Antonine Chavant. 100 ans d’une vie lumineuse

Le 15 juin 2021, Antonine Barbier, épouse Chavant, est morte à l’hôpital de Grenoble. Elle venait d’avoir 100 ans le 20 avril.

Fille de Mélanie Ciceron et d’Hippolyte Barbier, Antonine était une enfant de Saint-Georges-d’Espéranche où elle avait grandi comme une petite campagnarde qui gardait les vaches, désherbait à la main les dix hectares que cultivaient ses parents en compagnie de ses deux sœurs, Anne-Marie l’aînée et Emilienne la cadette. Car l’époque était rude, et l’argent était compté à la ferme que son père avait construite lui-même sans emprunter un sou !

Antonine Chavant dans sa classe de grande section de maternelle à Échirolles la Ponatière, en 1958. (Collection Clément Chavant)

Depuis toute petite elle aimait la lecture et préférait garder les vaches plutôt que les chèvres car les premières, plus dociles, la laissaient lire. Bonne élève à l’école, elle partit en pension à l’école supérieure et entra la plus jeune de sa promotion à l’Ecole normale d’instituteurs.

Elle prit son premier poste à 18 ans à Combe-Rousse. En 1941 elle rencontra son futur mari, André Chavant, qui faisait un stage pour devenir instituteur à Saint-Georges. Mais le père d’André, Eugène Chavant, l’un des pionniers de la résistance dans le Vercors et qui allait devenir le chef civil du maquis, était déjà recherché par les polices française et italienne puis par les Allemands. Ils durent attendre la Libération pour se marier.

Leur premier poste commun fut Saint-Michel-de-Saint-Geoirs. L’école communale comportait deux classes, une pour les garçons et une pour les filles. Chacun devait assurer tous les niveaux réunis, du cours préparatoire jusqu’au certificat d’étude. Le couple habitait le logement au-dessus des classes, mais il fallait aller chercher l’eau à la fontaine, qui gelait en hiver.

Au bout d’un an, la condition qu’ils mirent pour rester fut la mixité des cours, à laquelle le curé du village, personnage aussi important que le maire à cette époque, était opposé. Mais ils l’obtinrent et Antonine s’occupa des plus jeunes, garçons et filles mêlés, pendant qu’André enseignait aux plus grands. Il y restèrent 10 ans, et 70 ans plus tard, leurs anciens élèves leur rendaient visite à Grenoble.

Daniel Huiller, président de l’association nationale des Pionniers du Vercors, lors de sa visite chez Antonine Chavant, à l’occasion de son centième anniversaire, en avril dernier.

La suite de la carrière d’Antonine Chavant se déroula d’abord à Echirolles où elle ouvrit la première école maternelle car c’était le début de cette institution à laquelle elle consacra toute son énergie. Puis elle dirigea un école maternelle de cinq classes à Grenoble.

A la retraite elle trouva enfin le temps d’assouvir sa soif de savoir, en apprenant l’anglais, et en suivant des cours d’histoire de l’art. Sa dernière élève fut une jeune fille inscrite en master de lettres à qui elle donna des leçons d’orthographe et de grammaire alors qu’elle avait déjà 96 ans !

De son enfance campagnarde elle avait gardé le goût de la nature et savait reconnaître n’importe quelle plante et n’importe quel arbre bien mieux que les applications modernes installées aujourd’hui sur nos téléphones. Elle était la mémoire de sa famille dont elle connaissait les ascendants et descendants, non par goût de la généalogie mais par intérêt pour les personnes. Cent ans d’une vie riche et généreuse qui laisse à ceux qui l’ont connue un souvenir lumineux.

Didier Croibier Muscat, secrétaire général de l’association nationale des Pionniers du Vercors, avec Antonine Chavant, à l’occasion de son centième anniversaire, en avril dernier.
Antonine Chavant, le 11 janvier 2021.