Le Vercors résistant

Trame historique introductive

Le maquis du Vercors (fin 1942 – mai 1944)

Lors de la Campagne de France (mai-juin 1940), le massif du Vercors resta en retrait des combats, même de la bataille des Alpes qui se déroula à ses pieds (Cluse de Voreppe). Les habitants tentèrent de s’acclimater aux changements impulsés par l’Etat Français, mais, déjà, quelques actes isolés de désobéissance se manifestèrent dès 1940. Les réticences furent particulièrement vives parmi les socialistes du massif, qui organisèrent des réunions pour, dans un premier temps, reconstituer clandestinement leur parti. Par ailleurs, nombre de personnes extérieures trouvèrent refuge dans le Vercors : élèves de plusieurs lycées privés parisiens, jeunes Polonais, israélites, ou enfants du Var dans le canton de La Chapelle-en-Vercors à partir de 1942.

Après l’instauration de la Relève en 1942, la création du Service du travail obligatoire (STO) en février 1943 imposa à de nombreux jeunes Français de partir travailler en Allemagne. Cela concourut de manière décisive à la création du maquis du Vercors. Fin 1942-début 1943, un groupe de socialistes du Vercors, Eugène Samuel, Victor Huillier, André Glaudas, etc. en relation avec des militants grenoblois, emmenés par le docteur Léon Martin et Aimé Pupin, rassemblés sous la bannière du mouvement Franc-Tireur, organisa, en s’appuyant sur des relais locaux, des camps de refuge pour les réfractaires : le premier camp s’installa à la ferme d’Ambel en décembre 1942-janvier 1943. Plusieurs  autres virent le jour dans les mois suivants.

Parallèlement, Pierre Dalloz, architecte et alpiniste, imagina une utilisation stratégique du Vercors conçu comme une citadelle naturelle protégée par des remparts formés par les falaises. L’objectif consistait à aménager des terrains d’atterrissage pour recevoir, lors d’un débarquement dans le Sud de la France, des troupes alliées aéroportées, puis de rayonner sur les arrières des Allemands. Jean Moulin et l’état-major de la France combattante validèrent ce projet en février 1943 ; il prit le nom de « Projet Montagnards ». Pierre Dalloz rassembla alors une petite équipe  comprenant notamment des militaires pour la mise en œuvre du projet.

Ces deux initiatives fusionnèrent et un comité de combat se mit en place, rassemblant membres de Franc-Tireur et initiateurs du projet Montagnards. L’objectif était de transformer le projet de Dalloz en plan militaire et d’encadrer les camps de maquisards afin de transformer les réfractaires en combattants. Après les arrestations du printemps 1943 qui dispersèrent les premiers dirigeants (Martin, Pupin, Huillier), les responsabilités furent partagées avec la désignation d’un chef civil (Eugène Chavant) et d’un responsable militaire avec successivement Alain Le Ray, en 1943, Narcisse Geyer début 1944, enfin, François Huet à partir de mai 1944. 

Les populations locales apportèrent assez largement leur soutien aux maquisards, appui indispensable pour la survie des camps ; la brigade de gendarmerie de La Chapelle eut la même attitude : après la Libération, la brigade reçut collectivement la Médaille de la Résistance.

Pour les quelque 300 hommes qui rejoignirent le maquis au cours de l’année 1943, les corvées domestiques, les rondes, l’instruction militaire et de longs moments d’attente rythmèrent la vie dans les camps.

Les parachutages alliés, d’armes et de munitions, furent essentiels à l’existence du maquis. Le Vercors disposait de sept terrains homologués, le plus important étant le terrain « Taille-crayon » à Vassieux. Le premier parachutage se déroula le 13 novembre 1943. Pour communiquer avec les Alliés et la France combattante, les maquis durent disposer d’équipes radio, progressivement mises en place à partir de février 1943 dans le Vercors, mais les liaisons demeurèrent fragiles.

Le maquis subit plusieurs incursions de l’occupant et de la milice au cours du premier semestre 1944. Elles se soldèrent par la mort de maquisards et de civils : en janvier, au hameau des Barraques puis à Malleval ; en mars, à Saint-Julien-en-Vercors ; en avril, à Vassieux, avec l’arrivée en force de la Milice.

Le Vercors, zone libérée (6 juin – 21 juillet 1944)

La mission Eucalyptus du Special Operations Executive (SOE) – réunion d’état-major sur le terrain, 1944. Au centre, le chef de la mission, le major Desmond Longe (Refraction), et le colonel Zeller (Faisceau, Joseph), chef de la Résistance pour le Sud-Est de la France, tout à gauche. L’homme, le bras tendu, est le forestier Boissière.

L’annonce du débarquement du 6 juin 1944 suscita l’euphorie dans la région comme partout en France, la Libération semblant imminente. Dans le Vercors, dans la nuit du 8 au 9 juin, le chef d’état-major régional Marcel Descour, tout juste arrivé de Lyon, donne l’ordre au commandement militaire du Vercors, malgré les réticences de ce dernier, de procéder à  la mobilisation générale. L’ordre fut mis en œuvre. Les compagnies civiles ainsi que de nombreux jeunes, isolés ou en groupe, montèrent sur le plateau, le massif fut « verrouillé », ses voies d’accès contrôlées.

Entre le 9 juin et le 21 juillet 1944, le Vercors devient ainsi une zone libérée dotée d’un double commandement. Le gouvernement civil est présidé par Eugène Chavant, dont la principale préoccupation fut le ravitaillement (rationnement, approvisionnement). Quant au commandement militaire du Vercors, il resta entre les mains de François Huet, Marcel Descour, commandant militaire régional, installant son état-major régional dans le massif.

Le 3 juillet, à Saint-Martin, Yves Farge, commissaire de la République de la région R1 (actuelle région Rhône-Alpes), proclama la restauration de la République dans le Vercors. Le régime de Vichy ayant mis à terre la République, cette restauration témoignait d’une volonté d’instaurer un contre-État et de préparer l’avenir. Cette République restaurée se dota, dans le Vercors, des principaux services d’un État : services de contrôle des déplacements aux points de sortie du massif, de courrier ; organes répressifs avec un tribunal militaire et un camp de détention à La Chapelle, où furent emprisonnés soldats allemands, miliciens, collaborateurs et aussi beaucoup de simples suspects ; instruments de communication avec l’édition d’un journal, Vercors Libre puis Le Petit Vercors ; relations avec l’extérieur, notamment avec les Alliés, grâce au renforcement des équipes radio.

Rapidement, des centaines d’hommes affluèrent. Le 11 juillet, tous les jeunes hommes du Vercors âgés de 20 à 24 ans furent mobilisés (400 environ). A la mi-juillet, près de 4 000 hommes se trouvaient ainsi réunis dans le Vercors, la plus importante concentration de maquisards de la région. Dans ce contexte, le commandant Huet décida le 14 juillet de donner une structure militaire à la Résistance du maquis, affectant les maquisards dans d’anciennes unités de l’armée française reconstituées : 6e, 12e, 14e Bataillons de chasseurs alpins, 11e Régiment de cuirassiers… Les entraînements et exercices de maniement d’armes s’intensifièrent.

Les parachutages alliés d’armes, dont certains effectués en plein jour, notamment le 14 juillet 1944 à Vassieux, permirent de réceptionner plusieurs dizaines de tonnes d’armes. Les Alliés envoyèrent également plusieurs missions : la mission « Eucalyptus » avec une équipe radio ; la mission « Justine » pour entraîner les maquisards au maniement des armes ; la mission « Paquebot » pour préparer une piste d’atterrissage à Vassieux…

Les combats du Vercors (21 juillet – mi août 1944)

Les Allemands, inquiets de la forte concentration d’hommes dans le Vercors alors que se profilait la défaite du IIIe Reich, craignaient que ces résistants puissent, lors d’un débarquement allié en Provence, conduire des raids dans la vallée du Rhône pour gêner leur repli du Sud de la France. Afin de lever ces menaces, après quelques attaques ciblées (bataille de Saint-Nizier-du-Moucherotte, au Nord du massif, à la mi-juin), l’état-major allemand prépara une offensive généralisée contre la zone libérée du Vercors, confiée au général Karl Pflaum et baptisée « Bettina ». Avec plus de 10 000 hommes, ce fut l’une des plus importantes opérations de la Wehrmacht contre un maquis en Europe.

