du plateau du Vercors (barrages sur la route nationale 532).

Lors de la première attaque aérienne de La-Chapelle-en-Vercors, elle approvisionne* en munitions l’un des deux fusils mitrailleurs mis en batterie anti-aérienne par le Groupe-Franc. Par la suite, elle se dépensera sans compter auprès des nombreux blessés, leur apportant, outre des soins médicaux, un réconfort moral certain. Le 21 juillet, en mission vers Crest à bicyclette, elle évite de justesse la colonne allemande qui se dirigeait vers le col de Rousset. Elle put, néanmoins, remettre au destinataire les documents qu’elle transportait. Restée avec un petit groupe de résistants, cachée dans la forêt de Saoû (sud-ouest de Saillans, Drôme), elle rejoint seule Grenoble le 21 août 1944.

Micheline Blanc, épouse Croibier Muscat, est décédée le 22 décembre 2017.  Chevalier de la Légion d’honneur, Croix du Combattant 1939-1945 ; titre de Reconnaissance de la Nation (1939-1945)

* « Approvisionner un fusil mitrailleur » signifie dégager les chargeurs vides et passer les chargeurs pleins au tireur, sous le feu.

François Huet

François Huet est né le 16 avril 1905 à Alençon (Orne).

Carrière militaire :
Il entre à Saint-Cyr en 1923, à 18 ans, promotion « Chevalier Bayard », 1923-1925.
Après l’école d’application de Saumur et un passage au 5e chasseurs de Senlis, le lieutenant Huet participe durant sept ans aux combats et à la pacification du Maroc, de 1927 à 1934 au 22e spahis marocains, puis aux affaires indigènes du Tadla, enfin à la tête du 4e goum mixte marocain. Blessé, cinq fois cité, il est fait chevalier de la Légion d’honneur.
Après avoir commandé à Strasbourg un escadron du 2e groupe d’automitrailleuses, de 1935 à 1937, il est nommé auprès du généralissime Gamelin, dont il sera l’officier d’ordonnance jusqu’en avril 1940.
Le 10 mai 1940, officier adjoint du 1er GRDI (Groupe de reconnaissance de division d’infanterie), il participe aux violents combats de Belgique (Haut-le-Wastia) puis dans la région d’Avesnes (Pas-de-Calais). Le 25 mai, il forme le 4e groupe franc de cavalerie, avec lequel il va ralentir les Allemands sur la rive droite de la Seine, à Pont-de-l’Arche (Eure) ; après avoir épuisé ses munitions, il fait détruire les automitrailleuses de son groupe, traverse la Seine à la nage et reconstitue cette unité pour mener des combats retardateurs jusqu’à l’armistice.
En septembre 1940, il commande l’escadron de Saint-Cyr à Aix-en-Provence. En 1942, il dirige la mission de liaison de l’armée auprès des Chantiers de la jeunesse.

Résistance-Libération : 
À l’invasion de la zone libre, il entre aux Compagnons de France à Lyon – dont il deviendra le secrétaire général – et au réseau Alliance, créé par Georges Loustaunau-Lacau, avec l’aide de Marie-Madeleine Fourcade. Il sera le chef de secteur du sous-réseau Druides pour la région Rhône-Alpes.
Il rejoint le Vercors en avril 1944.
Le 6 mai 1944, il est nommé chef militaire du Vercors. Il noue une amitié solide avec Eugène Chavant, Clément, chef civil du Vercors. Sur l’ordre du commandant Descour, chef militaire de R1, il mobilise le maquis dans la perspective de la mise en œuvre du « Plan Montagnards », qui prévoit de sécuriser le plateau quelques jours au moment du débarquement de zone Sud, pour permettre d’accueillir des milliers de parachutistes alliés. Dans cette attente, Huet commande les opérations avec 4 000 maquisards, dont 2 000 armés, contre une division allemande. Les Alliés ne donneront finalement pas suite au « Plan Montagnards », laissant aux maquisards un sentiment d’abandon au moment du combat.
Après les engagements meurtriers de juillet 1944, Huet donne l’ordre de dispersion du maquis. Cet ordre permettra à plusieurs milliers de maquisards de reprendre le combat, notamment au sein des 6e BCA et 11e cuirassiers.
Six cents combattants et 200 civils seront tombés au cours des affrontements de juin-juillet 1944.
Après les libérations de Grenoble et de Lyon, auxquelles il participe, il devient chef d’état-major de la XIVe région, à Lyon.

Carrière après-guerre :
Il commande en 1945 le 11e cuirassiers en Allemagne, puis le 12e cuirassiers et enfin le groupement blindé de la 5e division blindée. Désigné pour commander l’arme blindée des troupes françaises en Allemagne, il est choisi également pour expérimenter et créer la brigade Javelot, première unité blindée de l’ère nucléaire, en France. En mars 1956, il part en Algérie avec la 7e division mécanique rapide qu’il commande bientôt pour participer à la campagne de Suez ; puis il est placé à la tête de zone nord Algérois avec la 7e DMR (Division mécanique rapide) jusqu’en juillet 1959.
Après avoir créé et dirigé à Versailles le centre d’information sur le commandement territorial, il est nommé en 1962 à la tête de la IIe région militaire, à Lille, où il termine sa carrière militaire en août 1965, élevé aux rang et appellation de général de corps d’armée.

Il décède le 15 janvier 1968.

Distinctions : Grand officier de la Légion d’honneur ; Grand-croix de l’ordre du Mérite ; Croix de guerre 1939-1945 et des TOE (13 citations) ; Rosette de la Résistance ; Croix de la valeur militaire DSO ; Insigne des blessés (une blessure).

Pour en savoir plus : La gouvernance du Vercors (G. Giraud); La genèse de la Résistance, les phases de l’évolution de la gouvernance (G. Giraud)

Auteur : Philippe Huet
in Actes du colloque Les militaires dans la Résistance – Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Avon-les-Roches, Anovi, 2010.
Sources :
François Broche, François Huet, chef militaire du Vercors, 1944. Une vie au service de la France, Triel-sur-Seine, éditions Italiques, 2004.
Paul Dreyfus,
Vercors, citadelle de liberté, Sayat, De Borée, 2005.

Eugène Chavant

Originaire d’une famille modeste, Eugène Chavant fréquente l’école communale, qu’il complète par les cours par correspondance de l’École du génie civil, alors qu’il est déjà entré comme ouvrier aux usines métallurgiques Neyret-Beylier. Mobilisé en 1914 au 11ème Dragons, puis au 20ème bataillon de Chasseurs à pied, il termine la guerre comme sous-officier, décoré de la médaille militaire, de la croix de guerre avec quatre citations. Cette expérience combattante devait le marquer profondément : en 1967 encore, il déclarait à Paul Dreyfus que « toute la Résistance, ça ne vaut pas huit jours de Verdun ».

Après la guerre, agent de maîtrise, il épouse en 1920 Lucile Blanc, qui lui donne un fils en 1921, et adhère au parti socialiste SFIO. Élu en 1929 conseiller municipal de Saint-Martin-d’Hères sur la liste socialiste conduite par Auguste Beau, il est réélu en 1935 et devient premier adjoint du maire Alexis Jourdan. Après la démission de ce dernier le 26 février 1938, il est élu maire de la commune le 20 mars. Il quitte alors l’usine et devient propriétaire d’un café à l’Ile-Verte, à Grenoble.

Révoqué de ses fonctions par Vichy en février 1941, il participe dès l’automne au noyau socialiste regroupé autour de Léon Martin, ancien maire de Grenoble, avec Aimé Pupin, Paul Deshières, Eugène Ferrafiat. Le petit groupe, visité en août 1941 par l’ancien député du Nord Raymond Gernez, prend en charge la diffusion du Populaire clandestin, et s’affilie au printemps 1942 au mouvement Franc-Tireur. Il est à l’initiative de l’établissement, sur le massif du Vercors, de camps de réfractaires au STO à l’hiver 1942-1943. Quand ce noyau se connecte, au printemps 1943, avec l’équipe de l’architecte Pierre Dalloz, Eugène Chavant ne participe pas au premier « comité de combat » du Vercors. Après son démantèlement et la création, fin juin, d’un nouveau comité, il y participe aux côtés de l’écrivain Jean Prévost et d’Eugène Samuel, et de deux militaires, les capitaines Le Ray et Costa de Beauregard.

C’est seulement en septembre que Chavant devient le « chef civil » du maquis et s’établit définitivement sur le massif. Son itinéraire se confond désormais, jusqu’en juillet 1944, avec celui du maquis du Vercors. Eugène Chavant se rend à Alger fin mai 1944 pour obtenir l’assurance que le projet « Montagnards » est toujours en vigueur. Convaincu par les promesses qui lui sont faites, il revient le 7 juin au matin dans le Vercors et joue un rôle majeur dans la décision de mobiliser le maquis et de verrouiller les voies d’accès. L’investissement du Vercors par les troupes allemandes et l’amertume de ne pas avoir reçu l’aide promise à Alger expliquent les termes de son fameux télégramme envoyé dans la nuit du 20 au 21 juillet : « Si aucune aide, population et nous jugerons Alger des criminels et des lâches. je répète : criminels et lâches ».

À la Libération, Eugène Chavant, membre du CDL de l’Isère, d’abord nommé maire de Saint-Martin-d’Hères le 14 septembre 1944, est réélu lors du scrutin des 29 avril et 6 mai 1945, à la tête d’une liste unitaire incluant militants socialistes, communistes, Front national et CGT. Il se présente lui-même comme résistant, sans étiquette, s’étant mis provisoirement, selon ses dires, en congé de la SFIO pour se consacrer au CDL et à l’association des Pionniers du Vercors. Il démissionne cependant le 4 juillet 1945 de ses fonctions de maire, invoquant sa santé précaire et ses occupations personnelles, laissant la municipalité au communiste Fernand Texier.

Cette décision ne marque pas, en tout cas, la fin de sa carrière politique, puisqu’il se présente au scrutin constituant du 21 octobre 1945, en troisième position, sur la liste du « Bloc des républicains et des socialistes résistants de la Renaissance française », conduite par Yves Farge, contre la liste socialiste officielle conduite par Lucien Hussel et Alix Berthet. Dans ses déclarations publiques, il dit s’être ainsi engagé « parce que l’unité ne s‘est pas réalisée » et pour défendre le bilan de la Résistance contre les « planqués » de Londres et d’Alger. Les faibles résultats de cette liste, vivement condamnée par la SFIO, qu’elle prive sans doute d’un siège, amènent son retrait de la politique active et l’éloignement de son ancien parti.

Eugène Chavant se consacre désormais entièrement à l’Amicale des pionniers du Vercors (devenue Association nationale des pionniers et combattants volontaires du Vercors), créée le 4 novembre 1944 à Pont-en-Royans, qu’il préside jusqu’à sa mort. Sous son impulsion, elle joue un rôle majeur dans la construction d’une mémoire nationale du maquis du Vercors, « Bir-Hakeim de la Résistance en métropole », selon sa propre formule, gérant aussi les deux nécropoles dites « nationales » de Saint-Nizier et Vassieux-en-Vercors, en fait propriété de l’association. Eugène Chavant, liquidateur des attestations de l’activité résistante de la partie iséroise du Vercors, occupe aussi une place décisive au sein de la commission départementale d’attribution des cartes de CVR, où il fait prévaloir, en référence à la Grande Guerre, sa définition du résistant comme « combattant au feu », qui valorise l’action armée au détriment des autres formes d’activité résistante.

À sa mort, il est inhumé dans la nécropole de Saint-Nizier. Eugène Chavant était compagnon de la Libération (décret du 20 novembre 1944) et commandeur de la Légion d’honneur. Un espace public du centre de Grenoble, où est érigé un monument en son honneur, porte son nom.

Auteurs : Gilles Vergnon

Eugène Chavant

Eugène, Marius Chavant naquit le 12 février 1894 à Colombe, village du Bas-Dauphiné dans les Terres-Froides près du Grand-Lemps (Isère), dans un milieu de travailleurs manuels modestes, son père Joseph Marius exerçant la profession de cordonnier et sa mère d’ouvrière en soie. Eugène vécut durant quatre ans comme seul enfant au hameau de Bertine, puis fut rejoint par son frère puîné Marcel Célestin. Après avoir fréquenté l’école communale de Colombe, Eugène devint mécanicien puis agent de maîtrise à l’usine métallurgique Neyret-Beylier de Grenoble, une ville alors en expansion, dans une industrie de « pointe », grâce aux cours du soir qu’il suivit.

Il participa à la Première Guerre mondiale au 11e Dragons puis comme sergent au 20e Bataillon de chasseurs, unité dans laquelle il dirigea une section de volontaires pour les coups de main, y fut gazé en 1918. Il finit la guerre avec le grade de sergent et se vit attribuer la Médaille militaire et la Croix de guerre avec quatre citations. De cette rude expérience de la guerre, il garda un tel souvenir qu’il n’hésita pas à déclarer, après la Libération, que « toute la Résistance, ça ne vaut pas huit jours de Verdun ».

