Une rue de Grenoble porte les noms de Renée et Gustave Estades

Un couple qui s’est connu dans la résistance grenobloise et dont les noms sont liés à ceux du groupe franc Paul Vallier, des mouvements Combat et Libération-sud, puis, après la Libération, à l’activité de la FNDIRP et de l’ANACR, et au Musée de la résistance et de la déportation de Grenoble dont Gustave Estades fut l’un des fondateurs.

« J’aime à me promener aujourd’hui dans les rues de Grenoble. Les rues de mon enfance, le long de l’Isère. C’est un vent imperceptible de liberté qui traverse ses ruelles, depuis des siècles. Ce vent m’a porté. » Ces mots ont été écrits par Gustave Estades en 1980. Ils furent cités ce 21 août par son petit-fils, Pascal Estades.

Ils disent, simplement, ce que furent les motivations de Gustave et Renée Estades, tous deux résistants, et dont une rue de Grenoble porte désormais les noms, dans le quartier de la Presqu’île – la rue portait le nom d’Abbé Pierre et elle a été débaptisée par décision du conseil municipal de Grenoble, en novembre 2024.

Une assistance nombreuse en cette matinée du 21 août.

Devant un public nombreux en cette fin de mois d’août et à la veille des cérémonies commémoratives de la libération de Grenoble, les descendants du couple ont dévoilé la plaque avant que ne soit diffusé le Chant des partisans. Un public parmi lequel on reconnaissait de nombreux représentants d’associations d’anciens résistants – Daniel Huiller et Didier Croibier Muscat représentaient les Pionniers du Vercors – et des élus dont Amandine Germain, conseillère départementale, Guillaume Lissy, maire de Seyssinet et Pierre Labriet, premier adjoint à la maire d’Echirolles.

Il revenait à Emmanuel Carroz, adjoint au maire de Grenoble, de présenter la décision de la ville d’honorer la mémoire de Renée et Gustave Estades. L’élu chargé de la mémoire, des migrations, des coopérations internationales et de l’Europe, notait le poids de l’histoire de ce quartier de la Presqu’île, de l’explosion du polygone d’artillerie le 14 novembre 1943 à la découverte, après la Libération, des corps des victimes de l’armée allemande. Un quartier dont les rues, autour de l’avenue des Martyrs, portent notamment les noms des villes compagnons de la Libération, Nantes, Vassieux, l’Île de Sein… Il retraçait le parcours de Gustave, engagé dans les mouvement Combat dès 1942, l’un des membres fondateurs du groupe de Paul Vallier, le groupe franc de Combat, arrêté lors de la Saint-Barthélémy grenobloise, en novembre 1943, torturé à Lyon par des Français, les hommes de Francis André, membres du Parti populaire français, alors le principal parti d’extrême-droite. Gustave Estades fut ensuite déporté à Buchenwald puis à Dora.

Emmanuel Carroz, adjoint au maire de Grenoble.

Emmanuel Carroz évoquait également Renée, « l’une de ces résistantes invisibilisées parce que femmes » dont l’activité comme agente de liaison, ou la responsabilité de caches d’armes fut essentielle pour la résistance grenobloise.

Des parcours que reprit Pascal Estades – petit-fils du couple, et par ailleurs président de l’association des amis du musée de la résistance et de la déportation de Grenoble – en sollicitant la mémoire familiale. « Devenu l’adjoint de Paul Vallier à l’été 1943, Gustave se consacre pleinement à la résistance. Il a quitté son emploi et rejoint la clandestinité. Il change quotidiennement de domicile. Il va régulièrement prendre ses repas et dormir chez sa belle-sœur, Marie Dussert. Marie vit chez une amie, Renée Lemée, dont Gustave fait la connaissance. C’est ainsi que Gustave et Renée se rencontrent », révèle-t-il. Renée, sage-femme de 22 ans, dont il décrit l’engagement : « Depuis 1942 elle est en lien avec Jean Weber, chef départemental de Libération-Sud. Son domicile devient rapidement un lieu important de la résistance : les tracts du mouvement Libération-Sud y sont imprimés. Puis, en 1943, l’endroit devient également une cache d’armes et un lieu de réunion des hommes des mouvements Libération et Combat, ainsi que des membres du groupe de Louis Clavel, issu des FTP. »

Pascal Estades, président de l’Association des amis du musée de la résistance et de la déportation.

Par delà l’histoire de la résistance grenobloise et de ses actions contre les collaborationnistes et les armées d’occupation italienne puis allemande, Pascal Estades prit le temps de souligner l’engagement de ses grands-parents, après la Libération. Car , dit-il, « Gustave et Renée Estadès considèrent que bien des combats restent à mener. Gustave est l’un des fondateurs du « Musée de la résistance dauphinoise de Grenoble », en 1963. Il en sera vice-président jusqu’à son décès en 1993. Membre des Comités directeurs de l’ANACR et de la FNDIRP, président de Résistance unie, de l’amicale de Combat ou encore de l’Amicale des résistants de Merlin-Gerin, il ne cesse de travailler pour que se perpétue la mémoire de la Résistance et de la Déportation. Il est très investi au sein de la FNDIRP, auprès de ses fondateurs en Isère, Louis Baille-Barel, Roger Josserand et Pierre Monval. La déportation ne doit pas être oubliée. Avec Roger Rahon, et bien sûr d’autres déportés, il œuvre pour que le Musée de la résistance devienne le Musée de la résistance et de la déportation. »

La plaque a été dévoilée par deux des enfants de Gustave Estades, Jeanine et Alain, et l’un de ses arrière-petit-fils, Alan.

Ce sont les valeurs portées par ses grands parents résistant sur lesquelles Pascal Estades entendait insister. « Dénoncer les idées soutenues par l’extrême-droite, eux qui avaient eu à subir les tortures de ses groupuscules, lutter contre le racisme et l’antisémitisme, œuvrer sans répit pour la paix, tel était le sens que ces fondateurs [du musée de la résistance] donnaient au travail de mémoire. Le souvenir, ne pas oublier, n’était pas suffisant : il fallait inciter à tirer la leçon de ce que fut l’occupation, le régime de Vichy, la déportation, les camps d’extermination et enfin la résistance. La résistance dans toutes ses singularités : menée par des gaullistes, des communistes, des Juifs, des catholiques, des protestants, des athées, des francs-maçons, elle puisait sa force dans une certaine idée de la France, libre et républicaine. »

Pour Pascal Estades, « si la mémoire ne sert pas à analyser le présent au travers de ce prisme, alors elle n’est pas mémoire, elle est souvenir, elle est un phare tourné vers le passé qui ne tardera pas à s’éteindre, faute d’être utile au présent. » En ce sens, le 8 Mai « ce n’est pas qu’un jour férié. Supprimer ce jour férié serait pousser hors de la mémoire collective l’importance et surtout le sens de ce jour dans notre Histoire. En ces temps troublés que traverse notre pays et le monde, un très mauvais signal envoyé à un très mauvais moment », disait-il.

Les noms de Gustave et Renée Estades, gravés sur les plaques d’une rue de Grenoble, sont là pour rappeler que la mémoire, ce n’est décidément pas un supplément d’âme.

Daniel Huiller, président de l’association, représentait les Pionniers du Vercors.