Dès la mi-juillet, des troupes allemandes se déployèrent sur les piémonts du Vercors, encerclant le massif. Conscients de l’imminence de l’attaque, les responsables multiplièrent les demandes de renforts et d’armes lourdes aux Alliés.

Les résistants de la périphérie du Vercors s’efforcèrent ici et là de ralentir la pression ennemie.

Le 21 juillet, la Wehrmacht déclencha l’offensive avec l’ouverture simultanée de quatre axes d’attaque : au Nord du massif, depuis Grenoble, les soldats allemands s’emparèrent du canton de Villard-de-Lans ; à la fin de la journée, ils sont arrêtés au hameau de Valchevrière. Des résistants tinrent ce secteur stratégique durant deux jours, mais, le 23 juillet, la position tombait, ouvrant le Sud du massif aux troupes allemandes.

Sur les flancs orientaux, depuis le Trièves, des troupes de montagne s’emparèrent des nombreux pas (cols) entre le 21 et le 23 juillet. Ils franchirent ainsi l’imposante barrière de falaises et progressèrent rapidement sur les hauts plateaux.

Un planeur et une ferme détruite à Vassieux-en-Vercors.

À Vassieux, la consigne fut de frapper vite et fort, sans épargner les civils, l’état-major allemand pensant en effet que le village abritait le commandement suprême de la Résistance. Le 21 juillet au matin, vingt-deux planeurs allemands atterrirent aux abords du village et des hameaux. À leur bord, quelque deux cents hommes. Une lutte acharnée s’engagea, compliquée par la pluie. Ce n’est que le 23 juillet, avec l’arrivée d’une seconde vague de planeurs que les Allemands devinrent maîtres de la situation et contraignirent les résistants à mettre un terme à la bataille de Vassieux.
Enfin, le groupement Zabel de la 9e Panzer venant de Die rejoignit Vassieux par les cols de Rousset et de Vassieux.

Au soir du 23 juillet, le sort du Vercors se trouva scellé. Les troupes allemandes avaient pris des avantages décisifs sur tous les fronts et progressaient partout dans le massif. En fin d’après-midi, François Huet, chef militaire du maquis, donna l’ordre de dispersion. Les hommes durent cesser le combat et « nomadiser » en rejoignant les forêts.

Les soldats allemands reçurent la consigne de ratisser le Vercors, pour traquer les résistants et détruire leurs repaires. Les exactions se multiplièrent : massacre de seize hommes dans une cour de ferme, à La Chapelle-en-Vercors, le 25 juillet ; anéantissement de l’hôpital du maquis retranché à la grotte de La Luire, le 28 juillet ; exécution de vingt jeunes hommes du Vercors à Grenoble, le 14 août, etc. De nombreuses fermes furent incendiées. Nombre de résistants parvinrent à se cacher et à survivre en forêt. Parmi ceux qui tentèrent de quitter le massif, quelque deux cents furent interceptés au pied du Vercors par le cordon de soldats qui ceinturait le massif puis exécutés (Saint-Nazaire-en-Royans, Beauvoir-en-Royans, Noyarey…).

Les troupes allemandes quittèrent le Vercors à la mi-août 1944, laissant le massif dans un état de désolation totale. Le bilan humain dans l’ensemble du Vercors était lourd ; plusieurs estimations ont été réalisées et le nombre de morts est généralement compris entre 500 et 800 environ, selon les fichiers, les dates, les périmètres géographiques et les conditions de décès retenus. Les dégâts matériels étaient considérables. À Vassieux, plus de deux cents personnes perdirent la vie (dont 73 civils) et 97 % des constructions étaient détruites. Cependant, plus de trois mille combattants survécurent et nombre d’entre eux reprirent la lutte, notamment au sein du 6e BCA et du 11e régiment de cuirassiers.

Bilan, fin de la guerre, reconstruction et mémoire

La Chapelle-en-Vercors. Projet de reconstruction autour de l’église médiévale restée intacte. Non daté, 1945 ?

Le 15 août 1944, les troupes alliées débarquèrent sur les rivages de la Méditerranée, en Provence. Aux côtés des résistants, dont beaucoup d’anciens maquisards du Vercors, elles firent rapidement reculer les troupes allemandes : Grenoble fut libérée le 21 août, la Drôme fin août et Lyon le 3 septembre. En mars 1945, les forces alliées franchissaient le Rhin. Les 7 et 8 mai, l’Allemagne nazie capitulait sans conditions.

Dans le Vercors, dès la fin des combats, les populations durent faire face à l’urgence : urgence sanitaire avec l’enterrement provisoire des victimes ; mise en place du « système D » pour pouvoir vivre dans des villages dévastés, comme à Vassieux. Un vaste élan de solidarité nationale et internationale se manifesta, alimenté par la forte notoriété que l’histoire du maquis du Vercors avait acquise.

Après-guerre, deux phénomènes marquèrent le Vercors : la reconstruction des villages dévastés, notamment Vassieux, La-Chapelle, Saint-Nizier, prise en main par l’Etat qui va imposer à cette société rurale de nouveaux principes d’architecture et d’urbanisme ; l’émergence d’une mémoire de cette histoire « glorieuse et tragique » qui prit corps autour de la création de l’Association des Pionniers du Vercors en novembre 1944, de la remise de la Croix de la Libération à Vassieux en août 1945, de la construction des nécropoles et stèles, des commémorations annuelles, des nombreuses publications d’ouvrages, d’articles, de témoignages, et, enfin, l’ouverture du musée de la Résistance en 1973 et du mémorial de la Résistance en 1994 à Vassieux.

À la Salle du Souvenir de la nécropole de Vassieux, les Pionniers ont fait graver ces mots d’un poète norvégien, résistant mort au combat :

« Nous ne voulons pas de vos regrets, nous voulons survivre dans votre foi et votre courage ».

Pierre-Louis Fillet
Directeur du Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors
Sources :
Photographie, Plateau de l’est sous le Grand Veymont, la Grande Cabane (archives ANPCVV – tous droits réservés).
–  Département AERI de la Fondation de la Résistance – mai 2017- Tous droits réservés.

De juin 1940 à juin 1944

Pierre Dalloz, l’un des auteurs du plan Montagnards.

Cette période, riche en événements, peut s’intituler « De la défaite à la montée en puissance de la Résistance et à la préparation de la revanche libératrice ».

Dès la signature de l’Armistice et la construction d’une petite armée, dite « armée d’armistice » (d’environ 100 000 hommes), des militaires de cette armée s’activent pour camoufler du matériel au nez et à la barbe des commissions d’armistice italienne et allemande.

Dans le même temps, à Grenoble et à Villard-de-Lans, des équipes civiles autonomes dans un premier temps, du fait de l’exigence de la clandestinité, s’interrogent sur les moyens à mettre en œuvre pour réveiller l’esprit d’une Résistance à Vichy puis à l’Allemagne.

Début 1943, Pierre Dalloz imagine une utilisation stratégique de la situation géographique du Vercors menaçant les voies de communications des Allemands et en corrélation avec un débarquement allié en Provence, il s’agit du Projet Montagnards.

À la même période, la milice est créée et les Allemands décrètent, avec la complicité de Vichy, le Service du Travail Obligatoire (STO) qui va projeter dans les zones-refuges du Vercors des réfractaires à un départ forcé en Allemagne. Ils constituent une des filières de recrutement des effectifs des camps qui essaiment sur l’ensemble du massif ; Ambel en est le premier exemple. Les comités de combat successifs du Plateau doivent alors transformer ces maquisards en combattants nourris, équipés, armés et instruits dans le domaine militaire élémentaire. Les parachutages des alliés en armes légères, et jamais en armes lourdes, les coups de main sur les magasins des Chantiers de la Jeunesse ne rapportent qu’un minimum d’équipement aux maquisards.