Revenu à la vie civile et à son métier d’agent de maîtrise, il milita au Parti socialiste SFIO, fut élu conseiller municipal de Saint-Martin-d’Hères dans la banlieue de Grenoble en 1929, réélu en 1935, devenant maire en 1938 après la démission du premier magistrat de la commune, responsabilité qui le conduisit à quitter l’usine où il travaillait pour tenir un café à Grenoble, à l’Ile-Verte, dans la grande tradition des militants de gauche de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. Le 27 novembre 1920, Eugène Chavant épousait Lucie Blanc qui lui donna un fils en 1921.

L’arrivée au pouvoir de Philippe Pétain en juillet 1940, l’interdiction des partis politiques, des « sociétés secrètes » – principalement la franc-maçonnerie –, la réunion des associations d’anciens combattants en une seule Légion des combattants français, sans oublier l’entrevue de Montoire, en firent un opposant au régime, qui d’ailleurs le révoqua, avec nombre d’édiles, en février 1941. Avec ses camarades de parti, le docteur Léon Martin, pharmacien, ancien maire de Grenoble, député ayant refusé les pleins pouvoirs au Maréchal, et Aimé Pupin, cafetier comme lui et animateur avant-guerre de la Fédération sportive et gymnique du travail, il participa à la réorganisation clandestine du PS, et notamment en août 1941 à la diffusion du Populaire, organe du Parti socialiste, devenu clandestin, suite à la visite à Grenoble de Raymond Gernez, ancien député socialiste du Nord. « Nous n[e] pensions pas [au maquis] à l’époque, déclara-t-il plus tard, il s’agissait de relancer clandestinement le Parti socialiste ».

À l’automne de cette même année 1941, un noyau de résistants socialistes se cristallisa dans le quartier populaire du cours Berriat. En avril 1942, ce groupe et celui formé à Villard-de-Lans autour du Dr Eugène Samuel, de l’hôtelier Théo Racouchot, du percepteur Marius Charlier, du banquier Édouard Masson, du responsable de Force et Lumière, Marcel Dumas, des frères Huillier, transporteurs se rallièrent au mouvement Franc-Tireur à la suite de la rencontre entre Léon Martin et Jean-Pierre Levy à Lyon, par l’intermédiaire de Georges Martin, fils de l’ancien maire, étudiant en médecine dans la capitale des Gaules.

Ces groupes commencèrent à héberger dans le Vercors des personnes poursuivies par Vichy, puis, après novembre 1942, par les autorités italiennes d’occupation. Le développement du travail en Allemagne, d’abord volontaire, puis obligatoire (Relève, STO) donna une forte impulsion à cette activité et, pour accueillir les réfractaires, Franc-Tireur créa des embryons de camps, le premier à Ambel (décembre 1942-janvier 1943). E. Chavant et ses camarades devenaient ainsi les fondateurs du « premier Vercors », le Vercors civil.

À l’automne 1943, après l’arrestation d’Aimé Pupin, premier dirigeant du Vercors, puis celle du Dr Martin, incarcéré au fort de l’Esseillon en Savoie, Eugène Chavant devint chef civil du Vercors, ce qui lui valut le surnom de « patron », le commandant Alain Le Ray en assurant la direction militaire. Il déploya alors, sous le pseudonyme de Clément, une grande activité dans l’accueil des réfractaires au STO, leur hébergement et leur ravitaillement, n’hésitant pas à sillonner le Plateau.

En mai 1944, après une première tentative manquée, il réussit à joindre Alger où il exposa les grandes lignes du « Projet Montagnards » imaginé par Pierre Dalloz, destiné à créer sur le plateau une base permettant aux maquis, ravitaillés et appuyés par des troupes alliées et de la France libre, d’interdire toute retraite aux Allemands en cas de débarquement en Provence, plan approuvé par Jean Moulin et le général Delestraint, chef de l’Armée secrète (AS). Clément aurait alors obtenu des assurances de la part des dirigeants de la France combattante et notamment du chef du BCRA, Jacques Soustelle, dont il rapporta un ordre écrit au contenu ambigu.

À son retour en France, il participa à la mise en place des maquis du Vercors après le débarquement du 6 juin, mais assista à leur anéantissement par la Wehrmacht. Devant l’inaction de Londres et Alger, malgré ses demandes répétées, E. Chavant envoya le télégramme suivant : « Si vous ne prenez pas dispositions immédiates, nous dirons que ceux qui sont à Londres et Alger n’ont rien compris à la situation dans laquelle nous nous trouvons et sont considérés comme des criminels et des lâches. Nous disons bien “des criminels et des lâches” ».

À la Libération, E. Chavant, tout en refusant des postes administratifs élevés – « J’aurais pu être préfet, avoua-t-il un jour, je n’ai pas voulu » -, présida le Comité départemental de Libération de l’Isère, participant à la réception du général de Gaulle lors de la visite de celui-ci à Grenoble, le 5 novembre 1944, ainsi que le Comité de reconstruction du Vercors.

Le 20 novembre, un décret du général de Gaulle le faisait Compagnon de la Libération, marque de l’estime dans laquelle, malgré les différends qui les opposaient, le tenait le chef de la France combattante.

Bien qu’ayant retrouvé la fonction de maire de Saint-Martin-d’Hères, il démissionna de cette fonction pour se consacrer à l’Amicale des Pionniers et des combattants volontaires du Vercors qu’il avait créée, et dont il assura la présidence jusqu’à sa mort, le 28 janvier 1969.

Il joua notamment un rôle décisif dans les œuvres sociales de l’association. Il aurait d’ailleurs quitté le Parti socialiste dans les années 1950.

Il fut inhumé dans le cimetière national du Vercors à Saint-Nizier-du-Moucherotte, et depuis, son nom a été donné à diverses rues et avenues de l’agglomération grenobloise, à une station de tramway, à un complexe de cinémas, boulevard Maréchal-Lyautey, en face duquel est érigé un monument commémoratif à sa mémoire imaginé par l’association, inauguré en 1976 puis déplacé et modifié. Chaque année, le 19 janvier, une cérémonie s’y déroule.

Distinctions et décorations : Commandeur de la Légion d’honneur • Compagnon de la Libération (Décret du 20 novembre 1944) • Commandeur de l’Ordre national du Mérite • Médaille militaire • Croix de guerre 1914-1918 (quatre citations) • Croix de guerre 1939-1945 • Médaille de la Résistance.

Pour en savoir plus : Les origines du Vercors résistant (J-W. Dereymez) Genèse de la Résistance et phases de l’évolution de la gouvernance (G. Giraud) La gouvernance du Vercors (G. Giraud) De Lyon au Vercors : les principes de développement territorial du mouvement Franc-Tireur, 1941-1942 (J. Guillon)

Auteur : Jean-William Dereymez
Sources :
Site du Maitron en ligne.
Site de l’Ordre de la Libération.
Eugène Chavant, Conférence sur le Vercors, Grenoble le 6 février 1945, 44 p. dactylo. 
Le Dauphiné libéré, 29, 30 et 31 janvier 1969, articles nécrologiques dont celui rédigé par Paul Dreyfus, reportages sur les obsèques.
Paul Dreyfus,
Les rues de Grenoble, Grenoble, Editions Glénat, 1992, 278 p., p. 61.
Paul Dreyfus,
Vercors, citadelle de liberté, Grenoble, Arthaud, 1969, Romagnat, De Borée, 2007 (Nouvelle édition), 416 p.
Gilles Vergnon,
Eugène Chavant, du poilu au chef du maquis, éd. Grenoble, département de l’Isère, coll. Patrimoine en Isère, 2015, p. 86.

Frédéric Bleicher

Frédéric Bleicher est né en 1915 en Hongrie. Étudiant à l’École dentaire française à Paris, il reçoit son diplôme de dentiste en 1937.

Dès l’automne 1940, il entre dans la Résistance et participe à la diffusion de journaux clandestins aux responsables des syndicats à la Bourse du Travail.

Il passe en zone libre en octobre 1941 et s’installe à Bourg-de-Péage dans la Drôme en mars 1942. En novembre, il entre en contact à Grenoble avec l’un des responsables du Mouvement National Contre le Racisme (MNCR) et devient responsable de ce mouvement pour la Drôme.

À partir de 1943, ses activités dans la Résistance se développent. Il participe à différents coups de main menés par le groupe franc de Romans.

Parallèlement, il participe à la constitution clandestine à Romans et à Bourg-de-Péage d’une compagnie de volontaires destinée à rejoindre le maquis du Vercors le jour J. Il recrute une soixantaine de volontaires et les encadre à partir de mars 1944. Il prend part à des coups de main pour éviter le départ en Allemagne de jeunes incorporés au Service du travail obligatoire, leur fournit de faux papiers d’identité, les héberge et les dirige vers le maquis du Vercors. Il participe à des réceptions de parachutages dans la région de Romans et dans le Vercors, de la fin 1943 à juin 1944, et à des sabotages de voies de chemin de fer. Il recueille des renseignements sur le terrain d’aviation allemand de Chabeuil et sur l’aménagement des grottes de Châteauneuf-d’Isère dans lesquels les Allemands entreposent du matériel aéronautique.

Il rejoint le maquis du Vercors à sa mobilisation le 9 juin 1944. Il est nommé lieutenant et se voit confier les fonctions d’officier de renseignements de la compagnie Abel qui a pour mission de verrouiller la zone s’étendant de Pont-en-Royans au Pont de la Goule Noire. Chargé de maintenir la sécurité et de recueillir des renseignements, notamment sur les mouvements des troupes allemandes et des miliciens, il organise un réseau de renseignements qui s’étend de Pont-en-Royans à Grenoble. Le 15 juin, il participe aux combats de Saint-Nizier durant lesquels il est blessé.

Suite à l’attaque allemande du maquis du Vercors en juillet, après avoir passé plus de deux semaines dans la forêt des Coulmes, il peut rejoindre Romans et prend part aux combats de la libération de cette ville le 22 août. Il est nommé chef du 2ème bureau de Romans-Bourg-de-Péage et chef du service de renseignements de la Drôme-Nord. Le 30 août, il participe à l’attaque des colonnes allemandes qui se replient le long de la nationale 7.

En septembre, il s’engage au sein de la 2e demi-brigade de la Drôme. Il est nommé officier de renseignements du 1er bataillon et adjoint du chef du 2e bureau de la demi-brigade. Il rejoint alors la Maurienne et participe jusqu’en novembre aux combats. Volontaire pour commander une mission de guidage de tirs d’artillerie en montagne, il est blessé. Après la relève de son bataillon, à partir de la fin novembre, il accomplit des missions de renseignement en Rhône-Alpes ainsi qu’à Paris pour le compte du service central de renseignements FFI.

En février 1945, il est affecté au 5ème bureau de l’état-major général Guerre chargé de la sécurité militaire pour mener des enquêtes contre le sabotage industriel dans les établissements travaillant pour le département de la Guerre. Il est ensuite mis à la disposition de la direction du service de santé et affecté à l’hôpital militaire du Val de Grâce en tant que dentiste en mars. Il est démobilisé en décembre 1945.

André Pecquet

André Pecquet est né à New York en 1915, de père français et de mère américaine. Il se porte volontaire à 18 ans pour faire son service militaire dans l’armée française. Il participe à la campagne de France en 1940.
À l’entrée en guerre des États-Unis, il est affecté à l’Office of Strategic Services (OSS). Formé en Amérique puis en Angleterre, il est opérateur radio et parachutiste.

Fin avril 1944, il est mis à la disposition du BCRA pour des missions en France occupée. Il fait partie de la mission Eucalyptus, dirigée par le major britannique Longe, avec le capitaine français Adrien Conus. Cette mission a pour rôle d’évaluer les besoins du maquis du Vercors et d’assurer la liaison avec Londres. Les Britanniques considèrent que le Vercors n’est pas une priorité, en outre difficile à pourvoir en matériel. Cette position sera contredite par les parachutages massifs effectués de jour par l’aviation américaine.

La mission Eucalyptus est parachutée à Vassieux le 29 juin 1944. Responsable de l’équipe radio, le lieutenant Pecquet, parfaitement bilingue, assure la liaison avec l’état-major du maquis et les vacations radio avec Londres, y compris après la dispersion des résistants. Il se retrouve en forêt de Lente avec le commandant François Huet, ayant conservé son matériel radio.

À l’approche des forces américaines, dans le Buech, puis pour la Libération de Lyon, il se fait, en appui de François Huet, l’avocat des FFI pour convaincre les Américains d’aider la Résistance. Nommé capitaine, il est ensuite affecté au 492th Bomb Group, qui dépend de l’OSS et effectue diverses missions dans les pays encore occupés.

Il quitte l’armée comme lieutenant-colonel de l’US Air Force.