Les Italiens puis les Allemands, conscients du progrès de la Résistance, effectuent des coups de boutoir sur les villages ou zones suspectes. La milice en fait de même dans le Vercors-sud. Si les premiers effectuent seulement des arrestations, les Allemands et la milice sont les auteurs d’exactions et de massacres.

Auteurs : Guy Giraud et Julien Guillon

Les premiers résistants

Dès 1941 se forme le premier groupe de Résistance de Villard-de-Lans, autour d’Eugène et Simone Ravalec, de Théo Racouchot, d’Edouard Masson, de Victor Huillier, de Jean Glaudas, de Marcel Dumas, de Marius Charlier et de Clément Baudoingt.
En 1942, ces personnalités sont rejointes par d’autres, résidant à Lans, Autrans, Méaudre, Saint-Martin-en-Vercors et Pont-en-Royans. Parmi elles, trois femmes joueront un rôle déterminant : Yvonne Ravalec, Denise Glaudas et Thérèse Huillier.
Ce noyau originel ratifie son adhésion au mouvement Franc-Tireur.
Le 6 avril 1942, Eugène Samuel prend contact avec Léon Martin de Grenoble, établissant ainsi le premier lien entre le groupe de Grenoble (Eugène Chavant, Aimé Pupin notamment) et celui du Vercors. L’entreprise de cars Huillier facilite les liaisons.
Le 6 janvier 1943, Victor Huillier organise le camp d’Ambel dans la Drôme, camp 1 du massif, pour accueillir les réfractaires au Service du travail obligatoire (STO).
En 1943, la source primordiale de la Résistance s’associe à l’équipe de Pierre Dalloz, promoteur du Projet Montagnards. Ainsi naît le premier comité de combat du Vercors.

Auteur : Guy Giraud
Source :
Bulletin Le Pionnier du Vercors, n° 129, novembre 2014.

La naissance de la Résistance en Vercors

Les premiers résistants du Vercors sont originaires de Villard-de-Lans. Les noms des neuf premiers résistants sont inscrits sur la plaque apposée sur la façade de la pharmacie du Parc. Y figurent une femme et huit hommes.         

L’observation sociologique du groupe montre sa diversité en regard des professions exercées et du niveau social des intéressés : une pharmacienne, un médecin, un hôtelier, un banquier, un négociant, un transporteur, un électricien de Force et Lumière, un percepteur et un agriculteur.

Auteur : Guy Giraud
Source :

ANPCVV, bulletin Le Pionnier du Vercors, numéro 19, Grenoble, novembre 2014, page 29.

Le projet militaire

Le projet militaire, connu sous le nom de Projet Montagnards, a pris forme sur l’ensemble du Vercors à l’issue d’une lente évolution de la Résistance, de 1941 à 1944. Il convient de distinguer plusieurs temps.

La phase d’initiatives de résistance isolées et parallèles :

Les premiers groupes se réunissent spontanément sur le massif, notamment à Villard-de-Lans, à l’initiative des frères Huillier, d’Eugène Samuel et de Théodore Racouchot. À Méaudre, Georges Buisson « sait qu’il se trame quelque chose à Villard » et souhaite ainsi prendre contact. Dans le Royans, Benjamin Malossane, Jean et Louis Ferroul réunissent leurs proches pour évoquer les « événements » fustigeant le régime de Vichy et l’armistice. À la même période (mars 1941), Pierre Dalloz imagine en présence de Jean Prévost les possibilités d’utilisation du massif en ce temps de guerre.

La phase de la résistance organisée aux projets parallèles :

Dès le printemps 1942, à partir de Grenoble notamment grâce à Léon Martin et Aimé Pupin, le Mouvement Franc-Tireur va tisser sa toile en s’appuyant sur les groupes existants sur le massif. En décembre 1942, une « Note sur les possibilités militaires du Vercors » est rédigée par Pierre Dalloz. Elle comporte un « Programme d’action immédiate » et un « Programme d’action ultérieure ». Cette note, transmise fin janvier 1943, par l’intermédiaire d’Yves Farge, à Jean Moulin, qui donne son accord, devient le « Projet Montagnards ». Charles Delestraint, Vidal, chef de l’Armée Secrète (AS) à l’échelle nationale, valide ce projet et le porte à la connaissance de Londres. Le 25 février 1943, le message « Les Montagnards doivent continuer à gravir les cimes » indique qu’il est validé par la France libre.

La phase de fusion des projets :

À partir du mois de février 1943, en raison de l’afflux de réfractaires au STO, les fermes et les foyers accueillent ces derniers qui, trop nombreux, doivent être orientés vers d’autres lieux, donnant ainsi naissance aux premiers camps organisés par les civils du mouvement Franc-Tireur. Par ailleurs, au début de 1943 émerge l’idée stratégique de Pierre Dalloz consistant à faire du Vercors un espace d’accueil organisé de quelque 7 500 parachutistes alliés qui, guidés par les 400 à 450 combattants des camps, agiraient sur les communications allemandes en appui d’un débarquement en Provence. Alain Le Ray conçoit le plan militaire correspondant au projet. En mars 1943, une prospection du massif est menée par une première équipe constituée de Pierre Dalloz, Yves Farge, Remi Bayle de Jessé, Marcel Pourchier et Alain Le Ray, afin d’affiner le projet. Après des contacts étroits avec Aimé Pupin (Mathieu) du mouvement Franc-Tireur, d’abord pour des questions de ravitaillement des camps, les deux équipes fusionnent. Les camps de montagne isolés contribuent à apporter densité et concrétisation au projet de Pierre Dalloz.

Les premières épreuves :

Cette première équipe est rapidement démantelée par les arrestations effectuées par la police politique italienne, l’OVRA : Léon Martin le 24 avril 1943, Aimé Pupin le 27 mai 1943. Les liens avec la France libre se brisent également car en juin 1943, Charles Delestraint et Jean Moulin sont arrêtés. De son côté, Pierre Dalloz gagne Paris, puis Alger en novembre 1943, où il rédige une nouvelle note, plus complète sur le projet d’utilisation du Vercors, se nourrissant de l’apport des camps créés par le mouvement Franc-Tireur.

Du refuge aux combats :

Eugène Chavant, le 3 mai 1952.

Un second comité de combat, animé par le capitaine Alain Le Ray (Rouvier), chef militaire, et Eugène Chavant (Clément), chef civil, avait pour objectif de transformer les réfractaires en combattants. En août 1943, lors de la réunion d’Arbounouze, la logique de dualité de commandement entre civils et militaires est actée.

Alain Le Ray, suite à des reproches de Marcel Descour (Bayard) relatifs au manque d’organisation du parachutage de novembre 1943 à d’Arbounouze, démissionne et devient le chef des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) de l’Isère. Un autre personnage important quitte le Vercors : Pierre Dalloz, parti pour Londres et Alger pour défendre son plan, sans succès apparent, ne reviendra pas dans le Vercors.

Eugène Chavant, excédé, part pour Alger pour obtenir confirmation de la prise en considération du Projet Montagnards. Le Bureau Central de Renseignement et d’Action (BCRA) lui promet oralement l’envoi de parachutistes français. Jacques Soustelle l’encourage par un texte écrit et par la remise d’une importante somme d’argent.

Au printemps 1944, le Vercors reçoit de nombreux parachutages d’armes et des équipes d’agents des services interalliés pour instruire les combattants dans le maniement de ces armes. L’une d’elles, arrivée début juillet, reçoit la mission d’aménager un terrain d’atterrissage à Vassieux-en-Vercors. Tout concourt donc pour que Marcel Descour décide de mobiliser les forces du Vercors après avoir reçu le message de la BBC, le 5 juin 1944, « Le chamois des Alpes bondit », malgré quelques réticences de François Huet, partisan d’attendre le déclenchement du débarquement en Provence, dont personne ne connaissait la date. Conformément aux dispositions du plan d’Alain Le Ray, le Vercors est verrouillé avec près de 3 500 à 4 000 combattants au lieu des 450 prévus initialement.

Auteurs : Julien Guillon et Guy Giraud
Source :
D’après « La Résistance en Vercors », article du général Le Ray in Le Pionnier du Vercors, n° 71, Grenoble, ANPCVV, juin 1990.

Du Projet Montagnards au plan militaire

Il convient d’analyser les critères qui soutiennent la décision de la Gouvernance du Vercors d’anticiper la mise en œuvre éventuelle du Projet Montagnards de Pierre Dalloz en mettant à exécution, dès le 9 juin 1944, date de la mobilisation des forces du maquis, le plan militaire élaboré par Alain Le Ray.

Alain Le Ray fixe les modalités générales du verrouillage des accès au Vercors. Il s’agit d’assurer la sécurité éloignée du terrain d’atterrissage de Vassieux-en-Vercors pour permettre l’atterrissage attendu des parachutistes alliés, de les regrouper et, sans délai, de sortir du massif pour harceler les Allemands sur les voies de communication de la vallée du Rhône et de la route des Alpes en liaison avec un débarquement en Provence.

Auteur : Guy Giraud

Le projet civil et politique

Pierre Flaureau (Pel) du mouvement Franc-Tireur et Partisans Français (FTPF), d’obédience communiste, désigné aussi sous l’appellation FTP, à l’instigation du Gouvernement provisoire de la République française d’Alger, décide de réunir à Méaudre, le 19 janvier 1944, des personnalités de la Résistance en Isère, appartenant tant aux différents grands mouvements qu’aux organisations armées : FTP, Armée Secrète (AS), maquis du Vercors.

Il s’agit, d’une part, de définir une stratégie d’action contre l’occupant. Les divergences de vue entre FTP et l’AS, théoriquement regroupés sous l’appellation de Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) ont conduit à des débats houleux. Les FTP, partisans de l’insurrection immédiate quel qu’en soit le prix en pertes civiles, s’opposent aux idées des FFI prônant au contraire un scénario d’attente visant, en temps utile, à appuyer les débarquements alliés en France ; il s’agit, d’autre part, de désigner le futur président du Comité départemental de libération de l’Isère et le futur Commissaire de la République à Grenoble.

Au cours de cette réunion, Eugène Chavant défend l’originalité du Vercors dans le département au regard de la mission nationale reçue de la France combattante (le Projet Montagnards).

Auteurs : Guy Giraud et Julien Guillon

Organiser le comité départemental de Libération nationale de l’Isère

En application des directives du Gouvernement provisoire d’Alger, une réunion se tient à Méaudre le 29 janvier 1944 aux fins de définir la composition du Comité départemental de Libération nationale de l’Isère, ses objectifs et les moyens à mettre en œuvre.

Les participants représentent différents mouvements locaux de la Résistance à l’engagement politique et à la tactique d’action diversifiés, sinon opposés.

Du fait de l’importance et de la sensibilité des sujets abordés, des divergences d’opinions sont apparues. La réunion a néanmoins permis d’esquisser la future organisation administrative de l’Isère, notamment pour Grenoble.

Auteur : Guy Giraud

Les chantiers de jeunesse

Villard-de-Lans, Isère. Non datée, mais en 1943. Foyer du Chantier de jeunesse n°8.

Les Chantiers de la jeunesse ont été créés le 4 juillet 1940. Le général Paul Marie Joseph de la Porte du Theil en devient le Commissaire général. Les lois et décrets du 18 janvier 1941 en fixent l’organisation ainsi que le statut des cadres. Ils sont dissous le 4 janvier 1944 pour devenir une formation de travailleurs encadrés, destinée à exécuter des travaux au profit des Allemands. De la Porte du Theil est arrêté. Ils passent sous le contrôle du ministre du Travail et de la Production Industrielle, le technocrate Jean Bichelonne, un ultra collaborationniste, responsable de la mise en œuvre du Service du Travail Obligatoire.

L’armistice du 22 juin supprime le service militaire. Il s’agit de le remplacer pour encadrer et occuper sainement une jeunesse en désarroi. Les jeunes hommes, nés entre 1920 et 1924, y sont incorporés dans des groupements organisés dès 1941 en zone libre, puis en 1942 en zone occupée tout comme en Afrique du Nord.  Les stages durent huit mois. Les stagiaires ne sont pas armés. Le but est de remplacer le service militaire interdit par une expérience associant formation politique et éducation morale et physique par un travail en équipe dans des camps en pleine nature. La discipline est du type paramilitaire. L’encadrement est composé d’officiers d’active ou de réserve démobilisés. Pour ne pas apparaître aux yeux de l’occupant comme une organisation militaire déguisée, les Chantiers sont placés sous la tutelle du Secrétariat d’État à l’Éducation nationale et à la Jeunesse.

Autour du massif du Vercors se trouvent les groupements suivants : n° 9 Monestier-de-Clermont, n° 10 Saint-Laurent-du-Pont, n° 11 Villard-de-Lans, n° 14 Le Diois, n° 15 Saint-Jean-en-Royans. Leurs magasins sont riches en approvisionnement et équipements divers. La Résistance, par ruse ou avec certaines complicités internes aux groupements, en feront une source d’approvisionnement (vêtements, ravitaillement, tentes, skis, etc.).
À la dissolution des Chantiers, des cadres et des jeunes passeront à la résistance armée dans les maquis.

Auteurs : Julien Guillon et Guy Giraud

Le concept de révolution nationale de Vichy

Les clauses de l’armistice du 22 juin 1940 suppriment le service  militaire. Le gouvernement de Vichy décide la création des Chantiers de la Jeunesse, ouverts en zone libre et en Afrique du Nord aux jeunes gens âgés de 20 ans. Développés en camps dans la nature, ils s’inspirent de l’organisation de la vie du scoutisme. Le but est d’inculquer les valeurs de la révolution nationale prônées par Vichy.

Les rapports des Chantiers avec la Résistance sont ambigus. Un état d’esprit antiallemand imprègne une partie de l’encadrement et des jeunes gens. Bien pourvus en matériels divers, les magasins des chantiers sont une source d’approvisionnement pour le maquis.

Sous la pression allemande, les Chantiers de la Jeunesse sont dissous le 15 mai 1944 – dissolution entérinée le 15 juin 1944 – et la plupart du personnel rejoint alors la Résistance.

Auteurs : Julien Guillon et Guy Giraud

Le phénomène maquis

« Le maquis ! Ce mot, on l’entendit d’abord chuchoté, répété à voix basse dans des villes comme Lyon, où les montagnes sont proches. Un mot clandestin comme la lutte elle-même du peuple français (…). Le maquis, ce fut le phénomène le plus neuf de la vitalité et de la volonté du peuple français. Loin au-dessus du village, le maquis veille, guette, se disperse, se reforme, disparaît, revient, attaque, (…) on parle d’eux avec fierté et tendresse. La vaste complicité de tout un peuple les entoure et les soutient. D’où viennent-ils, les gars du maquis ? L’Allemand et les immondes valets de Vichy les nomment brigands et terroristes. Je me souviens d’eux dans le Vercors, dans la Savoie.

Corvée de bûches au camp C3 de Gève sans date (probablement hiver 1943-1944).

Je revois leurs visages : des ouvriers, des étudiants, des paysans, des artisans, des employés, des officiers, de toutes classes et de toute condition, de toute croyance et de toute tendance. Des bandes ? Allons donc ! Une armée de guérilla, certes, mais avec sa discipline, sa fraternité d’armes, son honneur, son drapeau… ».