Distinctions : Légion d’honneur ; Croix de guerre ; Distinguished Service Order (DSO); Bronze Star.

Pour en savoir plus : Chronologie : des dates, des hommes et des structures des services secrets (G. Giraud) Les organismes extérieurs au Vercors – les services alliés (G. Giraud) Les services secrets et les liaisons radio dans le Vercors (G. Giraud) Les services de renseignement français : du SR au BCRA (G. Giraud) Les liaisons extérieures et intérieures (P. Huet et J-W. Dereymez) Sélection de messages (G. Giraud et P. Huet)

Auteur : Philippe Huet
Sources :
Philippe Huet, in Actes du colloque Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Anovi, 2010.
National Archives, Records of the Office of Strategic Services 1940-1946 (Record Group 226), Washington DC, Etats-Unis.
Robert Bennes,
Un Américain ami de la France, édité à compte d’auteur.

Pierre Dalloz

Diplômé de l’Institut électrotechnique de Grenoble, Pierre Dalloz ne choisit pas, malgré son diplôme, une carrière d’ingénieur et entre, après avoir exercé des responsabilités au Syndicat d’initiative de Grenoble et au Touring club de France, dans le cabinet d’architecte d’Auguste Perret. Il est surtout un alpiniste passionné, auteur de plusieurs premières dans les Alpes (une voie du massif du Mont-Blanc porte son nom) et membre du Groupe de haute montagne, cercle élitiste d’aristocrates des cimes où il croise déjà son cadet Alain Le Ray.
Rédacteur en chef de La Montagne, revue du Club alpin français, auteur en 1931 de Haute montagne, il est en 1939 chargé de mission à la Présidence du conseil puis, après la déclaration de guerre, chef de cabinet de Jean Giraudoux, commissaire à l’Information.
Après la défaite, il s’installe aux Côtes-de-Sassenage, au-dessus de Grenoble, sur les pentes nord du Vercors, dans une maison, la Grand-Vigne, qui appartient à la famille de son épouse, le peintre Henriette Gröll. C’est là qu’occupé à la traduction du Traité de la considération de Saint-Bernard, il aurait eu un jour de 1941, l’intuition d’un projet d’utilisation militaire du Vercors, dont il fait part à son ami Jean Prévost.
C’est seulement en décembre 1942, dans un contexte totalement modifié par le débarquement allié en Afrique du Nord (qui laisse présager à beaucoup l’espoir d’une libération rapide) et l’occupation de la zone libre qu’il écrit une « Note sur les possibilités d’utilisation militaire du Vercors » de trois pages. Les considérants de cette « Note » s’inspirent largement des descriptions de géographes grenoblois d’avant-guerre (Jules Blache, Raoul Blanchard) sur la « citadelle naturelle » protégée par un « rempart ». Le projet, transmis par l’intermédiaire d’Yves Farge, est accepté par Jean Moulin puis par le général Delestraint et l’état-major de la France libre.
Dès lors, Dalloz (« Senlis ») rassemble, en février 1943, une petite équipe largement issue de ses connaissances montagnardes d’avant-guerre : l’inspecteur des Eaux et Forêts Rémi Bayle de Jessé, Marcel Pourchier, ancien commandant de l’École militaire de haute montagne de Chamonix, Max Chamson, collaborateur de Dalloz à l’inspection des sites, et le capitaine Alain le Ray, qui rédige une « étude militaire » d’application du projet. Cette équipe fusionne en mars avec les Francs-Tireurs de Grenoble et Villard-de-Lans (Eugène Chavant, Aimé Pupin, Eugène Samuel, etc.) à l’origine des camps de réfractaires au STO installés dans le massif, pour constituer le premier comité de combat du Vercors (Dalloz préfère parler de groupe d’études).
Après son démantèlement par la police italienne en avril-mai 1943, Pierre Dalloz quitte la région et gagne Alger en novembre, après avoir rencontré, le 2 juin, le général Delestraint à Lyon, qui désigne Le Ray et Jean Prévost comme remplaçants de Dalloz et Farge. À Alger, puis à Londres, Pierre Dalloz plaide sans succès pour le Vercors, informant les services du BCRA du projet, dont il a rédigé d‘ailleurs en juillet 1943 une version plus ambitieuse. Après la guerre, devenu un architecte connu, il écrit de nombreux articles, puis un livre en défense de son action, rappelant que le projet Montagnards prévoyait d’engager le Vercors en synchronisation avec un débarquement allié en Méditerranée, ce qui ne fut pas le cas.
Une rue de Sassenage porte aujourd’hui son nom.

Auteur : Gilles Vergnon

Pierre Dalloz et le maquis

L’histoire du Vercors résistant se décompose en trois phases :
Le premier Vercors (1942-1943) voit la greffe du projet géostratégique de Pierre Dalloz sur un semis de camps de réfractaires créé en dehors de lui. À Grenoble, un noyau de militants socialistes, réuni depuis l’automne 1940, cours Berriat, dans la pharmacie du docteur Léon Martin, ancien député-maire de la ville, est activé en août 1941 par la visite de Raymond Gernez, ex-député du Nord pour diffuser Le Populaire, organe socialiste clandestin. Ce groupe contacte, au printemps 1942, d’autres noyaux socialisants, spécialement à Villard-de-Lans (le médecin d’origine roumaine Eugène Samuel, l’hôtelier Théo Racouchot, le directeur de banque Edouard Masson, les frères Huillier, etc.) et dans le Royans (l’instituteur révoqué Benjamin Malossane à Saint-Jean-en-Royans, Jean et Louis Ferroul à Saint-Nazaire-en-Royans, Louis Brun à Pont-en-Royans). Ce tissu militant, dans lequel le cafetier grenoblois Aimé Pupin joue les premiers rôles, progressivement affilié au mouvement Franc-Tireur, est à l’origine du camp d’Ambel (C1 en janvier 1943), puis d’autres camps de réfractaires au STO : C2 à Carette, C3 à Autrans, C4 à Cornouze, C6 au col de La Chau.
En parallèle, Pierre Dalloz, architecte installé aux Côtes-de-Sassenage, écrit en décembre 1942 une « Note sur les possibilités militaires du Vercors ». Cette première version, modeste, distingue un « programme d’action immédiate » et un « programme d’action ultérieure » subordonné à l’acceptation du premier et à un futur débarquement allié en Provence. Cette note, transmise fin janvier 1943, par l’intermédiaire Yves Farge à Jean Moulin qui donne son accord, devient le « projet Montagnards » après la rencontre, le 10 février 1943, entre Dalloz, Farge et le général Delestraint, chef de l’AS, qui l’emmène à Londres. Accepté par la France libre, bien financé, ce projet, qui donne une dimension stratégique à des camps isolés en montagne, permet la fusion des deux équipes début mars et la création d’un premier « comité de combat » (Dalloz, Farge, Rémi Bayle de Jessé, les militaires Marcel Pourchier et Alain le Ray). Celui-ci est vite démantelé par les arrestations de la police italienne (Léon Martin, le 24 avril, Aimé Pupin le 27 mai). Pierre Dalloz gagne Paris, puis Alger en novembre, où il rédige une nouvelle note, plus ambitieuse que la précédente. Mais les arrestations en juin de Delestraint et de Jean Moulin cassent cependant le fil entre un projet que les acteurs locaux continuent ou croient continuer d’appliquer, et la hiérarchie de la France libre.
Le second Vercors (1943-juin1944) voit l’institutionnalisation et la militarisation des camps. Un second comité de combat, animé par le capitaine Alain Le Ray (Rouvier) chef militaire et Eugène Chavant (Clément) chef civil, avec Jean Prévost (Goderville), Eugène Samuel (Jacques) et Roland Costa de Beauregard (Durieu), travaille à transformer les réfractaires en combattants, créer des compagnies civiles de réserve, mobiliser à leurs côtés des segments d’institutions (Églises, gendarmerie, municipalités) encadrant une population qui s’accommode progressivement au maquis. De janvier à juin 1944, le nouveau chef militaire, Narcisse Geyer (Thivollet) poursuit cette ligne, malgré des frictions croissantes avec les responsables civils et des habitants découvrant, après les incursions allemandes (22 janvier aux Barraques et 18 mars 1944 à Saint-Julien) et de la Milice à Vassieux en avril 1944, la réalité de la guerre.
Le troisième Vercors (9 juin-21 juillet 1944), le plus connu, transforme la zone en petite République. Le Vercors est mobilisé dans la nuit du 8 au 9 juin, et ses accès routiers bouclés par décision de Marcel Descour (Bayard), chef d’état-major régional, qui l’impose à François Huet (Hervieux), nouveau chef militaire nommé fin mai. Cette décision controversée a deux origines : le message de Jacques Soustelle ramené d’Alger par Chavant le 6 juin, qui l’assure de la pérennité du « projet Montagnards », et, surtout, une dynamique spontanée de montée au maquis, imprévue dans son ampleur, amenant les effectifs à plus de 4 000 volontaires. Venant surtout de Grenoble et Romans-sur-Isère, ces nouveaux maquisards cumulent enthousiasme et manque d’expérience militaire. L’euphorie, l’assurance d’une aide alliée et d’un débarquement imminent en Provence amènent, dès avant la « restauration » officielle de la République le 3 juillet, à l’institution d’un embryon de contre-État (journal Vercors libre, administration, censure, tribunal et même un camp pour prisonniers allemands et suspects), alors que Huet reconstitue officiellement des régiments réguliers (chasseurs alpins et cuirassiers). La Wehrmacht lance, après une première attaque manquée à Saint-Nizier (Isère), les 13-15 juin, une offensive générale le 21 juillet (opération Bettina) incluant un débarquement aéroporté sur Vassieux, qui en font l’opération la plus importante menée contre la Résistance en Europe occidentale. Celle-ci, marquée par de nombreuses atrocités (Vassieux, La Chapelle, grotte de la Luire) disloque en trois jours le maquis. Dans la nuit du 21 juillet, Chavant envoie son fameux télégramme, affirmant que les services de Londres et Alger « n’ont rien compris à la situation… et sont considérés comme des criminels et des lâches », base de polémiques futures sur la « trahison » du Vercors. En fait, celui-ci est doublement victime (au-delà de l’égarement du projet initial, des promesses inconsidérées et des rivalités entre services) du caractère secondaire qu’occupe à la fois la Résistance dans les plans alliés et le Vercors chez les stratèges de la France libre, et d’une mobilisation prématurée par rapport au débarquement en Provence, encouragée par l’euphorie de juin 1944. Le bilan est lourd : 456 tués (326 Résistants et 130 civils) dans les communes du massif. Les survivants participent à la libération de Romans, Grenoble et Lyon.

Auteurs : Gilles Vergnon, Alain Coustaury
Sources :
Gilles Vergnon,
Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis, éditions de l’Atelier, 2002.
Dvd-rom
La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.

Pierre de Montjamont

Pierre de Montjamont est né le 19 octobre 1907, il est orphelin de guerre. 
Diplômé de HEC, il est appelé en 1931. D’abord sous-lieutenant de réserve, il est activé en 1933 dans l’arme du train, puis sert comme instructeur à Saint-Cyr. Il participe aux cercles sociaux d’officiers crées par le capitaine de la Chapelle.
Pendant la campagne de France, il est au 4e bureau du Grand Quartier Général (GQG). De juillet 1941 à octobre 1942, il commande le groupement 5 des Chantiers de la jeunesse, Auvergne. En novembre 1942, il tente de rejoindre l’Afrique du Nord. Le paquebot Lyautey, à bord duquel il se trouve, est en vue des côtes algériennes le 8 novembre 1942 lorsqu’il est dans l’obligation de faire demi-tour.

Début 1943, il dirige l’école des cadres des Chantiers de la jeunesse au château de Lespinet, près de Toulouse. Dans le même temps, il appartient à l’ORA dont il dirige le 1er bureau, chargé des cadres et du plan de mobilisation. Après le départ de Montjamont, menacé d’arrestation, cette école constituera le groupe d’escadrons Lespinet qui rejoindra le groupe franc Pommiès. Après l’arrestation par la Gestapo de Gèze et La Chapelle, tous deux officiers d’active et chefs de Chantiers, Montjamont rejoint son ami François Huet, chef militaire du Vercors et ancien chef de la mission de liaison armée-228 chantiers. Il est responsable de la logistique, c’est-à-dire des transports et plus particulièrement de tout ce qui concerne la réception des parachutages et la répartition des armes.
Après les combats du Vercors, de Montjamont rejoint la 27e division alpine dont il commande le 4e bureau pendant la bataille des Alpes, durant l’hiver 1944-195. Ce sera ensuite l’occupation en Autriche.