Cette longue citation1 est de la plume d’Yves Farge (1899-1953). Il fut journaliste au Progrès de Lyon, résistant dès 1941, président en juin 1943 du Comité d’Action contre la Déportation (CAD, chargé entre autres de combattre le STO et de ravitailler les maquis), commissaire de la République de la région Rhône-Alpes en avril 1944, président de la cérémonie de Restauration de la République en Vercors le 3 juillet 1944, libérateur des 800 prisonniers otages de la prison de Montluc, dont des maquisards. Bref, ce Compagnon de la Libération par décret du 17/11/1945 fut un acteur et un témoin averti du « phénomène maquis », dans son plein développement. Le lyrisme de son texte décrit avec force le phénomène du « maquis combattant », des années 1943 et surtout 1944 et pour le Vercors de la « montagne maquis ». Selon la terminologie de François Boulet2, il faut d’abord évoquer la « montagne refuge », à l’origine de nombreux maquis : elle recueille les réfractaires au STO, mais aussi des Français ou étrangers menacés dans leur sécurité. Elle développe – souvent près des villages – une « éthique de responsabilité et de « fraternité » avec ses « valeurs humanitaires ».

Le Vercors s’inscrit pleinement dans cette démarche de la « montagne refuge » – celle des camps – devenu progressivement la « montagne maquis » combattante – in fine celle des unités militaires reconstituées. Cependant, il est clair que ce cheminement ne sera pas « binaire », mais dans cette période chaotique, sera semé de nombreuses péripéties, tour à tour heureuses et dramatiques. Il faut noter par ailleurs qu’à travers le pays, le comportement de certains maquisards ne fut pas toujours exemplaire3.

Auteurs : Philippe Huet et Alain Raffin
Sources :
1- Jean-François Armorin, Le temps des terroristes, Paris, Editions Franc-Tireur, 1945, préface d’Yves Farge ;
2- François Boulet, 
Les Alpes françaises, des montagnes refuges aux montagnes maquis,
Paris, Editions les Presses Franciliennes, décembre 2008 (pp. 356 et suivantes) ;
3- Jacques Canaud, 
Le temps des maquis, Sayat, éditions de Borée, octobre 2011, p. 185.

Aux origines du maquis

Au départ, les initiateurs de la Résistance imaginaient-ils avoir à créer des refuges pour les personnes menacées ou dans l’illégalité ? Selon les termes de l’historien Henri Michel, « Le maquis fut un cadeau que l’occupant fit à la Résistance », puisque c’est à la suite de la Relève et plus tard du Service du Travail Obligatoire (STO) qu’il devint nécessaire de prévoir la mise à l’abri des « réfractaires ». Ainsi, après 8 lois et 11 décrets promulgués par le chef de l’Etat français entre le 4 septembre 1942 et le 26 août 1943, et selon les statistiques allemandes, plus de 600 000 travailleurs français pour près de 850 000 réquisitionnés partirent dans les usines de guerre allemandes jusqu’au 30 septembre 1944.

Certes, tous les réfractaires ne rejoignirent pas les maquis, mais il y avait là une forte source de recrutement pour la Résistance. Il faut cependant souligner que la très grande majorité de ces réfractaires recherchaient un refuge plutôt qu’une base de combat. Ainsi, selon l’historien François Boulet, au printemps 1943, se constituèrent au Vercors 8 camps de 50 hommes.

Auteurs : Philippe Huet et Alain Raffin
Sources :
François Boulet, Les Alpes françaises 1940-1944 : des montagnes-refuges aux montagnes-maquis, Paris, Les Presses Franciliennes, 2008, pp. 360 et suivantes.
Alain Guérin, 
Chronique de la Résistance, Paris, Omnibus, 2010, p. 1057 et suivantes.
Henri Michel, cité par Alain Guérin in
Chronique de la Résistance, Paris, éditions Omnibus, 2007, p. 1058. 
Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 49, janvier 1963.

Les camps, la vie quotidienne – Essai de synthèse

Faire vivre, dans la durée et le plus souvent dans la clandestinité un groupe d’hommes en forêt, est un défi permanent que les camps eurent à résoudre : la sécurité, la santé, le ravitaillement, l’entraînement physique puis militaire, l’armement, les rapports avec la population, les loisirs, autant de questions à résoudre jour après jour.

Les différents aspects ont été étudiés dans divers ouvrages, notamment Le Temps des Maquis de Jacques Canaud – Edition de Borée,  2011), selon une grille similaire.

L’étude originale et spécifique au Vercors présentée ici met en évidence la complexité de la description d’une vie souvent nomade, en tout cas incertaine, qui doit souder des hommes de tous âges, de toute motivation, de toute conviction – les témoins qui ont été jusqu’au bout des combats parleront de fraternité née entre eux pour la vie.

Délibérément dans la présentation, le choix a été fait d’exploiter les témoignages « au plus près du terrain », pour tenter de saisir la réalité quotidienne de l’aventure des camps.

Auteurs : Philippe Huet et Alain Raffin
Source :
Jacques Canaud, Le Temps des maquis, Sayat, Edition de Borée,  2011.

L’attente, les coups de boutoir italiens, allemands et miliciens

L’Isère et la Drôme, situés dans la zone libre de juin 1940 à novembre 1942, connurent deux périodes d’occupation. La première, de novembre 1942 à septembre 1943, fut celle des troupes italiennes. En effet, après le débarquement allié au Maroc et en Algérie, l’Italie occupa les régions alpines et la Corse.

L’armistice du 3 septembre 1943 signé par le maréchal Badoglio renversa la situation, provoquant l’arrivée en force des troupes allemandes sur l’ensemble du territoire et notamment à Grenoble ; il s’agit de la deuxième période d’occupation allant jusqu’en août 1944.

L’occupant, italien ou allemand, n’a pas déployé de troupes permanentes sur le massif avant l’attaque du 21 juillet 1944.

Il est évident qu’il surveillait la montée en puissance de la Résistance en infiltrant des espions, en engageant ses avions d’observation et en procédant à des sondes ponctuelles souvent à partir de renseignements.

Les forces italiennes, du fait de l’activité de l’Organizzazione per la Vigilanza e la Repressione dell’Antifascismo (OVRA), la police politique italienne, portèrent quelques coups à la Résistance.

La 157e division de réserve du général Karl Pflaum, appuyée par tout le dispositif de répression des Allemands, s’avéra plus dangereuse que la répression italienne quant aux exactions pratiquées à l’encontre des habitants du massif.

La milice lyonnaise fit une incursion ravageuse à Vassieux-en-Vercors et à la Chapelle-en-Vercors du 16 au 23 avril 1944.

Auteurs : Julien Guillon et Guy Giraud

De l’été 1944 à la Libération

La période qui court du 9 juin à la Libération est marquée par les événements suivants :

  • la mobilisation du maquis, celle des compagnies civiles et celle d’individus ou de petites équipes moins organisées, la structuration des unités,
  • le verrouillage du massif conformément au plan militaire élaboré par Le Ray,

la phase euphorique du début du mois de juillet qui conduit à restaurer la République en Vercors et à organiser une grande cérémonie pour le 14 juillet,

l’assaut des Allemands du 21 juillet est centré sur Vassieux-en-Vercors en liaison avec des attaques venant du nord (Quatre-Montagnes), de l’est (les Pas de la falaise orientale), du sud (Vercors drômois). L’opération est complétée par le bouclage des issues du massif conduisant aux coupures du Drac et de l’Isère. Il s’ensuit des massacres de civils et de combattants,   – La gouvernance donna alors l’ordre de dispersion dans les zones-refuges boisées du Vercors pour survivre au ratissage des Allemands,

Dès le départ de l’occupant, le combat pour la Libération reprend à titre individuel, mais surtout, par unités (11e Cuir. et 6e BCA) dans le cadre de l’amalgame.

Auteur : Guy Giraud

Le Projet Montagnards à l’épreuve, les événements de juin 44

Groupe de combattants, maquisards et tirailleurs, à Valchevrière. Juin 1944.