Carrière après-guerre :
De 1947 à 1949, il est directeur-adjoint de l’école des troupes aéroportées (ETAP). À ce poste, il n’oublie pas la division alpine. Fort de l’expérience des parachutages du Vercors, il met au point une technique de parachutage en montagne. Le 26 mars 1949, pour le cinquième anniversaire des Glières, l’ETAP organise le parachutage sur le plateau de dix anciens des bataillons alpins, conduits par le colonel Vallette d’Osia. De 1950 à 1953, nommé colonel, il sert au Standing Group à Washington. Il retrouvera l’OTAN comme officier général. Il prendra sa retraite en 1966 comme général de corps d’armée. Ses dernières années lui permettent de reprendre contact avec la formation de la jeunesse, qui aura été la préoccupation de toute sa vie. En 1971, il sera le premier président des Scouts unitaires de France.
Il décède en mai 1998.
Distinctions : Officier de la Légion d’honneur ;  Commandeur de l’ordre du Mérite ; Croix de guerre 1939-1945.

Auteurs : Laurent Battut et Aymar de Galbert
in Actes du colloque Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Anovi, 2010.
Sources :
Etat des services ;
archives familiales de Montjamont ;
Francis Platon, Mémorial du groupement 5 « Lyautey » des Chantiers de la Jeunesse, Périgueux, Editions F. Platon, 1992.

Pierre Haezebrouck

Pierre Haezebrouck, dit Hardy, d’abord chef de groupe dans un chantier de jeunesse du Jura, avant de rejoindre le maquis où il encadre les maquisards dans le sud du Vercors, sous les ordres de Narcisse Geyer, dit Thivollet.

Né le 10 septembre 1920 à Nœux-les-Mines (Pas-de-Calais), il est le fils de Henri Haezebrouck, gendarme à la brigade d’Haubourdin, tué en service commandé le 26 mai 1940, à la suite d’un bombardement. Il effectue ses études secondaires à Lille, au collège Jeanne-d’Arc. Il est bachelier en philosophie et en mathématiques en 1938. Il prépare le concours d’entrée de l’École navale au lycée Faidherbe. Il est refusé pour inaptitude physique (vue insuffisante).

Engagé en 1939 comme simple soldat, il entre en mai 1940 à l’école militaire d’artillerie de Poitiers. Aspirant en octobre 1940, il est affecté comme instructeur dans l’école d’enfants de troupe de Draguignan. Il prépare le concours d’entrée de l’école Saint-Cyr, où il entre en octobre 1941.
Sous-lieutenant à la démobilisation de l’armée d’armistice, il devient chef de groupe dans un chantier de jeunesse du Jura.

Il refuse de partir en Allemagne pour les chantiers et rejoint le maquis du Vercors début 1944. Il est nommé lieutenant puis capitaine et encadre les maquisards dans le sud du Vercors, sous les ordres de Narcisse Geyer, Thivollet.

Il tombe à Vassieux le 21 juillet 1944, lors de l’attaque allemande. Il repose à la nécropole de Vassieux, comme son camarade le lieutenant Point, dit Payot, tombé quelques jours avant lui.

Distinctions : Chevalier de la Légion d’honneur (à titre posthume). Une rue d’Haubourdin (Nord) porte son nom.

Auteur : Philippe Huet
in Actes du colloque Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Anovi, 2010.
Source :
Archives ANPCVV.

Pierre Tanant

Pierre Tanant est né le 7 juillet 1909 à Saint-Dié (Vosges). Il est le fils du général Tanant, qui commande l’école de Saint-Cyr en 1919.

Il entre à Saint-Cyr, promotion « Maréchal Gallieni », entre 1927 et 1929. En 1932, volontaire pour le Maroc, il participe à la fin de la conquête de l’Atlas comme lieutenant au 153e RTA. Nommé capitaine en 1938, il rejoint les troupes alpines, successivement les 13e et 53e BCA. En 1940, il fait partie du corps expéditionnaire allié en Norvège, où il est blessé. Puis, il participe à la bataille de la Somme.

Après l’armistice, il est affecté au 6e BCA de Grenoble, jusqu’à la dissolution du bataillon, le 28 novembre 1942. En 1943, il rentre à l’ORA. Il rejoint le commandant de Reyniès, dont il assure les liaisons, et contribue à la reconstitution du 6e BCA dans la clandestinité. Il est promu commandant FFI.
Nommé chef d’état-major par le commandant Huet, Hervieux, le chef militaire du Vercors, il se consacre à la préparation des opérations et à l’organisation des unités FFI. Après l’attaque allemande, il contribue à la recréation des unités dispersées.

Carrière après-guerre :
En 1947, il prend le commandement du 6e BCA en occupation en Autriche. Après six années, il rentre en France, où il est à l’état-major de la division alpine. En mai 1956, il part en Algérie pour y commander une formation de rappelés, le 1er bataillon du 121e RI. Il est nommé lieutenant-colonel en 1957. Il est victime le 19 juin d’un attentat à Tigzirt. En septembre, il est désigné chef d’état-major mixte de la préfecture de Grande Kabylie. En mai 1962, il effectue un second séjour en Algérie, à la direction de l’action sociale des armées.
Il quitte l’armée en mars 1964 avec le grade de colonel. Il sera pendant des années délégué général du Souvenir français.
Il est l’auteur de Vercors, haut lieu de France, et de Algérie, quatre ans d’une vie.

Il décède le 31 août 1988.

Distinctions : Commandeur de la Légion d’honneur ; Croix de guerre 1939-1945 (plusieurs citations à l’ordre de l’armée) ; Médaille de la Résistance. Une rue de Grenoble porte son nom.

Auteur : Jean-Louis Tanant
in Actes du colloque Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Avon-les-Roches, Anovi, 2010.
Sources :
Geoffrey Delcroix,
Pierre Tanant, la fidélité et l’espérance, Grenoble, IEP de Grenoble, 1998.
Pierre Tanant,
Vercors, haut-lieu de France, souvenirs, Grenoble, Arthaud, 1947 et réédition Lavauzelle, 1983.

Pierre Trombert

Pierre Trombert est le premier chef de C1 Vercors-Nord, installé dans la baraque des Guinets, combe de Barbuisson, au sud-est d’Autrans, à environ 1 200 mètres d’altitude.

La baraque forestière est alors aménagée et, même si les conditions sanitaires sont précaires, le ravitaillement est satisfaisant grâce aux tickets d’alimentation fournis par les complicités établies dans les mairies. Huit jours après sa fondation, des volontaires affluent et le camp compte une trentaine d’hommes au mois de mars 1944. C’est au début du mois, le 2 mars, que Costa de Beauregard (Durieu) est désigné commandant de la zone Nord du Vercors, soit de l’ensemble des camps de ce territoire.

Puis, au printemps 1944, Bordenave est nommé commandant de compagnie; elle comprend théoriquement cent maquisards. Pour des raisons de sécurité, le camp devient itinérant. Au printemps 1944, il s’installe dans une baraque forestière, aux Fenêts, puis à Plénouze en mai 1944. Jusqu’au 6 juin 1944, l’effectif d’environ trente hommes reste stable. À partir de l’annonce du débarquement allié en Normandie, les effectifs gonflent sensiblement.

Auteur : Julien Guillon

Raoul Féret

Raoul Féret, adjudant-chef, sous-officier d’active, dit Marius, (1902-1945), mort pour la France.

Raoul Féret est né en Ubaye en 1902, dans une modeste famille paysanne. Il est incorporé au 15e BCA de Barcelonnette, avec lequel il participe à la campagne du Rif en 1925, puis il est démobilisé. En 1928, il souscrit un engagement comme sergent au 6e BCA de Grenoble. Il est sous-officier mitrailleur, et réussit en 1933 son brevet de chef de section. Il est nommé adjudant en 1938.

En mai 1940, il part avec son bataillon pour la campagne de Norvège avec le corps expéditionnaire du général Béthouard. Son attitude à Narvik lui vaut une citation à l’ordre de la division et l’attribution de la Croix de guerre avec étoile d’argent. Il sert comme adjudant- chef au 6e BCA sous les ordres du commandant de Reyniès, jusqu’à la dissolution.

En novembre 1942, après l’occupation de la zone Sud, Féret est affecté à l’organe liquidateur du 6e B.CA au titre d’agent de corps de troupe. Devenu comptable d’un service administratif, cette fonction lui permet de soustraire, à la barbe de l’occupant, du matériel et des équipements. Quelques mois plus tard, tout ce qui a été «planqué» se retrouvera miraculeusement dans le Vercors. Parmi le matériel prélevé, on peut citer des traîneaux Pourchier qui seront utilisés dans le Vercors, au cours de l’hiver 1942/1943, pour le transport de malades et blessés ; du matériel téléphonique, dont un sera installé durant l’hiver 1943/44 entre le poste de garde et le refuge de Gève, cantonnement du camp C3 ; du matériel radio et des armes démontées ainsi que des munitions en faible quantité.

Le 1er avril 1943, il prend contact avec de Reyniès, chef départemental de l’AS Isère, qui sera son chef de bataillon. Affecté à l’état-major de l’AS pour le secteur de Grenoble, il prend le pseudonyme de Marius. Au mois d’août 1943, Féret, alors âgé de 41 ans, tombe sous le coup de la loi de dégagement des cadres. Atteint par la limite d’âge, il doit alors quitter son poste. Son activité résistante va néanmoins connaître un tour bien plus actif sur le terrain. Sous couvert de l’activité d’agent d’assurances, il peut se déplacer assez librement et assure les liaisons entre l’état-major de l’AS et les différents maquis (Grenoble-Vercors- Grésivaudan). Il s’occupe aussi du recrutement auprès des anciens chasseurs de l’armée d’armistice, ce qui l’obligera à se découvrir et provoquera sa perte. Mais sa tâche la plus exposée consiste à pourvoir le maquis en équipements et armements, qu’il transporte dans la remorque de sa bicyclette.

À son domicile, rue du Moucherotte (aujourd’hui rue du Vercors) sont organisées plusieurs réunions clandestines auxquelles assistent de Reyniès, le commandant Tanant et certains chefs régionaux de la Résistance, dont il assure la sécurité.

Le 10 janvier 1944, il est promu au grade de sous-lieutenant par de Reyniès. Il est alors placé sous les ordres directs du 4e bureau de l’AS et des MUR. En lien avec son camarade le lieutenant Eysseric, auquel il succède, il échappe de justesse au massacre de Malleval, le 29 janvier 1944.

Les opérations organisées par Marius se succèdent et sont parfois des « coups » réussis :

– 400 tenues de chasseurs, vareuses et culottes, prélevées dans un magasin d’habillement grenoblois, transportées dans une camionnette du Secours national. Au barrage du Pont du Drac, à Fontaine, Féret prétexte, non sans un certain culot, qu’il transporte du ravitaillement pour une colonie de vacances d’enfants de miliciens, les factionnaires ne trouvant rien à redire, les 400 tenues prennent la route du Vercors.

– C’est encore une « razzia » d’un dépôt de Jeunesse et Montagne, à l’heure du déjeuner au cœur de Grenoble, rue Clôt-Bey.

– Il effectuera au printemps 1944 de nombreuses missions de liaisons avec le Vercors.

Féret assistera à la prise d’armes du 25 juin 1944 à Saint-Martin-en-Vercors où il aura le plaisir de voir chasseurs et cuirassiers en tenue, côte à côte, avec les soldats sans uniforme ; ce sera sa dernière apparition dans le Vercors.

Le 25 juillet 1944, Féret est arrêté par des membres du PPF à Grenoble. Trahi par deux anciens chasseurs de l’armée d’armistice, il est torturé mais ne parle pas. Le 3 août, il est transféré à Montluc. Le 11, il est déporté au Struthof puis à Mauthausen, au kommando de Melk (Autriche), où il meurt d’épuisement le 13 mars 1945.

Le 21 juillet 1946, à Saint-Nizier, au cours d’une émouvante cérémonie, la croix de chevalier de la Légion d’honneur, décernée à titre posthume, est épinglée sur la poitrine de l’épouse du sous-lieutenant Raoul Féret, mort en déportation.

Extrait d’une de ses citations : « …A été un auxiliaire particulièrement précieux, pour son chef, le commandant de Reyniès… A contribué pour une bonne part à la reconstitution du 6e B.C.A. en assurant une liaison permanente entre Grenoble et le maquis ».

L’adresse de Marius était connue de tous dans le Vercors : malgré son arrestation, son domicile continuait à être un lieu d’accueil. Plusieurs jours après le drame de la grotte de la Luire, le sergent-chef Gilbert Seguin de la compagnie Chabal, l’un des rares rescapés de la grotte de la Luire, se présenta rue du Moucherotte, alors que sa blessure infectée à la hanche dégageait une odeur à peine supportable. La fille de Raoul Féret, Monique, fiancée avec le lieutenant Chabal, contacta le docteur Benhabid, médecin ami de la Résistance, qui l’opéra avec des moyens de fortune. Rétabli, Gilbert Seguin continua à servir sur le front des Alpes et en Alsace, et sera plus tard nommé au grade d’adjudant.

Féret n’a jamais combattu dans le Vercors, mais il en a été l’un des précieux organisateurs, en le ravitaillant en matériel et équipement de toutes catégories.

À la nécropole de Saint-Nizier-du-Moucherotte se trouve le cénotaphe de Féret, à côté de ceux de Chabal et de Seguin de Reyniès.

Auteur :  Alain Raffin
Sources :
René Belledonne, Féret, héros obscur, Grenoble, imprimerie Prudhomme, 1947.
Pierre Tanant (commandant),
Vercors, haut-lieu de France, Grenoble, éditions Arthaud, 1971.
Archives de l’ANPCVV, dossier individuel de Raoul Féret.

Raymond Anne

Raymond Anne est né le 17 novembre 1922 à Villers-Bocage (Calvados).
Il fut apprenti boucher à Ormesson-sur-Marne, puis à Bonneville-sur-Marne (Val-de-Marne). Son père, Joseph, militant communiste, est interné dès 1941 au camp de Pithiviers (Loiret), puis à Voves (Eure-et-Loir) jusqu’à la Libération.

Résistance – Libération

Dès juin 1940, Raymond Anne prend part dans la clandestinité, au sein des Comités populaires de la région parisienne, à diverses actions : impression et diffusion de tracts, sabotage dans les entreprises travaillant pour les Allemands, etc.

Dénoncé, il est arrêté, puis relâché au bout de quelques jours. Il part alors pour Grenoble où, avec de petits groupes, il se livre à toutes sortes d’actions patriotiques. Il est arrêté une nouvelle fois pour refus de travailler pour les Allemands et propagande anti-allemande (tracts, etc.). Après 25 jours de prison, il rejoint un Chantier de la jeunesse à Villard-de-Lans.
Dit Filochard, il passe au maquis, à Gresse, le 27 mai 1944, au C12 (secteur Vercors, AS). Il est nommé sergent FFI à compter du 1er juin 1944. Il est affecté à la compagnie Hardy, puis au 11e cuirassiers, comme agent de liaison motocycliste.
Il tombe au combat au hameau de la Mure, à Vassieux-en-Vercors, le 21 juillet 1944, aux côtés du capitaine Hardy (Haezebrouck).

Son nom a été tiré au sort pour être parmi les quinze victimes de guerre enterrées au Mont Valérien en novembre 1945. Son corps sera exposé sous l’Arc de triomphe le 11 novembre 1945, avant d’être inhumé au Mont-Valérien, où il représente les maquisards tombés au combat. 

Il repose dans le caveau n° 3 de la crypte « Mémorial de la France combattante », aux côtés de quatorze résistants morts pour la France (fusillés, déportés résistants, etc.). Un bronze intitulé Maquis, de Raymond Corbin, exposé sur l’esplanade, symbolise leur sacrifice.

Homologation et distinctions. Homologué « Interné-résistant » ; Médaille militaire (à titre posthume) ;  Croix de guerre avec étoile d’argent (à titre posthume). Le contenu de la citation à l’ordre de la division fait état d’un « cavalier (motocycliste faisant le lien entre différents groupes) très courageux » ;  Médaille de la Résistance (à titre posthume).

Pour en savoir plus : Les raids et coups de boutoir contre la Résistance du Vercors (G. Giraud)

Auteur : Alain Raffin
Sources :
Alain Raffin, pour l’ANPCVV, in Actes du colloque « Les militaires dans la Résistance, 1940-1944 », Avon-les-Roches, éd. Anovi, 2010.
Dossier individuel du SHD 16P 14219.
Site Maitron en ligne, biographie par Robert Serre.
Dauphiné Libéré du 13 novembre 1945.
Patrick Martin, 
La Résistance dans le département de la Drôme, 1940-1944, thèse Université Paris-IV Sorbonne, 2001, base de données noms.
Joseph La Picirella, 
Témoignages sur le Vercors, 14e édition, chez l’auteur, 1991, p. 229.
Site Internet du Mont Valérien.

Raymond Lévy

Raymond Lévy est né le 7 janvier 1920 à Niederbronn-les-Bains (Bas-Rhin).
Son père Simon, né en 1878 dans l’Alsace annexée, a épousé une juive allemande en 1905, avant de fonder son entreprise de récupération en 1912.
Troisième d’une fratrie comptant quatre enfants nés dans une famille juive traditionaliste alsacienne, Raymond Lévy est le premier enfant de la famille à naître français. Sa sœur ainée, Gertrude, née en 1914, institutrice, sera brûlée le 29 janvier 1944 à Malleval par les Allemands, avec six de ses camarades de l’AS. L’époux de Gertrude Lévy, le docteur Moïse Blumensztok, juif d’origine polonaise, sera arrêté et emmené à la Gestapo de Grenoble, puis déporté à Auschwitz via Drancy, en mars 1944 où il disparait.
Son frère cadet, Robert, né en 1923, rejoindra les FTP de la Creuse en juin 1944, puis les FFL où il sera engagé pour la durée de la guerre

Elève au cours complémentaire de Niederbronn-les-Bains, Raymond Lévy obtient son brevet élémentaire. En 1935, il entre à l’Ecole Normale d’Instituteurs de Strasbourg, où il y prépare le baccalauréat 1re partie qu’il réussit en 1938. Au lendemain de la déclaration de guerre, le 1er septembre 1939, les habitants de Niederbronn-les-Bains sont évacués en Haute-Vienne.
L’Université de Strasbourg est repliée à Clermont-Ferrand et valide son baccalauréat le 16 décembre 1940. L’Ecole normale d’Instituteurs de Strasbourg déménage à Périgueux, Raymond Lévy y passe le Brevet supérieur pour l’Enseignement primaire en juin 1940. Parallèlement, il obtient son brevet de Préparation Militaire Supérieur (PMS) et il est admis au peloton d’élèves officiers de réserve (EOR), section artillerie. Il effectue son service militaire comme 2e classe à Issoire, de juin à septembre 1940.
II tombe sous le coup de la loi du 18 octobre 1940 portant sur le statut des juifs édicté par le gouvernement de Vichy. Bien que n’ayant jamais exercé
son métier d’instituteur, il reçoit un courrier du recteur d’Académie l’excluant de l’enseignement. Il travaille ensuite comme secrétaire à la fabrique de conserves Ungemach, installée à Périgueux, jusqu’en mai 1942. Il rentre ensuite dans la clandestinité.

Le 13 juillet 1943, il est arrêté à Marcilloles (Isère) pour faux papiers et propagande antinationale. Le tribunal de Saint-Marcellin (Isère) le condamne à un mois de détention, mais il s’échappe, probablement avec la complicité de la Résistance locale très active, et rejoint, environ un mois plus tard, le Vercors-secteur sud, placé sous le commandement de Geyer, Thivollet. Le 13 août 1943, il signe son engagement pour la durée de la guerre au sein du 11e régiment de Cuirassiers. Son nom de guerre est Manou. Il est affecté avec le grade de maréchal des logis au Camp 4 (C4), commandé par Cathala, dit Grange, ou encore Le Vieux.
Au mois de septembre 1943, le C4 est absorbé par le C6 et placé sous le commandement unique de Cathala, Grange. Le C6, après une sanglante affaire avec des soldats italiens en débandade, doit se replier au monastère de l’Esparron. Au cours de l’attaque du monastère, le 3 février 1944, Raymond Lévy est chargé, avec la sizaine de protection, d’assurer le repli du camp. Il est alors blessé à la jambe droite de deux balles. Cathala, Grange, rédige une proposition de citation : (…) « A fait preuve de belles qualités guerrières… A été blessé à son poste de combat ».

Cathala, Grange, dans ses rapports, mentionne la présence de Raymond Lévy lors :
– de l’attaque allemande sur le monastère de l’Esparron, le 3 février 1944, durant laquelle Raymond Lévy est blessé à la jambe droite ;
– de l’attaque de la Milice et des Waffen-SS le 16 avril 1944 ;
– de la bataille du Vercors du 13 juillet au 18 août 1944, dans la cuvette de Vassieux et au col de Rousset (Drôme) ;
– d’actions et engagements sur les voies de communications de la vallée du Rhône ;
– de la prise de Romans-sur-Isère et de Lyon.
Le 15 août 1944, Raymond Lévy est nommé maréchal des logis chef par le commandant Narcisse Geyer, Thivollet. L’escadron Cathala, devenu 11e Cuirassiers, devient 3e escadron du 11e Cuirassiers le 15 août 1944. Le 20 octobre 1944, Raymond Lévy fait une demande d’admission à l’Ecole de Cherchell (Algérie) en section artillerie pour la session de novembre, appuyée par le capitaine Cathala.

Raymond Lévy ayant signé un engagement dès son arrivée dans le Vercors pour la durée de la guerre, il se trouve, dans le cadre de l’amalgame, incorporé au 3e escadron (Cathala) du 24e bataillon de marche de la 1re Division française libre (DFL) le 6 novembre 1944. Il fait alors par courrier deux demandes de réhabilitation auprès du procureur de la République de Saint-Marcellin, une pour lui-même, une pour sa sœur Gertrude et son mari, le docteur Moïse Blumensztok. Ces deux courriers resteront sans réponse

Le 23 novembre 1944, le capitaine Cathala est blessé à Grosmagny (Territoire de Belfort). Le lendemain, 24 novembre, Raymond Lévy est tué à 17 heures au combat de Grosmagny. L’acte de décès est établi par le sous-lieutenant Bonaldi, officier d’état civil au 24e BM, sur la déclaration de Raymond Chielens, sergent-major au 24e BM et Yves Le Saux, soldat de la même unité. En janvier 1945, Bonaldi écrira au père de Raymond Lévy, Simon Lévy : « C’est pendant l’attaque du village de Grosmagny que votre fils est tombé au champ d’honneur. Très courageux, il fut toujours un exemple pour ses hommes. » Raymond Lévy repose auprès de sa famille dans le cimetière israélite de Gundershoffen (Bas-Rhin)

Citations et décorations : « Lévy Raymond, sergent-chef FFI. A toujours fait preuve de courage et d’abnégation. S’est notamment distingué lors de l’attaque du monastère de l’Esparron, le 3 février 1944. Blessé à son poste de combat, a continué l’engagement jusqu’à l’épuisement de ses munitions. Belle figure de résistant ».  Cette citation comporte l’attribution de la Croix de guerre avec étoile de vermeil ; Médaille militaire, à titre posthume.

Auteurs : Alain Raffin et Raymond Lévy, neveu de R. Lévy.
Sources :
Dossier individuel ANPCVV, archives Famille Lévy – Grenoble.
Archives de la Famille Lévy.
Dossier individuel de R. Lévy au Service Historique de la Défense (SHD- site
de Vincennes) 16 P 370629

René Bousquet

René, Edmond, Charles Bousquet est né à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales) le 2 juillet 1903. Pseudonymes : Chabert, Becoux, Baroud.

Carrière militaire :
Il s’engage le 5 février 1923 au 2e RAC. Il est maréchal des logis l’année suivante. Il rejoint alors le 4e RA à Besançon. Il est admis en 1928 à l’école militaire d’artillerie à Poitiers. Il accède à l’épaulette le 1er octobre 1929 et rejoint le 54e RA. De 1936 à 1939, il est capitaine au 6e RA. Il est affecté à la déclaration de guerre au 255e RA. Les 10 et 11 juin 1940, sur l’Aisne, il inflige avec sa batterie de lourdes pertes à l’ennemi. Le 13, à Fère-Champenoise, il sauve son unité de l’anéantissement. Blessé, il est évacué au camp de Mailly. Il est cité à l’ordre du corps d’armée pour son attitude. Prisonnier, il s’évade le 14 août.
Le 2 septembre 1940, il est affecté au 2e RA de Grenoble. Il reçoit mission de Linarès d’organiser les réseaux d’évasion des prisonniers de guerre.

Résistance – Libération :
À la démobilisation, il se retire à Lyon, où il entre à l’ORA, comme responsable du département du Rhône. Il participe aux parachutages de l’Ain.
Arrêté par la Gestapo en juin 1944, il parvient à s’évader dans des conditions invraisemblables d’audace et de maîtrise de soi (voir le texte de sa nomination au grade d’officier de la Légion d’honneur).

Marcel Descour le nomme adjoint du commandant Huet, qu’il rejoint le 13 juillet au Vercors. Après l’attaque allemande, il nomadise dans le massif et, le 10 août, il constitue avec les rescapés le groupement Chabert (bataillons de Chambaran, du Vercors, de Chartreuse) qui reprend le combat, coupant toutes les communications entre Valence et Grenoble. Le 18 août 1944 à La-Frette, puis le 20 à Voreppe, il intercepte d’importantes colonnes allemandes.
Avec son groupement, il participe le 3 septembre à la libération de Lyon. Il est alors nommé commandant de la subdivision de cette ville, pour y rétablir l’ordre.