 Les événements qui se sont déroulés au mois de juin 1944 découlent de quatre faits majeurs :

  • le 5 juin, l’état-major des FFI, officialisé le 9 juin, diffuse l’ordre de mobilisation de la Résistance en appui du débarquement allié en Normandie. Les plans vert (sabotage des voies ferrées) et rouge (rassemblement de tous les résistants) sont activés sur le territoire national.
  • vers le 15 juin, Koenig donne l’ordre de freiner les actions de guérilla et d’éviter les grands rassemblements du maquis.
  • M. Descour (Bayard), chef d’état-major de la région R1, est persuadé de la validité du Projet Montagnards ; en effet, E. Chavant, de retour d’Alger, rapporte les promesses verbales du BCRA (lieutenant-colonel Constans, dit Saint-Sauveur, concernant l’envoi de 2 500 parachutistes sur le Vercors, et une lettre de Soustelle (chef de la Direction des Services Spéciaux à Alger) précisant la validité des directives du général Delestraint (Vidal) sur la mission du Vercors.
  • M. Descour, en militaire discipliné, ordonne la mobilisation des forces du massif le 9 juin en passant outre la réserve de F. Huet (Hervieux), le chef militaire du Vercors, qui préconise de ne mobiliser qu’en concordance avec le débarquement en Provence, dont personne ne connaissait la date.

Tous les événements de juin concourent aux premiers combats des 12 et 13 juin à Saint-Nizier-du-Moucherotte.

Auteurs : Guy Giraud et Julien Guillon

Le rapport des forces en présence sur le Vercors

L’évaluation du rapport des forces engagées dans le Vercors par les belligérants résulte de la comparaison de l’évolution de leurs capacités de combat respectives.
Au niveau national, dès 1940-1942, à une résistance informelle, qui prendra consistance peu à peu avec la naissance et l’essor des mouvements de Résistance, s’opposent les forces respectives des occupants italiens puis allemands et de l’Etat français de Vichy.
Dès l’invasion de la zone libre par les Allemands en novembre 1942, l’armée d’armistice est dissoute et l’Etat français de Vichy crée la milice en 1943. La population, souvent attentiste compte tenu de ses difficultés à faire face au quotidien, devient progressivement antiallemande.
Sans nécessairement basculer au profit de la Résistance, le rapport des forces incontestablement en faveur de l’occupant et de ses supplétifs, tend à s’effriter, miné par le début des actions ponctuelles de groupes francs progressivement mis en place par la Résistance contre les soldats et l’infrastructure utile à l’occupant.
En 1943, le Service du travail obligatoire (STO) est décrété. Les réfractaires à ce Service gagnent des zones-refuges. Ils constituent la trame de la future résistance armée. Dans le Vercors, des civils et des militaires mettent sur pied la gouvernance de ce qui deviendra le maquis. Les parachutages d’armes, d’agents secrets et de postes radio, vont changer ce maquis en une force combattante, pourvue d’armes légères bien que dépourvue d’armes lourdes.
Une nuance plus subtile existe au sein de la Résistance où ont souvent été signalés les rapports de forces entre les civils et les militaires qui assurent une gouvernance commune sur le massif, qu’il s’agisse d’oppositions entre de fortes personnalités ou de divergences de vues quant aux types d’actions à mener contre l’occupant.
Dans leur confrontation avec la Résistance armée organisée sur le Plateau, la Wehrmacht, la Luftwaffe, la milice et les groupes mobiles de réserve (GMR) appliqueront, souvent avec sauvagerie, la loi du plus fort.
Mais, selon les mots de Jean-Jacques Rousseau, « Le plus fort n’est jamais aussi fort pour être toujours le maître »; le débarquement des Alliés en Provence fera basculer le rapport des forces au préjudice de l’occupant et du gouvernement de Vichy.

Auteurs : Guy Giraud et Julien Guillon

De la mobilisation à l’action

La décision de M. Descour de mobiliser les forces du Vercors repose sur des critères d’appréciation de la situation critiqués par certains. Objectivement, cependant, ils répondent, d’une part, aux ordres reçus de Londres, d’autre part, aux assurances orales ou écrites du colonel Constant (Saint-Sauveur) du BCRA et de J. Soustelle, chef des services secrets d’Alger, sur la validité du Projet Montagnards propre au Vercors.

Les effectifs mobilisés dépassent les prévisions, ce qui entraîne un effort accru en termes d’accueil et de répartition des volontaires dans les unités combattantes.

Dans la foulée, il est décidé d’appliquer le plan militaire du Projet Montagnards, consistant à verrouiller les accès au Vercors. Les 13 et 15 juin 1944, les premiers combats se déroulent à Saint-Nizier-du-Moucherotte.

Auteur : Guy Giraud

Les compagnies civiles et la mobilisation

Le 9 juin 1944 à Presles, mobilisation de la compagnie civile Piron.

À partir de février 1943, la montée au Vercors des premiers jeunes gens fuyant le Service du Travail Obligatoire (STO) montre les limites du massif pour accueillir des camps dans la clandestinité. D’un point de vue logistique, il fallait en effet nourrir, organiser, encadrer, voire armer, plus tard, ces jeunes qui n’étaient pas encore des combattants. De plus, la sécurisation des camps ne permettait pas d’aller au-delà de 350 à 450 personnes au total. Que faire des autres hommes résolus à ne pas partir pour l’Allemagne ?  En parallèle des camps, des jeunes ont tout de même réussi à se maintenir à leur domicile où celui d’un proche, voire sur leur lieu de travail avec des fausses cartes d’identité fournies grâce à des complicités dans les mairies. Patiemment incorporés clandestinement dans des compagnies « dormantes », dites « civiles » ou « sédentaires », ils constituent six unités commandées et encadrées en mesure d’être mobilisées sur ordre, même si elles sont peu formées sur le plan de l’instruction militaire.

Il s’agit de :

  • la compagnie civile Prévost (Goderville), réunissant les corps francs du plateau, basée dans le secteur de Saint-Nizier-du-Moucherotte ;
  • la compagnie civile Paul Brisac (Belmont), comprenant entre 180 et 250 hommes, majoritairement de Grenoble, qui se postera à Saint-Nizier-du-Moucherotte ;
  • la compagnie civile Fernand Crouau (Abel), forte d’environ 400 hommes, essentiellement de Romans, basée à la Balme-de-Rencurel ;
  • la compagnie civile Ullmann (Philippe), composée de trentaines (trente hommes répartis en équipes de six), déployée dans la forêt des Coulmes ;
  • la compagnie civile Bordenave (Dufau)
  • la compagnie Bourdeaux (Fayard), recrutée dans le pays de Royans, installée dans la forêt de Lente
  • la compagnie civile Piron (Daniel), qui, après quelques engagements dans la Drôme, est affectée à la défense de Presles. Ses effectifs passent de 60 à 126 combattants.

Les compagnies Abel et Daniel viennent de la Drôme ; la compagnie Belmont de Grenoble, la compagnie Philippe regroupe les compagnies civiles mises en place progressivement sur  le secteur nord du Vercors (ou Vercors-nord, à savoir le secteur des Quatre Montagnes) ; la compagnie Goderville comprend des groupes francs de la Drôme et du Vercors-nord. Répondant à l’ordre de mobilisation du 9 juin 1944, elles rejoignent leurs lieux respectifs de regroupement sur le Vercors. Suite à l’afflux imprévisible d’autres volontaires, elles sont renforcées en hommes peu formés, mal équipés, non armés. Tout est à faire, et dans l’urgence, pour former les compagnies et les engager conformément au plan d’A. Le Ray, qui consiste notamment à verrouiller les accès au massif.

Toutes ces unités porteront, après la Libération, l’insigne des Pionniers et combattants volontaires du Vercors.

Auteurs : Julien Guillon et Guy Giraud

La montée au Vercors des volontaires sédentaires

Les effectifs des camps du Vercors oscillent entre 300 et 450 hommes selon la rigueur du climat, le moral des hommes, la maladie, les blessures. Aller au-delà de ce nombre entraînerait des difficultés de soutien, de sécurité, d’encadrement et d’équipement, en armes notamment.