Carrière après-guerre :
De 1946 à 1948, il sert au cabinet militaire du ministre des Armées, avant de rejoindre le 93e RAM en occupation en Autriche. Ayant rang de lieutenant colonel FFI, il est régularisé au grade de chef d’escadron à compter du 25 décembre 1944.
Il sert successivement au 35e RALP à Tarbes (1951-1954), puis à la subdivision de Grenoble comme colonel, où il prend sa retraite en 1957.

Distinctions : Officier de la Légion d’honneur ; Croix de guerre 1939-1945 (deux citations) ; Rosette de la Résistance ; Médaille des évadés ; DSO.

Auteur :  Jean-Pierre Martin
Sources :
Actes du colloque Les militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Avon-Les-Roches, Anovi, 2010.
Archives du SHD, dossier individuel 16P 83965 ;
Bulletin 
Aux armes, n° 5, février 1945.

Albert Richard Marillier

Albert Richard Marillier naît le 22 avril 1924 à Garnay (Eure-et-Loir). 
Il est engagé volontaire à 17 ans dans l’aviation à Lyon-Bron. Inapte pour faire partie du personnel navigant, il rejoint le 6e BCA en 1941, jusqu’à sa dissolution, le 27 novembre 1942.

Résistance – Libération :
Mis en congé d’armistice, il effectue très rapidement des missions de renseignements et de recrutement dans différents réseaux de Résistance en Rhône-Alpes : au sein de l’AS avec le docteur Mariotte, au sein du mouvement des Forces unies de la jeunesse (FUJ) avec Alexandre Contat tandis que le capitaine Tanant, son ancien commandant de compagnie du 6e BCA, lui confie des missions de contact auprès des jeunes pour les intégrer à la Résistance. C’est ainsi qu’il rejoint le Vercors en mars 1944 et se trouve affecté à la section Chabal. Il participe aux combats de Saint-Nizier les 13 et 15 juin et de Valchevrière le 23 juillet, puis à tous les engagements du 6e BCA jusqu’à la Libération, notamment, en Haute-Maurienne dans l’offensive du printemps 1945, sur le mont Cenis et les combats du mont Froid.

Carrière après-guerre :
Il est démobilisé en 1949. Retrouvant l’armée, il sert en Algérie d’avril 1956 à décembre 1963 (6e BCA puis 1er BCP). Il est activé comme lieutenant à titre définitif en 1960. Affecté en 1964 au 1er RIM, puis au 1er BCP, il est le créateur, comme capitaine, du centre d’entraînement commando du fort des Rousses (1966-1969).
Il est détaché comme directeur technique national de cyclisme, sélectionneur, de 1969 à 1980. Puis il quitte l’armée et devient directeur adjoint du Tour de France (1980-1990). Il est colonel honoraire.

Distinctions :Commandeur de la Légion d’honneur ; Commandeur de l’ordre national du Mérite ; Croix de guerre 1939-1945 ; Croix de la valeur militaire ; sept citations, dont une à l’ordre de l’armée.

Pour en savoir plus : Les combats de Saint-Nizier des 13 et 15 juin 1944 (G. Giraud)

Auteurs : Philippe et Gabriel Huet
in Actes du colloque Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Avon-les-Roches, Anovi, 2010.
Sources :
Archives Service Historique de la Défense (SHD- site deVincennes), dossier individuel 16P 394400.
Archives (état de services) de l’ANPCVV – Grenoble.
Richard Marillier (Beky),
Vercors, 1943-1944, le malentendu permanent, Précy-sous-Thil, Editions de l’Armançon, 2003.

André Vincent-Beaume

André Vincent-Beaume est né le 19 juin 1896. Admis en 1912 à l’École normale d’instituteurs, il interrompt ses études et s’engage comme volontaire pour la guerre. Il est titulaire de la médaille militaire et de la croix de guerre. Vincent-Beaume revient à l’École normale en 1918 d’où il sort en 1920. Cette « longévité » dans l’établissement lui a fait côtoyer plusieurs promotions de normaliens. Il avait certainement pris de l’ascendant sur les plus jeunes, vu son âge et son passé de combattant décoré. Il y a rencontré notamment Archinard, Ferroul, Machon qui seront plus tard ses compagnons de lutte. Ces instituteurs et d’autres plus jeunes, comme André Cotte ou Gustave Ferlin, ont milité par la suite au Syndicat national des instituteurs. Ils participent à la souscription pour soutenir les grévistes sanctionnés du 30 novembre 1938. Tous ces enseignants se retrouveront dans la Résistance. La plupart d’entre eux participent à la réunion de Darbounouse des 10 et 11 août 1943 rassemblant les responsables civils et militaires du Vercors. La délégation accompagnant Vincent-Beaume comprend sept instituteurs et trois professeurs. Les quatre « chefs de section » de la compagnie initiale de Romans sont aussi recrutés parmi eux. 

André Vincent-Beaume est décédé en 1985.

Auteur : Jean Sauvageon

André Vincent-Beaume dans la Résistance

En septembre 1941, André Vincent-Beaume est contacté par un de ses collègues, Albert Triboulet, professeur d’italien, à l’école pratique et au collège de Romans, socialiste, franc-maçon, ayant déjà des responsabilités et qui deviendra le chef de district dans l’organisation qui deviendra les MUR (Mouvements unis de la Résistance) de Romans. Il lui demande d’être chef de secteur des cantons de Bourg-de-Péage et Saint-Donat-sur-l’Herbasse.
Début mai 1943, André Vincent-Beaume est chargé du ravitaillement des camps du Vercors, responsabilité qu’il assure jusqu’à la fin novembre 1943. Il est alors nommé intendant général des camps par le commandant Le Ray (Rouvier) et par Eugène Samuel (Jacques).
En juillet 1943, il est chargé par le commandant Rouvier du recrutement des volontaires, de leur équipement individuel, de la mise au point du plan de mouvement et des moyens de transport pour se rendre sur le massif. Il étudie la mise en état de défense de la partie sud-ouest du massif du Vercors (de Combe-Laval au Col de Rousset) et recherche le matériel nécessaire.
Du 1er septembre 1943 au 31 mai 1944, il est incorporé dans le réseau Nestlé-Andromède sous l’indicatif RC 77 comme chef du secteur Drôme-Ardèche par Nestlé, chef de réseau. Il est chargé de créer et de faire fonctionner le réseau, d’organiser une équipe chargée des émissions, de rechercher des terrains de parachutages et d’atterrissages.
« Il s’acquitte de ses charges avec maestria, faisant stocker vivres, blé et vin sur le plateau, « convaincant » des industriels locaux de céder des centaines de paires de chaussures et s’assurant de l’accord du directeur de la Banque populaire de Romans, Bonnardel, pour le financement, divisant « sa » compagnie en quatre sections, chaque volontaire devant conserver prêt en permanence son matériel individuel (chaussures, chandail, couverture, gamelle, couvert, bidon) ; un plan de feu est établi pour le secteur que doit occuper la compagnie, ainsi que des pancartes indicatrices destinées à être « clouées aux arbres » » (Gilles Vergnon).
En octobre 1943, M. Méjean, inspecteur d’académie, l’avisa qu’on avait demandé sa révocation. Cottavoz de Romans, Carmet de Saint-Michel-sur-Savasse et Trapier de Saint-Martin-en-Vercors, relâchés par la Gestapo de Lyon, lui rapportèrent qu’on les avait interrogés à son sujet. À la même période, il avait été avisé par le préfet de la Drôme, par l’intermédiaire du docteur Eynard, maire de Bourg-de-Péage, et de M. Lassarat, adjoint, qu’il devait cesser son activité dans le canton de Saint-Donat-sur-l’Herbasse, ayant été dénoncé. Par la suite, il le fit avertir à deux autres reprises, des dangers qui le menaçaient.
En 1944, il est nommé chef du Deuxième Bureau du Vercors. Il crée alors différents services :
1) Renseignements militaires.
2) Renseignements civils.
3) Tribunal et commission d’enquête.
4) Camp de concentration et de prisonniers de guerre.
5) Service des autorisations de circuler ou de quitter le « Plateau ».
6) Prévôté et gendarmerie.
7) Compagnie de discipline.
8) Place de La Chapelle (garnison, DCA, etc.)
Pour remplir ces missions, André Vincent-Beaume a dû cesser toute activité professionnelle au collège technique de Romans de juin 1943 à la Libération. Pour des raisons de sécurité, il a dû quitter son domicile à trois reprises. Les 16 et 17 avril 1944, la Milice est venue pour l’arrêter afin de l’interroger et a perquisitionné chez lui. Avisé par la gendarmerie, il était absent. Le 9 juillet 1944, la Milice a tenté d’arrêter Mme Vincent-Beaume et son fils Pierre. Renseignés par le commissariat de police de Romans, ils purent partir juste à temps. Le 4 août 1944, un détachement de l’armée allemande, venu à Saint-Nazaire-en-Royans, a pillé son logement et brisé ses meubles.
Après la guerre, il est désigné comme correspondant pour la Drôme du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale et a, à ce titre, rassemblé des centaines de documents, photos, témoignages qu’il a dactylographiés, a établi des chronologies précises et dressé des cartes.
Il a été promu dans l’ordre de la Légion d’honneur.

Auteurs : Jean Sauvageon. Patrick Martin.
Sources :
ADD Valence, fonds Vincent-Beaume, état des services d’André Vincent-Beaume. Thèse de Patrick Martin.
Gilles Vergnon,
Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis. Les éditions de l’atelier. 

Robert Bennes

Robert Bennes est né à Castres (Tarn), le 18 avril 1921.
Après un baccalauréat de philosophie et mathématiques, il devient ingénieur de l’école Centrale des Arts et Manufactures (promotion 43B). 
En septembre 1939, il est à Mourmelon, au 3e régiment de dragons.

Il s’occupe à Paris de la récupération d’aviateurs alliés. En mai 1943, il quitte la France pour l’Afrique du Nord. Après avoir été interné à la prison de Pampelune et au camp de Baños de Balascoin, il arrive à Gibraltar le 7 juillet 1943. Il s’engage dans les forces françaises. Successivement sous-lieutenant au 12e chasseurs d’Afrique, puis au 1er REC, il rejoint le BCRA. Il suit la formation de parachutiste et d’agent du service « Action » (commando) au 1er bataillon de choc à Staoueli et au SOE britannique à Sidi-Ferruch (Algérie).
Il est parachuté le 15 mars 1944 à la Croix-Régis, entre Givors (Rhône) et Vienne (Isère). Avec le grade de capitaine, il est responsable, pour la R1, du guidage radio des parachutages provenant d’Alger. Envoyé au Vercors le 8 juin, il assure les liaisons radio et le guidage des opérations aériennes. Il mène ainsi à bien la réception de 1 640 containers et 24 hommes. Lors de l’attaque allemande, il participe aux combats autour de Vassieux, et parvient à franchir les lignes allemandes avec 72 rescapés, vers le Trièves.
De fin juillet à fin octobre 1944, il commande la 2e compagnie du 6e BCA, avec laquelle il combat en Oisans, dans la vallée du Rhône et sur la frontière italienne. Affecté en novembre au service action de la DGER, il est envoyé en Bavière et en Autriche, où, le 16 avril 1945, il participe à une mission de commando infiltrée en vue de créer des liaisons avec les maquis anti-allemands et préparer d’éventuels parachutages de troupes alliées. Il est démobilisé le 4 octobre 1945 comme grand invalide de guerre.

Carrière après-guerre :
De décembre 1945 à juillet 1953, il est ingénieur de fond, chef de fosse aux Houillères du bassin d’Aquitaine, puis jusqu’en 1966 ingénieur en chef, puis directeur général et administrateur de sociétés de distribution des Eaux dans le sud.
Robert Bennes s’est éteint au début du mois de septembre 2014, deux mois après la parution de son recueil Mémoire de guerre, Le Vercors, 1943-1945 aux éditions Anovi.

Distinctions : Commandeur de la Légion d’honneur ; Croix de guerre (quatre citations).

Pour en savoir plus : Témoignage de Robert Bennes, dit « Capitaine Bob », sur la dispersion, août 2012 ; Chronologie : des dates, des hommes et des structures des services secrets (G. Giraud) ; Les organismes extérieurs au Vercors – les services alliés (G. Giraud) ; Les services secrets et les liaisons radio dans le Vercors (G. Giraud) ; Les liaisons extérieures et intérieures (P. Huet et J-W. Dereymez); Sélection de messages (G. Giraud et P. Huet

Auteur : Philippe Huet
Sources :
Actes du colloque Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Avon-les-Roches, Anovi, 2010.
d’après la biographie de Robert Bennes sur le site Internet Français Libres.
Service Historique de la Défense (SHD site de Vincennes), dossier 16P 47642.

Eugène Samuel

Eugène Samuel est né le 14 août 1907 à Dej, en Roumanie. Il est naturalisé français par décret du 14 août 1930. Médecin de formation, il est nommé sous-lieutenant du service de santé le 1er mai 1940. Il est cité pour son attitude au combat de Rethel le 13 mai 1940. Il s’installe à Villard-de-Lans, où il exerce sa profession de médecin et où son épouse tient une pharmacie.

Dès 1941, il rejoint le premier comité de combat du Vercors, où il est responsable, avec la famille Huillier, de la mise en place des camps et de leur soutien, notamment le camp d’Ambel.
Au moment de la mobilisation du 6 juin 1944, il se consacre à la création des groupes francs et à l’organisation des compagnies civiles clandestines. Il est adjoint au chef civil du Vercors, Eugène Chavant. Il prend le commandement, comme capitaine FFI, de la 1re compagnie du 14e BCA, avec laquelle il participe à tous les combats ; il contribue à la libération de Romans et de Royans. 
Il s’engagea après la libération de la région comme médecin au 5e escadron du 11e régiment de cuirassiers, jusqu’à la fin de la guerre, combattant dans les campagnes des Vosges et d’Alsace. Il prendra la direction du service de santé du 11e cuirassiers, avant d’être démobilisé, en juin 1945.

Il est décédé en septembre 1989.

Distinctions : Officier de la légion d’Honneur ; Croix de guerre 1939-45 (trois citations).

Pour en savoir plus : Les origines du Vercors résistant (J-W. Dereymez); Genèse de la Résistance, les phases de l’évolution de la gouvernance (G. Giraud)

Auteur : Jean-William Dereymez
Sources :
Archives départementales de l’Isère, AD38, 89J8, « Fondation des premiers maquis français ».
Daniel Huillier,
Vercors : la Résistance. Souvenir d’un adolescent, sl (Grenoble), 2001, 11 + 5 p.
Léon Martin,
La Résistance – le Vercors, 10 p.  dactylo, 10 p. ronéotypées, 22 juillet 1962
Aimé Pupin,
Récits de Mathieu, 45 p. dactylo, 1964
Aimé Pupin,
Genèse des maquis du Vercors, 36 p. dactylo, 1966
Lieutenant Stephen (André Valot),
Vercors, premier maquis de France, Grenoble, ANPCVV, 1991, 178 p.
Actes du colloque Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Anovi, 2010.

Yves Morineaux

Yves Morineaux est né le 14 août 1916 à Peillac (Morbihan). Engagé au 27e BCA le 11 octobre 1936, il est sergent et chef de section en juin 1940.
Il est blessé le 6 juin aux combats de l’Ailette et cité à l’ordre de l’armée.
Il rejoint les maquis de Savoie le 5 mai 1943 (27e BCA). Passé par l’Espagne pour rejoindre l’armée d’Afrique, il est emprisonné à Jaca et Saragosse du 25 juillet au 24 novembre 1943.
Parvenu en Afrique du Nord, il est affecté au 2e RTM, puis à sa demande, le 16 mars 1944, au BCRA.

Il est parachuté au Vercors sur le terrain de Vassieux dans la nuit du 6 au 7 juillet 1944 dans le cadre de la mission SAP-R1, aux ordres du capitaine d’aviation Tournissa (Paquebot) qui tombera au Vercors. Il est affecté au 6e BCA (3e et 2e compagnies) comme instructeur en guérilla. Adjoint au commandant de la 3e compagnie et chef de la 1re section à partir du 15 juillet 1944. Il participe aux combats, notamment les 22, 23 juillet et 8 août (La Croix-Perrin, Valchevrière, La Balme), dans les zones du Vercors-nord où il nomadise après l’ordre de dispersion (Méaudre, Autrans, Les Jarrands, Rencurel, forêt de Pétouse, Les Coulmes).
Adjoint à la 2e compagnie (capitaine Bennes, dit Bob), il participe à partir du 25 août aux combats entre Grenoble et Lyon (Saint-Symphorien-d’Ozon). Il est blessé aux combats de Diemoz près de Lyon (carrefour de Lafayette), puis combat sur la frontière italienne.
Il rejoint ensuite l’école des cadres FFI à Tulle (septembre 1944) puis la DGER (deux missions en Allemagne sur les arrières ennemies).

Carrière après-guerre :
Il poursuit sa carrière en Indochine puis en Algérie. Il quitte l’armée comme chef de bataillon honoraire et devient chargé de mission auprès du préfet de la région Champagne-Ardennes, puis directeur du Parc naturel régional de la Forêt d’Orient (Aube). Il prend sa retraite en 1977.

Yves Morineaux est décédé en 2009

Distinctions : Commandeur de la Légion d’honneur ; Croix de guerre 1939-1945 (trois citations) et des TOE ; Croix de la valeur militaire ; Médaille de la Résistance ; Despatch for Distinguished Service (War Office britannique).

En savoir plus :Chronologie : des dates, des hommes et des structures des services secrets (G. Giraud); Les organismes extérieurs au Vercors – les services alliés (G. Giraud); Les services secrets et les liaisons radio dans le Vercors (G. Giraud); Les liaisons extérieures et intérieures (P. Huet et J-W. Dereymez); Sélection de messages (G. Giraud et P. Huet)

Auteur : Philippe Huet
Sources :
Actes du colloque Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Avon-les-Roches, Anovi, 2010.
Salle des inventaires virtuelle des Archives nationales
Dossier individuel du Service Historique de la Défense (SHD) 16P 431675.
Archives ANPCVV -Grenoble.

Roland Bechmann

Roland Bechmann est né à Paris le 1er avril 1919.
Son père, architecte, a combattu dans l’artillerie, pendant toute la guerre de 1914-18 ; son grand-père, Georges Bechmann, à peine sorti de l’école Polytechnique, à 22 ans, a participé à la défense de Paris assiégé en 1871 ; ingénieur en chef de la ville de Paris, il fut chargé en 1914, avec le grade de lieutenant-colonel, de l’organisation du « camp retranché » de Paris.

Carrière militaire :
En 1938-39, il suit des cours de préparation militaire et des cours de pilotage. Refusé dans l’aviation, il est mobilisé dans l’infanterie en novembre 1939 et envoyé au centre de formation d’aspirants d’infanterie d’Auvours (Sarthe).
Le 18 juin 1940, il tente vainement de faire décoller vers l’Angleterre un avion de guerre abandonné sur le terrain d’aviation local.
Après l’armistice, il est volontaire, en août, avec d’autres élèves-aspirants, pour encadrer les jeunes mobilisés envoyés dans les Chantiers de la jeunesse.
Dégradé dès octobre 1940 du fait de ses origines juives, il est démobilisé le 4 janvier 1942, après un an dans un Chantier de la jeunesse du Vercors.

En relation, depuis fin 1940, avec Jean Prévost et Pierre Dalloz, il participe à des actions mineures de Résistance.
À partir de février 1944, après avoir transmis à un réseau de résistants, à Paris, des documents dissimulés dans les plans de son projet de diplôme d’architecte, Roland Bechmann se consacre à temps plein aux fonctions qui lui sont assignées dans la Résistance, en liaison avec le comité de combat du Vercors. Il participe à plusieurs de ses réunions. Il est notamment chargé du minage préalable des accès du Vercors en prévision du futur bouclage.
Lieutenant FFI, il assure aussi l’instruction à l’emploi des armes reçues, en particulier les lance-roquettes bazookas, les bombes Gammon (ce qui lui vaut le pseudonyme de Gammon-Lescot), ainsi que les dispositifs de mise à feu des explosifs.
Après le bouclage du Vercors, le 13 juin, il reçoit le commandement de la section d’Engins chargée d’interdire l’accès routier du plateau, devant Saint-Nizier, à la charnière entre les deux compagnies Goderville et Brisac, qui tiennent la position. Après des combats toute la matinée, l’ennemi est parvenu à quelques dizaines de mètres ; à court de munition, le petit groupe reçoit in extremis le renfort de la section de l’adjudant-chef Chabal. Sous la protection du feu de leurs camarades, dont trois sont tués, les deux chefs et un volontaire lancent à très faible distance des bombes Gammon sur l’ennemi, qui finit par se replier.
Atteint d’une septicémie à la suite de ses blessures, Lescot est évacué. Après l’ordre de dispersion du Vercors, il reprend le maquis alors qu’il commence à se rétablir. Il prend le commandement de maquisards égarés, les guide par la montagne, les réarme et leur fait traverser les lignes allemandes.
Il se maintient dans le Royans jusqu’au débarquement du 15 août, puis rejoint, dans Grenoble libérée, le commandant du Vercors, pour se mettre à sa disposition. Il est nommé à l’école militaire d’Uriage, comme instructeur des hommes issus de la Résistance, qui s’engagent dans l’armée régulière. Il est démobilisé en juillet 1945.

Carrière après-guerre :

Après avoir étudié, en 1937-1939, l’architecture à l’école des Beaux Arts de Paris et obtenu en même temps sa licence d’histoire à la Sorbonne, il passera en 1978 son doctorat de géographie.
De 1946 à 1986, il construit en France des pavillons, des immeubles, des ensembles importants de logement sociaux, une maison de retraite, un grand lycée agricole près d’Avignon, qui sera inscrit à l’inventaire des monuments historiques, et diverses autres réalisations.
Parallèlement, il fonde en 1964 une association et une revue qui se préoccupent dès cette époque des problèmes d’environnement, de protection et d’aménagement équilibré du cadre de vie, de développement raisonnable. La revue paraîtra jusqu’en 2002.
Ses différents centres d’intérêt l’amènent à publier une série d’ouvrages sur la construction, et à étudier l’influence des facteurs de l’environnement dans différents cadres et à diverses époques.

Distinctions : Officier de la Légion d’honneur ; Croix de guerre 1939-1945 (deux palmes).

Auteur : Philippe Huet
in Actes du colloque Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Anovi, 2010.
Source :
Archives famille Bechmann. Archives ANPCVMV-FA – Grenoble.

Roland Costa de Beauregard

Roland, Oscar, Marie, Christian Costa de Saint-Génix de Beauregard est né le 5 août 1913 à Saint-Bonnot (Nièvre).

Il entre à Saint-Cyr, promotion « Roi Albert 1er de Belgique », 1934-1936. Il en sort comme sous-lieutenant au 6e BCA de Grenoble. Le 28 mai 1938, il rejoint le 73e BAF où il est lieutenant. Le 25 août 1939, il prend le commandement de la SES du 83e BAF.
Du 22 au 24 juin 1940, il repousse les attaques italiennes au col de Mallemort, en Haute-Ubaye, rompant même l’encerclement de la batterie de Viraysse, ce qui lui vaut une citation à l’ordre de l’armée et la Légion d’honneur.
Après l’armistice, il est affecté au 3e bataillon du 15/9 à Gap. En novembre 1942, il est démobilisé et se retire à Grenoble. Il est nommé capitaine le 25 septembre 1943.
Dès 1943, il est l’un des premiers officiers à rejoindre le comité de combat du Vercors. Il est homologué FFI en date du 15 février 1943.

Le 2 mars 1944, il est désigné commandant de la zone du Nord-Vercors. À la reconstitution du 6e BCA, le 15 juillet 1944, il en est nommé chef de corps. Il le conduit au feu, contre la 157e division allemande notamment. Son intelligence du combat, son autorité, lui valent une citation à l’ordre de l’armée : « S’est distingué le 21 juillet 1944 dans les combats de la Croix-Perrin, Méaudre, Autrans. Attaqué par un ennemi supérieur en nombre et débordé par lui, a réussi à reprendre momentanément des positions perdues. Submergé le lendemain par le flot allemand, a repris le maquis, a su garder intact le moral de ses hommes et conserver sur eux l’ascendant nécessaire pour reprendre la guérilla en dépit des conditions d’existence extrêmement dures. Dès lors, et jusqu’au 10 août, a sans cesse harcelé l’ennemi en lui infligeant de lourdes pertes ; a rendu toute la région de Méaudre, Autrans et les gorges de la Bourne inhabitable pour l’ennemi. A su, encore, se montrer l’âme de la Résistance et un modèle de ténacité ».
Désigné le 10 août pour rejoindre le groupement Chabert, il s’installe à Beaurepaire le 26 août et participe à la libération de Vienne.
À la Libération, il commande le bataillon Vercors, qui devient le 6e BCA, et avec lequel il participe aux combats pour le mont Froid au printemps 1945.

Carrière après-guerre :
Après une période d’occupation en Autriche, il se porte volontaire pour l’Extrême-Orient, où il sert de 1949 à 1952, puis de 1952 à 1954. Sa conduite au combat lui vaut cinq nouvelles citations, dont une à l’ordre de l’armée. Après un bref séjour en Algérie, il prend en 1962 le commandement du 2e groupe de chasseurs portés.
Général de brigade en 1965, il commande l’année suivante l’école militaire d’infanterie à Montpellier.
En 1971, il est inspecteur du personnel des réserves de l’armée de Terre, et nommé général de corps d’armée en 1972.
Il décède le 11 novembre 2002.