Des volontaires restent donc à leur domicile et sur leur lieu de travail. Ils sont rassemblés en compagnies en mesure de répondre à l’appel d’une mobilisation sur le massif. Ces unités, peu instruites et peu armées proviennent de la Drôme (Romans) et de l’Isère (Grenoble). Certaines sont sur place dans le Vercors (Villard-de-Lans, Autrans). Elles sont appelées « compagnies civiles ou sédentaires ». Cependant, des groupes francs « sédentaires », à faible effectif, se rassemblent pour une mission précise et retournent ensuite à la normalité de la vie quotidienne. Regroupés à la mobilisation, ils constituent une compagnie spécifique (Compagnie Prévost, Goderville). Ces combattants seront armés suite à la réception des parachutages.

La compagnie du Trièves, commandée par le lieutenant Champon, monte dans la région du Grand-Veymont – Grande Cabane pour en assurer la défense, après les opérations allemandes de repésailles menées dans la zone où elle stationnait.

La compagnie de travailleurs travaille à l’aménagement du terrain d’atterrissage de Vassieux-en-Vercors.

Les principales unités du Vercors en juillet 1944

Unités Chef de corps Zone d’activité
6e BCAChef de bataillon Costa de Beauregard
(Durieu)
Corrençon, Villard-de-Lans, Méaudre, Autrans
12e BCA Chef de bataillon Ullmann
(Philippe)
Rencurel, la Balme-de-Rencurel, Presles…
14e BCA Capitaine Bourdeau
(Fayard)
Lisière ouest et sud-ouest de la forêt de Lente
11e Cuir. Capitaine Geyer
(Thivollet)
Vassieux-en- Vercors Un escadron de protection est posté à Saint-Agnan-en-Vercors

Auteur : Guy Giraud

Les événements de juillet 1944

De tout temps, les hommes ont cherché à se rassembler à l’occasion d’un événement majeur survenu dans leur collectivité en créant un symbole caractérisant leur fraternité.

Au mois de juillet 1944, la gouvernance du Vercors décrète la restauration de la République sur l’ensemble du massif ; les lois de Vichy sont abrogées. Le drapeau tricolore, flanqué de la croix de Lorraine et du « V » qui signifie « Victoire » et/ou « Vercors » en devient le symbole.

Une ferme détruite à Vassieux-en-Vercors.

Une réelle euphorie règne sur le Vercors au mépris de la présence allemande à Saint-Nizier. Le souffle de la Liberté anime le Plateau, malgré les craintes de certains quant aux conséquences de l’arrivée brutale des Allemands.

Le parachutage, fin juin, des missions Chloroforme des Jedburgh, Eucalyptus et l’Operational Group (OG) Justine, aux effectifs réduits, conforte cet optimisme.

Dans la nuit du 6 au 7 juillet arrive la mission Paquebot commandée par le capitaine Jean Tournissa (Paquebot) Elle est chargée de l’aménagement d’un terrain d’atterrissage à Vassieux-en-Vercors.

Pour assurer la sécurité de leurs voies de communications menacées par les forces du massif,   les Allemands, bien renseignés, bien que surévaluant probablement les moyens de la Résistance, attaquent le Vercors sur quatre directions.

Le 21 juillet, des combats opposent des maquisards aux Allemands à Vassieux-en-Vercors. Vassieux-en-Vercors, le Mur des fusillés de la Chapelle-en-Vercors, le massacre des blessés de la Grotte de la Luire, sont des lieux de mémoire pour la population et les résistants du Vercors.

Le 23 juillet à 16 heures, F. Huet (Hervieux) donne l’ordre de dispersion des combattants dans les zones refuges des forêts, en vue de reprendre les actions de guérilla.

Après le 24 juillet,  une répression féroce s’abat sur les civils et les combattants.

Auteurs : Julien Guillon et Guy Giraud

Le mois de l’euphorie, la République en Vercors

Le suivi des progrès du débarquement du 6 juin sur les côtes normandes, l’attente du débarquement en Provence puis l’achèvement du terrain d’atterrissage de Vassieux-en-Vercors ont engendré, à tort ou à raison, un sentiment d’euphorie collective et d’impunité. En effet,  le massif est libre de toute présence ennemie, à l’exception de Saint-Nizier, où son dispositif est allégé.

Yves Farge, Commissaire de la République pour la région R1, et la gouvernance du Vercors décident la restauration de la République en Vercors. Cette décision concerne d’autres secteurs comme Die par exemple. À Saint-Martin-en-Vercors, le 14 juillet est célébré selon la tradition républicaine et donne lieu à une prise d’armes dans une ambiance de liesse populaire.

Auteurs : Guy Giraud et Julien Guillon

Les combats

La restauration de la République en Vercors, la célébration du 14 juillet 1944 à Saint-Martin-en-Vercors, l’imposant parachutage des alliés en simultané et en plein jour à Vassieux-en-Vercors ne pouvaient laisser indifférents les Allemands. Conscient de la menace que constituent les forces du massif sur leurs voies de communications, l’ennemi prépare sa riposte. Maître de l’espace aérien à partir de l’aérodrome de Valence-Chabeuil, il dispose d’une grande capacité d’observation. Il mitraille et bombarde le terrain d’aviation de Vassieux et la Chapelle-en-Vercors.

Le 21 juillet, le Generalleutnant Heinrich Niehoff, Kommandant des Heerresgebiets SüdFrankreich (commandant militaire pour le Sud de la France) déclenche l’opération Unternehmen Vercors en attaquant le Vercors sur quatre directions. Il obtient la surprise stratégique en posant par planeurs, les 21 et 23 juillet, les parachutistes des forces spéciales de la Luftwaffe sur le terrain Taille-Crayon de Vassieux.

Du 21 au 23, les parachutistes allemands et les maquisards s’affrontent à Vassieux-en-Vercors ; d’autres unités de la Wehrmacht progressent en combattant à la Croix-Perrin, sur les Pas de la falaise orientale et à Valchevrière.

Auteurs : Guy Giraud et Julien Guillon

La Grotte de la Luire
La grotte de La Luire, 6 août 1945. Georges Bidault, ministre des Affaires étrangères, assiste à la première commémoration sur les lieux et au dévoilement d’une plaque mémorielle.

L’hôpital militaire du Vercors est mis en place, avec des moyens de fortune, à Saint-Martin-en-Vercors, à proximité du poste de commandement de F. Huet (Hervieux) et d’E. Chavant (Clément). Il est dirigé par le docteur Ganimède. Une annexe se trouve à Tourtre.

Lors du déclenchement de l’attaque allemande le 21 juillet, notamment à partir des Pas de la falaise orientale et surtout à Vassieux-en-Vercors, la gouvernance décide de tenter l’exfiltration de l’hôpital vers Die. Des éléments du groupe Zabel de la 9e Panzer division s’approchant de Die, l’opération est abandonnée. L’hôpital se réfugie dans la Grotte de la Luire. Après le tri des blessés, Ganimède et trois médecins assistés de neuf infirmières soignent 37 personnes, des civils, des combattants ainsi que quatre Allemands.

Le 27 juillet à 16 heures, les Allemands entrent sous le porche. Les occupants sont soit exécutés sur place, soit fusillés à Grenoble, soit déportés. Un lieutenant américain, considéré comme prisonnier de guerre, est envoyé en Allemagne. Trois personnes seront libérées car non identifiées.

Auteurs : Guy Giraud et Julien Guillon

La dispersion

Le 23 juillet 1944, après 56 heures de combats, le massif du Vercors est investi par les troupes allemandes et les Alliés de Londres et d’Alger, bien occupés sur les différents fronts, ne répondent plus aux appels des résistants. Cette situation conduit le commandement militaire local à ordonner aux combattants du maquis de se disperser par petits groupes dans les zones abritées du plateau et de laisser passer la vague allemande, avant de se regrouper pour reprendre ultérieurement le combat en des temps moins défavorables et sous des formes adaptées à la nouvelle situation.

Comment cet ordre fut-il préparé, diffusé, exécuté ? Avec quels résultats ? Telles sont les questions abordées ici.

Auteur : Philippe Huet
Sources :
Association nationale des pionniers et combattants volontaires du Vercors (ANPCVV), Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, Grenoble, 1990 ;
Archives familiales Huet, dont les témoignages de Robert Bennes, Roland Bechmann, Louis Didier-Perrin, Paul Wolfrom, Gilbert Landau;
Darier Albert, 
Tu prendras les armes, Grenoble, Imprimerie Veyret-Picot, 1974, 492 p. ;
Darier Albert, 
Tu prendras les armes, préface du général Le Ray, Grenoble, Association nationale des Pionniers du Vercors, 1983, 492 p. ;
Richard Marillier, 
Issues de secours, Précy-sous-Thil, Ed. L’Armançon, 2000, 117 p. ;
Marc Serratrice, 
Avoir 20 ans au maquis du Vercors, 1943 – 1944, collection « Histoire intime », Avon-les-Roches, Edition Anovi, 2014 ;
Stephen lieutenant (André Valot), 
Vercors premier maquis de France, Buenos-Aires, Viau, 1946 (rééditions par les Pionniers du Vercors en 1985 et 1991), Stephen lieutenant (André Valot), Vercors premier maquis de France, Grenoble, ANPCVV, 1991, 178 p. 

Cadre général de la dispersion

On conçoit que l’extrême diversité des situations des unités rassemblant plusieurs milliers de combattants répartis sur plus de 2 000 km² – sans aucun moyen de liaisons radio, et pour certaines, déjà bien éprouvées par les combats – ait conduit à des attitudes bien différentes face aux problèmes très concrets d’application de l’ordre de dispersion. Lieux de repli, camouflage, distribution des armes, eau et ravitaillement, accrochages des Allemands, retour en plaine… sont autant de circonstances et de thèmes obligeant à adapter les solutions aux données locales.

Auteur : Philippe Huet

Les parcours groupés et organisés

Une première option prise par les maquisards lors de la dispersion fut de rester en groupes organisés, soit sur le Plateau dans des zones-refuges, comme le prescrivait l’ordre de dispersion, soit, exceptionnellement, pour tenter une sortie vers la plaine en passant à travers les mailles du filet de l’encerclement allemand.

Le choix de rester sur le Plateau fut celui d’unités déjà expérimentées car constituées d’éléments présents dans le maquis depuis plusieurs mois. C’est le cas notamment des unités de Costa de Beauregard au nord (6e BCA) et de Geyer (11e Cuir.) au sud, ou encore d’éléments des compagnies civiles bien entraînés et peu éprouvés par les combats (sections Jacquelin(e) et Jansen). Tous ces groupes surent rester sur le Plateau et survivre dans des conditions extrêmement difficiles, en ayant essuyé peu ou aucune perte.

Il faut citer aussi le groupe de Robert Bennes, dit Bob, officier du BCRA, chef des opérateurs radio, qui reçut une formation de commando à Staoueli en Algérie, avant d’être parachuté près de Vienne. Lors de la dispersion, il prit spontanément la tête d’un groupe qui se trouvait à Pré-Grandu, au pied des Pas de l’Est en zone découverte, et le conduisit en sécurité et sans pertes en Oisans, au terme d’un raid de 10 jours, véritable exploit militaire.

Auteur : Philippe Huet

Les parcours mixtes
Dispersion du détachement Bennes, du 23 au 31 juillet 1944.

Une seconde option prise par les maquisards lors de la dispersion fut de rester un temps en groupe organisé sur le Plateau dans les zones-refuges, puis de se répartir en petites équipes afin :

– soit de tenter une sortie du massif avec « plus de chances » de traverser l’encerclement ennemi – les fortunes furent diverses (cas de la section Potin, la Compagnie Prévost, d’Eugène Chavant accompagné de 200 maquisards, du groupe Jouneau, de Louis-Didier Perrin et de ses compagnons) ;

– soit de rétablir des liaisons entre les unités ou avec l’extérieur (cas de l’état-major) avant de regrouper les résistants en plaine.

Il semble bien que ces dispersions en deux phases (groupées puis en petites équipes) aient été fréquentes, en tous cas ce sont celles pour lesquelles nous avons pu recueillir le plus grand nombre de témoignages.

Auteur : Philippe Huet

Les parcours individuels

À côté des parcours groupés, ou groupés puis éclatés (parcours mixtes), une troisième option a été prise par certains maquisards lors de la dispersion, celui de s’en sortir seuls, soit parce qu’ils avaient perdu le contact avec leur unité, soit parce qu’ils estimaient avoir ainsi les meilleures chances de sortir pour reprendre le combat ou rentrer chez eux.

Sont cités ici à titre d’exemple, les parcours de Roland Bechmann, 24 ans, gendre de Jean Prévost, dit Gammon-Lescot, pour son habileté à manier grenades et autres engins explosifs, et le parcours de Paul Wolfrom, 18 ans, neveu du colonel Marcel Descour. Tous deux, à l’issue de leur périple, reprirent le combat.

Auteur : Philippe Huet

Massacres et atrocités pendant la Deuxième Guerre mondiale

Le Generalleutnant Heinrich Niehoff (1882-1946), chef militaire de l’armée allemande déployée dans le Sud de la France (Kommandant des Heeresgebiets SüdFrankreich) est à l’initiative de la lutte contre les mouvements de la Résistance armée. Il préconise une approche dure contre les résistants, qu’il n’hésite pas à qualifier de « bandits sous-humains » (sic).

Des unités du Sipo/SD (Sicherheitspolizei und Sicherheitsdienst, littéralement la police de sûreté et le service de la sécurité) participent indépendamment aux opérations.

Les directives allemandes « anti-terroristes » ne justifient pas les exactions et atrocités commises ; elles en expliquent la dure réalité. Il convient de distinguer :

  • les tués lors des opérations de guerre et de la dispersion des unités, notamment ceux des combattants et civils tués lors du poser d’assaut des planeurs de la Luftwaffe à Vassieux-en-Vercors, ceux au cours des combats dans le secteur des Quatre-Montagnes, des pas de la falaise orientale et de Valchevrière ;
  • au-delà de ces combats, l’exécution « sauvage » des maquisards blessés et des civils, hommes, femmes et enfants soupçonnés de soutien à la Résistance ;
  • les exécutions inhumaines d’otages et de civils innocents lors du ratissage du massif pour stériliser tout retour de la Résistance sur le massif (La Chapelle-en-Vercors, la grotte de la Luire, le cours-Berriat à Grenoble, entre autres exemples).

Auteur : Guy Giraud

Le maquis du Vercors, Bir-Hakeim et Oradour-sur-Glane »

Le maquis du Vercors est à la fois connu pour les combats qui s’y déroulèrent à l’été 1944 (le général Alain Le Ray parlait de « la Bataille du Vercors ») et les représailles terribles exercées par l’occupant à la suite des combats, qui n’épargnèrent ni les résistants, ni les civils, ni le bétail, ni les habitations (La littérature associée évoque « le martyre du Vercors » ).

Les deux aspects sont indissociables et constituent, selon les termes employés par le général Zeller devant la Commission d’histoire de la seconde guerre mondiale, « l’épopée tragique du Vercors ».

Cette  tragédie, « plaie au flanc de la Nation et fierté nationale », selon les termes du ministre Kader Arif, présent en juillet 2013 à Vassieux-en-Vercors, a été comparée par de grands témoins comme le général Koenig, héros de Bir-Hakeim, puis chef des FFI, à une « mission de sacrifice », comme Eugène Chavant, chef civil du Vercors, dans sa conférence du 6 février 1945 à « un Bir-Hakeim de la Résistance dans la métropole », comme l’Abbé Pierre à « un premier Oradour » en parlant spécifiquement de la répression du maquis de Malleval, dont il fut l’un des fondateurs. C’est ce dernier volet sombre, conséquence des autres volets, qui est abordé dans les documents qui suivent.

Auteur : Philippe Huet
Sources :
Patrice Escolan et Lucien Ratel, Guide mémorial du Vercors résistant, Paris, éd. Le Cherche midi, 1994, p. 177.
Archives Famille Huet – Comité d’histoire de la seconde guerre mondiale, commission d’histoire de la Résistance (Vercors),

première séance du 3 février 1961, témoignage du général Kœnig, tapuscrit, pp. 39-40.