Distinctions : Grand officier de la Légion d’honneur ; Croix de guerre 1939-45 et des TOE  ; Croix de la valeur militaire.

Pour en savoir plus : Premières notions militaires du service en campagne (A. Raffin)

Auteur : Lieutenant-colonel Jean-Pierre Martin
in Actes du colloque Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Anovi, 2010.

Roger Guigou

Roger Guigou est né le 19 septembre 1909 à Lyon.
En 1932, il suit la préparation militaire supérieure, et devient élève-officier de réserve à Saumur.
En 1935, il est lieutenant de réserve. Admis en 1937 à l’école des sous-officiers d’active de Saumur, il est promu en 1938 sous-lieutenant d’active. Il fait la Campagne de France au 27e GRDI (Groupe de reconnaissance de division d’infanterie). Il est promu lieutenant en 1940. Il est cité trois fois. D’octobre 1940 à novembre 1942, il est en Algérie au 3e spahis.
Bloqué à son retour en France, il ne peut rejoindre l’Afrique du Nord. Il est au 11e cuirassiers en novembre 1942. Il rejoint le Vercors début 1944. Descour le charge d’organiser un centre de formation à la guérilla à Combovin et le prend comme adjoint direct.

Il est tué, les armes à la main, à Saint-Julien-en-Vercors, le 18 mars 1944, lors de l’attaque du QG par les troupes allemandes.

Distinctions : Chevalier de la Légion d’honneur (à titre posthume) ; Croix de guerre 1939-1945 (quatre citations).

Voir aussi : Les raids et les coups de boutoir contre la Résistance en Vercors (G. Giraud)

Auteur : Général Jean Delmas
in Actes du colloque Les Militaires dans la Résistance, Ain-Dauphiné-Savoie, 1940-1944, Avon-les-Roches, Anovi, 2010.
Sources :
ESS-SHD ;
Philippe Guigou,
Oncle Roger, biographie familiale, 3e édition, Imprimerie Veluire Lyon, avril 2006, 140 pages.

Robert Armand

Né le 7 mars 1910 à Lyon, Robert Armand fait ses études à Grenoble puis à l’Ecole Spéciale des Travaux publics de Paris. Il travaille ensuite pour une papeterie. Il épouse en 1933 Suzanne Perrin, d’une ancienne famille grenobloise, qui décèdera en 1943.

Au 8 juin 1940, il est affecté au Bataillon de Sapeurs routiers n° 356. 
Il rejoint le Vercors résistant en septembre 1943, où il est affecté à la section du génie, qui s’efforce de reprendre les traditions du 4e Régiment du génie de Grenoble. En son sein, il forme les hommes et engage les travaux de minage des accès et points sensibles du Vercors.

Il est à Saint-Nizier en juin 1944, puis à Vassieux le 21 juillet 1944 lors de l’arrivée des Allemands. 
Paul Dreyfus note que le lendemain du parachutage massif du 14 juillet à Vassieux, il « joue » avec ses hommes à manier le plastic et à le faire exploser. En tentant de sortir du Vercors, lors de la dispersion du maquis, il est fait prisonnier par les Allemands dans la région de Château-Bernard ou Saint-Andéol.

Interrogé à Vif, Robert Armand est fusillé avec une quinzaine de maquisards, le 24 juillet 1944, au lieu-dit « Revolleyre », sur la commune du Gua.

Le jeune frère de Robert, Georges Armand, a été tué le 13 août 1944 au maquis de l’Oisans, lors du combat contre la Wehrmacht au lieu-dit « Le Poursollet ».

Auteur : Philippe Huet
Sources : 
Dossier individuel du Service historique de la Défense (SHD-Vincennes) GR 16 P 17132.
Dossier individuel au fichier des maquisards – Grenoble, Archives ANPCVV.
Documents et archives de Mme Claude Raymond, fille de Robert Armand.
Paul Dreyfus, 
Vercors Citadelle de Liberté, Romagnat, éditions De Borée, 2007, 416 p

Contexte

Deux points seront évoqués ici :
– le rôle et l’équipement des équipes de minage au maquis du Vercors ;
– la trace mémorielle du Lieutenant Robert Armand et de sa famille.

Sur le premier point : on sait peu de choses, si ce n’est que des tonnes d’explosif avaient été récupérées par le CDM (Camouflage du Matériel) et stockées pour une part en Vercors (dans un carrière près de La-Croix-Perrin – l’occupant en a récupéré une partie sur dénonciation). Par ailleurs, les containers parachutés, de type C et H contenaient du plastic (C) et du matériel de sabotage (H).

Pour les plans de minage, ils ont été établis par Alain Le Ray lors de l’élaboration du Plan Montagnards. La nouvelle équipe (Roland Bechmann-Robert Armand) aurait mis en œuvre en juin 1944 une partie de ces dispositions.

Par ailleurs, la société de minoterie de la famille Armand transportera des armes, de la nourriture et du courrier pour les maquis.

Sur le deuxième point, il faut d’abord saluer la mémoire de Georges Armand, jeune frère de Robert, tué le 13 août 1944 au maquis de l’Oisans, lors du combat contre la Wehrmacht au lieu-dit « Le Poursollet ».

Robert Armand fut d’abord inhumé à la nécropole de Saint-Nizier-du-Moucherotte, puis au cimetière Saint-Roch de Grenoble, dans le caveau familial. Cependant, son cénotaphe demeure à la nécropole, cette pratique n’étant pas isolée.

Une rue de Seyssins (Isère) porte le nom des frères Armand.

La fidélité de leur famille à leur souvenir est exemplaire.

Pour en savoir plus : Une idée de dimension stratégique : le Projet Montagnards (G. Giraud) ; Les événements après le 9 juin 1944 (G. Giraud) ; Les parachutages (G. Giraud)

Auteur : Philippe Huet
Sources :
Dossier individuel du Service historique de la Défense (SHD-Vincennes) GR 16 P 17132.
Dossier individuel au fichier des maquisards – Grenoble, Archives ANPCVV.
Documents et archives Famille de Mme Claude Raymond, fille de Robert Armand.
Paul Dreyfus, 
Vercors Citadelle de Liberté, Romagnat, éditions De Borée, 2007, 416 p

René Weyland

René Weyland est né le 16 décembre 1921 à Esch-sur-Alzette (Grand-Duché du Luxembourg).    
(Etat civil : marié, deux enfants).

René Weyland, jeune Luxembourgeois, travaille au théâtre d’Esch-sur-Alzette comme électricien. Il assiste à l’annexion du Luxembourg par les troupes allemandes, en violation du traité de Londres, puis c’est la déclaration de l’enrôlement forcé dans la Wehrmacht.
Il est rapidement recherché pour activités antiallemandes, comme 531 autres jeunes Luxembourgeois (à cette époque, le Luxembourg compte environ 290 000 habitants). Il quitte le Luxembourg pour rejoindre les mouvements de Résistance de l’Europe occupée.

René Weyland, issu d’une famille francophone, choisit la France (au Luxembourg, l’allemand, le luxembourgeois et le français sont couramment parlés). Il espère rejoindre la frontière espagnole, mais n’y parvenant pas, il apprend qu’un grand maquis est en formation dans le Vercors. Il rejoint le Vercors le 12 mai 1943 et prend le pseudo de Général ou Weygand, en raison de l’analogie phonétique de son nom avec celui du général Weygand.

Il est incorporé au C3 à Gros-Martel, sous les ordres du chef Roméo Secchi, Robert. Le C3 se déplace au lieudit « Les Carteaux », devenu camp d’été du C3, puis à Gève, fin septembre 1943 pour l’hiver. Bricoleur dans l’âme, Weygand rend de multiples services à la communauté maquisarde de son camp : il confectionne des étuis de révolvers avec de vieilles guêtres de cuir et dessine des scènes de la vie quotidienne au camp.

À l’approche de Noël 1943, grâce à l’aide de Paul Collavet, résistant autranais et agent de « Force et Lumière Electriques », une ligne électrique clandestine fut « tirée » sur plus de trois kilomètres entre le C3 et le réseau. Le matériel, câbles et isolateurs, fut fourni par Paul Collavet. Le C3 participa activement à l’installation du câble dans des conditions souvent extrêmes, dues au terrain et aux premières neiges. Weygand, aidé de Ploc, assure la direction des travaux sous le contrôle de l’agent de « Force et Lumière ». Weygand réalisa, toujours avec l’aide de Ploc, l’installation électrique à l’intérieur du bâtiment, « Quand jaillit la lumière dans la maison de Gève, ce fut une véritable ovation qui salua le couronnement de l’ouvrage collectif… Grâce au courant, la magie de la radio fit son entrée dans l’univers confiné du camp, qui fut raccordé au tumulte du monde », rapporte Marc Serratrice dans son livre Avoir 20 ans au maquis du Vercors.

Après l’alerte générale sur le Vercors, déclenchée à la fin du mois de mars 1944, par mesure de sécurité, la plus grande partie des camps quittèrent le Vercors. Le C3 s’installa alors dans la vallée de l’Isère, à l’ouest du Vercors, près du village de La Forteresse. Le 1er mai, à l’aube, le camp de fortune (une ferme abandonnée) est attaqué par une importante colonne de la Milice venue de Voiron. Dès que les miliciens franchirent la butte dominant la baraque, ils ouvrirent le feu alors que la plupart des maquisards étaient en terrain découvert, et que d’autres étaient encore dans la ferme. Weygand, titulaire du fusil-mitrailleur, se replia, se retourna et ouvrit le feu sur les assaillants. Surpris par la riposte, les Miliciens cessèrent le feu un temps suffisant pour permettre aux plus exposés de ses camarades de se mettre à l’abri ; personne ne resta sur le terrain.
Son attitude courageuse lui vaudra cette citation du colonel Descour à l’ordre du bataillon : « Au cours d’une attaque de l’ennemi contre son groupe, le 1er mai 1944, a couvert avec son fusil mitrailleur le repli de ses camarades sous le feu de l’ennemi. La présente citation comporte l’attribution de la Croix de guerre avec étoile de bronze ».

Nommé sergent, Weygand participe avec le C3 incorporé au 6e Bataillon de Chasseurs Alpins (6e BCA), nouvellement reconstitué, au combat de Saint-Nizier-du-Moucherotte, où il est chargé de la garde des falaises du secteur nord, à l’embuscade au col de la Croix-Perrin le 21 juillet, à la Libération de Lyon et de Cervières sur la frontière italienne. Weygand semblait avoir supprimé de son vocabulaire le mot « allemand » qu’il nommait plus volontiers les « Teutons » et leur occupation « invasion teutonne ».

Rendu à la vie civile, René Weyland retrouve son poste au théâtre de Esch-sur-Alzette et adhère à l’Association des Combattants Volontaires Luxembourgeois de la Résistance Française et à l’Association Nationale des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors (ANPCVV). Il devient chef des services techniques du théâtre. Le dessin, passion révélée dans le maquis, devient son violon d’Ingres. Il peint des tableaux inspirés de son expérience dans le maquis du Vercors, puis s’essaye à la sculpture. Son grand projet était la réalisation d’une sculpture monumentale en bronze, haute de 1,90 mètre, qu’il nommera « Les Maquisards ». L’inauguration du monument se déroula à Esch-sur-Alzette, un samedi de juin 1999, place de la Résistance (ancienne place de Brill), en présence de S.A.R. le Grand-Duc Jean. L’emplacement avait été choisi par René Weyland lui-même, face au Musée de la Résistance. Le monument représente deux maquisards face à l’ennemi, l’un touché à mort, l’autre debout, une grenade à la main. Une plaque de bronze est apposée sur son socle avec un texte gravé : « Honneur aux maquisards luxembourgeois refusant la servitude. Ils ont combattu aux côtés des Alliés pour rendre à notre patrie sa liberté, sa dignité et son indépendance entre 1940-1945 ». Dans un courrier privé à l’un de ses anciens camarades du Vercors, il écrira que son monument « les Maquisards » n’était pas seulement dédié aux quelques maquisards luxembourgeois, mais à eux tous… ».

René Weyland décède le 20 avril 2002 à Esch-sur-Alzette (Luxembourg).
Il ne verra pas son monument retiré suite au « réaménagement de la place de la Résistance et à la création d’un parking souterrain », dans les années 2012-2013.

Décorations : Croix de guerre avec étoile de bronze ; Médaille de la France Libérée*, remise à l’Ambassade de France à Luxembourg.

*La médaille de la France Libérée prit son nom définitif par le décret du 16 juin 1948. Elle fut créée pour récompenser les citoyens français ou étrangers ayant apporté une contribution notable à la Libération de la France.

Auteur : Alain Raffin
Sources :
Dossier individuel et archives de l’ANPCVV.
Archives Marc Serratrice.